20 mars 2008

Reynders : « Je suis dans une logique de trois ans»

Le président du MR n'exclut pas un gouvernement de trois ans, jusqu'à 2011. Et voit sa philosophie libérale dans le texte de l'accord. L'interview vidéo de Didier Reynders.

ENTRETIEN
Enfant terrible de la majorité ? Didier Reynders défend l'accord, assez « libéral » à son goût, et croit le gouvernement durable, jusqu'à 2011. À certaines conditions…
Comment définissez-vous l'accord de la nuit dernière ?
Un prolongement. On avait déjà un premier accord sur la réforme de l'Etat, un autre sur le budget 2008. Pour le reste, j'espère qu'on va enfin comprendre, dans certains partis au nord du pays, qu'il faut un peu de stabilité, pour qu'un Premier ministre puisse s'installer et que l'accord conclu, qui porte au moins sur les trois prochaines années, ait une chance d'être mis en œuvre.
Il y aura une « déclaration » du gouvernement en juillet sur la réforme de l'Etat ?
Le gouvernement s'engage à faire cette déclaration à la mi-juillet, et à faire en sorte que les textes soient disponibles, mais sur quoi, on verra…
Yves Leterme parle du marché du travail, Bart Somers également… Le « second paquet » de la réforme de l'Etat pourrait se limiter à cela ?
On verra, mais cela me va, oui, une discussion sérieuse sur le marché du travail.
Et BHV, on verra plus tard ?
L'arrêt de la Cour constitutionnelle nécessite de faire quelque chose avant les prochaines élections, normalement 2011.
Le CD&V avait dit : sans accord sur la réforme de l'Etat en juillet, fini le gouvernement…
Il avait dit ça, en effet. Mais on ne place pas une bombe avec une minuterie réglée à trois mois quand on a conclu un accord de gouvernement qui s'étend sur plusieurs années.
Pour la seconde phase de la réforme de l'Etat, quelle « méthode » utilisera-t-on ? Un nouveau « comité des sages », des négociations entre présidents ?
Je préfère une réflexion en dehors du gouvernement. Lequel peut être impliqué : dans le premier comité des sages, il y avait un Premier et deux vice-Premiers.
Vous parlez de l'accord gouvernemental comme d'un « prolongement » : c'est peu pour un gouvernement « définitif »…
Moi, je m'engage dans une logique de trois ans. Quant au « prolongement », je dis cela parce que, sur le plan socio-économique par exemple, il y avait déjà des éléments concrets dans le budget 2008. Ainsi, pour ce qui concerne la baisse des impôts sur l'ensemble des revenus du travail, on avait prévu ceci déjà : au mois de mai, il y aura une première baisse, à travers le « job korting », l'augmentation des frais forfaitaires déductibles pour les salariés, soit 150 millions d'euros. Le 1er juillet, il y aura une augmentation du minimum imposable, qui interviendra sur six mois.
Voilà la philosophie générale : si – et tout le monde est d'accord là-dessus – on doit réserver l'essentiel de l'effort à la lutte contre la pauvreté et aux revenus les plus faibles,il faut aussi se dire qu'il y a des gens qui travaillent… Quand on a 1.500 ou 2.000 euros net par mois, on n'a pas une grande fortune. Proposer des mesures ayant un impact sur ces revenus-là, est-ce toucher les plus riches ? 80 à 90 % des Belges sont dans ce cas-là !
On vous reproche le « coût » de votre réforme fiscale intégrale, de 3 milliards d'euros…
Le coût est pratiquement le même que celui de la réforme précédente, de 1999, et cette nouvelle réforme fiscale peut être étalée sur plusieurs années.
Prenons un exemple : augmenter le minimum imposable, c'est au moins, à terme, dans 5 ou 6 ans peut-être, le rehausser au niveau du revenu minimum d'insertion, l'ancien minimex. Car, selon moi, on ne doit pas payer d'impôts sur son travail tant qu'on n'a pas gagné ce que l'on donne à quelqu'un qui n'a aucun revenu et qui est aidé par le CPAS. On avance dans cette voie-là.
Autre mesure fort décriée : avec Bart Somers, on s'est beaucoup battu pour supprimer le taux de 45 %. On nous reproche de nous intéresser aux revenus les plus élevés. Or, cette tranche de 45 % vaut à partir de 17.610 euros par an ! Et, jusqu'à 22.800 euros, si vous avez des difficultés à payer vos dépenses de chauffage, vous pouvez aller au CPAS, le Fonds social mazout, réservé aux plus défavorisés, vous aidera !
En fait, je veux accroître la progressivité de l'impôt : les personnes qui gagnent le plus contribueront, proportionnellement, encore plus aux recettes fiscales.
Cette philosophie est passée ?
Elle est dans le texte.
Des intentions. Pas de chiffres.
Des tendances. Vous savez, il y avait trois groupes autour de la table : le CD&V ; les libéraux ; le groupe PS-CDH.
Joëlle Milquet assure que 90 % du programme CDH est dans l'accord…
Peut-être dit-elle ça parce que 90 % de son programme, c'était le retour au pouvoir du parti socialiste… Il manque juste les 10 % de mesures probablement …
Vous savez, sur beaucoup de sujets en Belgique, il y a un large consensus. Qui va dire qu'il ne faut pas augmenter les pensions les plus basses ?, les plus anciennes ?, qu'on ne va pas prendre des mesures d'accompagnement des délinquants ?, ou qu'on ne va pas moderniser l'appareil de l'Etat ? Les différences se font sur des sujets comme – je l'ai dit – la fiscalité, ou le travail. Ou encore sur les peines incompressibles – un débat qui a été très vif, et qui a été tranché dans l'accord, puisque la loi permettra au juge de fond de fixer la partie qui devra obligatoirement être purgée. Voyez encore en immigration : le renforcement des conditions du regroupement familial, d'acquisition de la nationalité, etc.
Tout de même : à quoi avez-vous dû renoncer, notamment face au PS ?
Je n'isolerai pas une mesure, mais des thèmes. Prenez le marché du travail, et l'idée d'anticiper les mesures d'accompagnement des travailleurs de plus de 50 ans après 15 mois au lieu de 18 actuellement… Je suis assez surpris de voir que certains bloquent. Ou encore : pourquoi interdit-on de travailler aux gens de plus de 65 ans ? Nous, libéraux, nous ne comprenons pas. On a le taux d'activité des plus de 50 ans le plus faible d'Europe, le taux de chômage des jeunes le plus catastrophique… Et certains continuent à limiter, interdire.
Comment expliquer cela ?
J'ai le sentiment que, du côté francophone, on n'a pas digéré les résultats des élections de 2007, on n'a pas tiré les leçons en termes de grandes orientations, notamment socio-économiques… Je suis vraiment désolé d'avoir perturbé les plans de certains… Et je vois deux partis, PS et CDH, qui continuent de travailler ensemble, de façon privilégiée. À cinq aux affaires, il faut tenir compte des positions de chacun, et sûrement du poids dominant de certains partis… Or, je pense qu'il y a une tendance lourde en faveur des libéraux réformateurs.
Regrouper les élections à l'avenir ?
Comme informateur l'an dernier, je l'avais proposé, à l'échéance 2014. Eviter des élections à répétition dans un pays grand comme un mouchoir de poche, cela me paraît être un devoir. Mais je suis attaché aussi à l'idée d'une circonscription fédérale. Peut-être la seule façon d'obliger des partis à défendre leur point de vue sur tout le territoire : on ne peut pas plaider de la même façon le nationalisme si l'on doit aller l'expliquer à l'autre communauté, et l'on ne peut pas dire « non » à tout si on doit le faire de temps en temps dans l'autre langue…
Le PS y est plutôt hostile…
Beaucoup de calculs. Ils ont l'impression que les libéraux en tireront profit. Des partis de gauche étaient contre le vote des femmes en 1948, ils ont évolué.
Circonscription unique… On va finir par recomposer les familles politiques !
Et pourquoi pas ? Avec l'Open VLD, nous tiendrons une réunion commune entre nos groupes parlementaires, mercredi, avant nos congrès de participation. Même si dans un pays comme la Belgique, il y a des moments où les clivages par communautés reprennent le dessus, forcément.
Pour finir : à propos de votre perte d'image…
… vous voulez dire la façon dont on s'en est pris à moi dans les médias ?
Cela ne vous a pas déstabilisé ?
J'ai dû remobiliser un peu dans mon entourage, car il y a des gens un peu plus sensibles que moi à ce qu'on dit ou écrit. Je les ai rassurés. Je vous donne un scoop : de temps en temps, je rencontre les gens, les citoyens… Et je vois qu'ils nous soutiennent.
Vous passez quand même pour l'auteur de polémiques…
Mais quand je rentre dans une négociation et que je dis que je ne suis pas socialiste, on dit que c'est agressif ! Je ne suis pas socialiste, je l'assume. La critique fait partie de la politique.
Mais ne faites-vous pas de la politique au moment où il faudrait veiller au consensus…
Je fais de la politique pour faire passer des idées et de la confrontation. Je trouverais dommage qu'un président de parti n'ait pas pour ambition de faire en sorte que sa formation donne le ton. C'est mon cas.
Vous vous êtes isolé ?
Avec 880.000 électeurs environ, on ne se sent pas vraiment seul. Depuis 1999, j'ai fait des accords avec les socialistes, les écologistes, les sociaux-chrétiens… Isolé ?
Des gens ont décidé en 2004 de se passer du Mouvement réformateur… On avait dit que l'Olivier serait une machine de guerre… On allait nous éliminer… Il se fait que nous sommes toujours là, et que nous gagnons les élections.

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