31 mars 2008

Il faut taxer le gaz et l'électricité à 6 %

La TVA est l'impôt le plus injuste qui soit puisqu'il pèse plus pour les gens aux petits revenus. La réduction de TVA sur le gaz et l'électricité est donc une question de justice sociale.
Une opinion de Raoul HEDEBOUW, Porte-parole du Parti du travail de Belgique.

L'heure des décomptes finaux annuels en facture énergétique est arrivée pour beaucoup de nos concitoyens. Et il faut le constater : rares sont les bonnes nouvelles que nous recevons dans nos boîtes aux lettres. De plus en plus de ménages, et pas seulement les plus démunis, ont du mal à payer l'augmentation du coût de la vie en général, de nos produits énergétiques en particulier.
Petit à petit, pour y remédier, une idée fait son chemin : appliquer au gaz et à l'électricité la TVA des produits de première nécessité, une TVA de 6 pc. Cette revendication a déjà reçu le soutien de près de 40 000 signatures (1), des deux principales organisations syndicales et même, plus récemment encore, du parti socialiste. Il y a quelques semaines, M. Defeyt (Ecolo) s'exprimait dans la presse pour indiquer que cette mesure serait injuste et coûteuse (2). Celle-ci ne profiterait, en fin de compte, qu'à la tranche la plus nantie de la population. Nous voudrions apporter quelques éléments au débat.
Tout d'abord, rappelons qu'en Belgique, il existe un taux de TVA de 6 pc qui est appliqué aux besoins de première nécessité comme l'eau et les denrées alimentaires. Ce taux n'est pas appliqué pour le gaz et l'électricité sur lesquels nous payons 21 pc de TVA.
Le gaz et l'électricité ne seraient-ils donc pas des produits de première nécessité ? Oui et non, répond M. Defeyt. Tout dépend de l'utilisation qui est faite de cette énergie. Mais ce raisonnement vaudrait dès lors également pour les produits reconnus aujourd'hui comme de première nécessité. L'eau par exemple est un produit de première nécessité lorsqu'on la boit ou que l'on se lave, mais ne l'est plus lorsqu'on lave sa voiture. Faudrait-il dès lors augmenter la TVA sur l'eau à 21 pc ?
Un autre argument avancé est que cette réduction profiterait surtout aux couches les plus riches de la population parce qu'elles consomment le plus de produits énergétiques. M. Defeyt démontre notamment que la partie de la population faisant partie du premier décile (les 10 pc les plus pauvres) ne profiterait que d'une réduction annuelle de 70 euros contre 130 euros pour le décile le plus riche, calcul effectué pour une diminution de TVA sur l'électricité uniquement.
S'il est vrai que la réduction est doublement plus grande pour les plus riches en termes absolus, c'est ne pas tenir compte que la part des dépenses énergétiques dans les budgets des ménages est de 8 pc pour le décile le plus pauvre contre 2 pc pour le plus riche. Une réduction de TVA profitera proportionnellement donc quatre fois plus aux ménages aux revenus les plus faibles. En d'autres termes, une réduction de 15 euros par mois pèsera beaucoup plus pour une personne qui a un salaire de 1000 euros par mois qu'une réduction de 40 euros pour celle qui a 3000 euros de rentrées mensuelles.
Reste encore la question de savoir si les remises de "chèques énergies" ne sont pas plus adéquates. Mesure qui a d'ailleurs finalement été adoptée par le gouvernement et ce, malgré la participation des socialistes pourtant défenseurs de la diminution de la TVA. Le problème de ces mesures est qu'elles ne touchent que les couches les plus précarisées de la population justement. Les "chèques" divers sont d'ailleurs basés sur une forme de charité étatique, charité à laquelle il faut démontrer "avoir droit" à coup de fiche salariale et de documents multiples. Or les couches moyennes, elles aussi, ont de plus en plus de mal à payer leur facture. Deux petits salaires à la maison et vous ne faites déjà plus partie des "charitables". La réduction de TVA est quant à elle automatique pour tout le monde.
Cette réduction de TVA ne pousserait-elle pas les consommateurs au gaspillage ? En Angleterre et au Portugal, la TVA sur le gaz et l'électricité est respectivement de 5 et 6 pc. On n'y assiste pourtant à aucune surconsommation par rapport aux pays voisins. Vouloir lutter contre le gaspillage énergétique par l'augmentation des prix nous semble d'ailleurs socialement douteux, cette méthode donnant des plus gros permis de polluer aux gens qui en ont les moyens qu'aux gens qui n'en ont pas.
D'une manière générale, la TVA est l'impôt le plus injuste qu'il soit puisqu'il pèse plus pour les gens aux petits revenus. Contrairement à l'impôt sur les revenus qui augmente en fonction de ces derniers, la TVA n'a aucune fonction redistributive de richesse. M. Defeyt a bien raison sur un point, la fonction de la TVA est de vouloir assurer l'équilibre des finances publiques. Et il estime à juste titre le coût de cette réduction de TVA pour l'état à 800 millions d'euros. Mais pourquoi vouloir atteindre cet équilibre en maintenant une taxe de 21 pc sur ces produits de première nécessité ? Ne vaudrait-il pas mieux réintroduire les plafonds de 52,5 et 55 pc d'imposition sur les revenus, plafonds supprimés par le ministre Reynders il y a un an à peine ? Sans même parler du prélèvement d'une taxe exceptionnelle sur les bénéfices d'Electrabel qui se sont élevés à 2 milliards d'euros l'année passée. Ironie de l'histoire, d'ailleurs, la TVA supplémentaire que nous payons suite à la hausse des prix de l'énergie a servi à payer une partie des intérêts notionnels. Cette déductibilité fiscale a permis à Electrabel de payer 30 millions d'euros en moins au fisc l'année passée. Cette baisse d'impôt des sociétés a dû être compensée par une hausse des autres taxes. Or, quelles taxes ont particulièrement augmenté ces derniers temps ?... La TVA sur l'énergie.

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