27 mars 2008

Le PTB sort de l'ombre

Le Parti du travail de Belgique veut se débarrasser de ses oripeaux sectaires et antidémocratiques. Il se présente comme la « gauche de la gauche ». Vrai mue ou faux nez ?
Un chiffre leur fait tourner la tête : les 7,4 % de suffrages que, d'après un sondage de Télémoustique , les Belges francophones auraient accordés à Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, s'ils avaient pu voter au premier tour de l'élection présidentielle française. Question, dans la foulée de ce chiffre surprenant : avec Raoul Hedebouw (30 ans), le PTB/PAVB a-t-il trouvé son Besancenot ?
De fait, le trentenaire présente tous les signes de la modernité. Biologiste, ornithologue amateur, randonneur et DJ à ses heures, il ne « colle » pas à l'image du communiste pur et dur. Belge unitaire - son père est d'origine flamande, ouvrier sidérurgiste liégeois, et sa mère, syndicaliste CSC, l'ont vacciné contre le virus communautaire -, il est nourri d'internationalisme, dans la grande tradition prolétarienne. Ce qui ne l'empêche pas de labourer avec un certain succès le terrain communal.
A Herstal, le PTB a décroché deux sièges (dont le sien) aux communales de 2006. A ce poste, il a largement contribué à l'adoption du sac-poubelle à 50 centimes au lieu de 1 euro. « Nous sommes le parti révolutionnaire des micro-victoires », lui souffle son mentor, le Pr Robert Halleux (ULg). Déjà membre du Parti communiste français, ce spécialiste liégeois de l'histoire des sciences et des techniques s'est affilié au PTB en 2003, révolté par la fermeture des hauts-fourneaux de Seraing qui, savoure-t-il, sont remis progressivement à feu.
Toujours armés d'une organisation de fer, les « pétébistes » n'abandonnent pas leurs objectifs fondamentaux : la mort du capitalisme, responsable, à leurs yeux, de toutes les inégalités sociales. Mais ils ont adopté une ligne plus pragmatique, compte tenu de leurs échecs répétés. Inutile de remonter au conflit des Forges de Clabecq, avec le syndicaliste Roberto D'Orazzio, proche du PTB, en chef de bande. Les progressistes reprochent aussi au PTB d'avoir lamentablement précipité la fin de la loi « de compétence universelle ».

Me Luc Walleyne et Me Jan Fermon, avocats proches ou appartenant au PTB, avaient porté les plaintes de victimes présumées de crimes de droit international (massacres dans les camps de Sabra et Chatila, invasion de l'Irak), dans une optique purement idéologique.

Antisioniste, le PTB a également payé cher son alliance avec la Ligue arabe européenne de Dyab Abou Jahjah. Ce « mariage contre nature » était destiné à draguer l'électorat musulman, lors des législatives de mai 2003. Au procès Dutroux, en 2004, Me Fermon, associé pour l'occasion avec Me Georges-Henry Beauthier, a joué dans la pièce du grand « réseau » », qui jetait sans nuances la suspicion sur toutes les autorités, alimentant la théorie du complot. Le barreau de Bruxelles a dû également intervenir pour arrêter la grève de la faim de soutien aux sans- papiers de Me Selma Benkhelifa, affiliée au PTB et membre du Progress Lawyers Network, un réseau européen de cabinets d'avocat très à gauche, qui radicalise la cause des étrangers en situation irrégulière.
Une influence occulte redoutée

Dans les entreprises et les syndicats, l'influence occulte du PTB est redoutée. « Nous ne sommes pas des trotskistes. Nous n'avons pas une direction clandestine. Mais, dans certaines entreprises, nos militants, très efficaces sur le plan syndical, restent discrets pour ne pas être renvoyés », se défend Robert Halleux. En matière d'ordre public, les services de police et de renseignement observent, depuis des décennies, les tentatives de manipulation et d'infiltration des mouvements sociaux par des éléments du PTB. « Le PTB récupère des situations de crise, très médiatisées, mais son impact est nul, voire contre-productif, observe en tout cas Arnaud Zacharie, futur secrétaire général du Centre national de coopération au développement (CNCD). Ainsi, la Coordination nationale d'action pour la paix et la démocratie, qui manifeste contre la présence militaire américaine en Irak, ne doit pas être confondue avec Stop USA, d'obédience PTB. »
Propagande ou démarche sincère ? Le PTB annonce un changement de style : « Nous sommes pour un Etat de droit, poursuit le Pr Halleux, mais avec une autre structure, pour permettre la participation du plus grand nombre. Aujourd'hui, en Belgique, le PTB a une ambition réformiste, au sens noble du terme, et il le prouve. » Le petit parti communiste a, en effet, regagné une forme de respectabilité en défendant certains dossiers sensibles aux côtés d'autres groupes : les mutuelles, pour l'adoption du « modèle kiwi », importé d'Australie (appel d'offres public pour les médicaments de première nécessité) ; les démocrates, qui ont défendu l'Etat de droit dans le dossier Bahar Kimyongur (DHKP-C) ; les médecins et avocats non pétébistes qui accompagnent les sans-papiers... Et sa revendication de l'abaissement de 21 % à 6 % de la TVA sur le gaz et l'électricité - 25 000 signatures sur le site www.6pourcent.be - a été reprise par Elio Di Rupo (PS)... « Dommage qu'on ne puisse pas déposer un copyright sur nos idées », rigole Raoul Hedebouw.

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