22 mars 2008

Equipe mammouth pour mission délicate

LE PREMIER ministre se lance au Parlement à la tête d'un gouvernement kaléidoscopique, truffé de grosses pointures. Avec la réforme de l'Etat en juillet comme évaluation.
L'édito de Béatrice Delvaux: Etre ministre, c'est voir plus loin que BHV.
Les principaux passages de la déclaration de Leterme à la Chambre .
Le trombinoscope du nouveau futur gouvernement.


ÉCLAIRAGE
Un gouvernement du centre ? de centre-gauche ? centre-droit ? de gauche ? de droite ? chrétien-démocrate ? démocrate-chrétien ? social-démocrate ? socialiste ? libéral ? conservateur ? progressiste ? écologiste ? troisième voie ?… Vous n'y pensez pas ! Des catégories politiques ? Comme vous y allez !
Non : un gouvernement obligatoire après une crise de près d'un an ; un gouvernement kaléidoscopique, entre cinq partis et autres formations en cartel ; un gouvernement inclassable, comme notre système politique, voué aux coalitions Nord-Sud et aux alliances de toutes sortes, aime à les produire, en forme de punition collective.
Et, au milieu, vous le savez : Yves Leterme. Bien dans le ton. Nommé Premier ministre jeudi matin par le Roi, et qui s'est lancé l'après-midi au Parlement, où il réclamait la confiance des députés et des sénateurs, en prononçant un discours qui n'est ni un projet, ni un plan, ni même une feuille de route, mais un catalogue programmatique relié par un volontarisme proclamé à… onze reprises.
Les voici : « Nous voulons être un gouvernement qui renforce le pouvoir d'achat » ; « nous voulons être un gouvernement qui rémunère ceux qui entreprennent et qui travaillent », « nous voulons être un gouvernement qui donne aux demandeurs d'emploi de meilleures chances d'arriver sur le marché et qui les pousse à les saisir » ; « qui aide ceux qui sont touchés par la maladie ou la malchance » ; « qui garantit le financement de soins de santé de qualité » ; « qui soutient les familles » ; « qui investi dans un environnement sain » ; « qui garantit mieux la sécurité des citoyens » ; « qui utilise soigneusement l'argent du contribuable » ; « qui valorise la diversité culturelle de notre société » ; « qui se sait responsable de la communauté internationale et qui est solidaire du Sud »…
Pas la réforme ni la révolution, mais un devoir dense, une copie noire de « mesures concrètes », pour une tâche multiforme, ingrate presque, à laquelle ne se consacrera pas pour autant une troupe d'exécutants et de soldats, mais une armée de patrons et de chefs.
Cela, non seulement parce que le gouvernement démarre sous de mauvais auspices socio-économiques, qui nécessiteront de se mesurer aux contraintes et à la rigueur : de l'aveu même du Premier ministre hier, son équipage prend la mer « sans le vent de la croissance économique, et dans un creux budgétaire »…
Mais encore parce que ce gouvernement se fixe pour objectif de mettre au point, dès la « mi-juillet », un « deuxième projet de loi spéciale » sur la réforme de l'État, « nécessaire », dont « chaque citoyen, qu'il soit Flamand, Wallon, Bruxellois ou germanophone, tirera profit », ce qui ne pourra être le fait que d'une majorité capable de résister aux luttes intestines, aux assauts entre partenaires, au terrible jeu des rapports de forces entre bleus, rouges, oranges, Flamands, francophones…
Cette majorité consciente de « ses limites », qui devra oser « prendre des risques », même si « ceux-ci nous rendent vulnérables », prévient Yves Leterme, se devait d'être hors normes.
D'où le grand chambardement politique auquel a donné lieu l'attribution des portefeuilles ministériels (lisez les pages suivantes), avec rien de moins, pour le coup, que les changements à la présidence de deux partis (le CD&V et le CDH !), et de deux gouvernements fédérés, la Région wallonne et la Communauté française.
Un vaste remaniement dicté en partie par des raisons propres aux différents partis (voir le super-Demotte de campagne, au PS), et qui a pour effet d'étoffer l'exécutif fédéral (quinze ministres + sept secrétaires d'État !), de le bétonner, aux mains désormais de personnalités et de poids lourds.
Des gens pas là, a priori, pour trébucher au premier obstacle, tomber au premier écueil, mais au terme seulement d'une bataille homérique, d'un affrontement grandeur nature, peut-être communautaire, avec le chaos que l'on devine alors pour le pays. Les partis se sont placés en ordre de bataille jusqu'au sein même d'une majorité pentapartite absolument sans queue ni tête politiquement, mais plurielle en diable, multipolaire forcenée, partie à l'aventure.

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