05 mars 2008

Les entreprises publiques profitent des notionnels

DIX-SEPT MILLIONS d'euros d'économies pour la Banque nationale, 8,6 millions pour la Poste. La controverse est relancée.
L'édito : Faire taire les vierges effarouchées


Quand les intérêts notionnels sortent par la porte, ils finissent toujours par rentrer par la fenêtre. La polémique sur cet avantage fiscal semblait dégonflée après le conclave budgétaire de la semaine dernière, qui a accouché de mesures visant à limiter les abus. Mais mardi, le quotidien flamand « De Morgen », annonçait que la Banque nationale avait économisé 17 millions d'euros sur sa facture fiscale, grâce à ce dispositif.
Pour rappel, les intérêts notionnels sont des intérêts fictifs que les entreprises peuvent déduire sur leurs fonds propres. Cette mesure est toutefois controversée, parce qu'elle coûte plus cher que prévu au budget de l'Etat. Le PS, écolo et les syndicats chrétien et socialiste lui reprochent aussi de ne pas contribuer à la création d'emplois.
Aussi l'annonce de l'utilisation des notionnels par la Banque nationale, entreprise détenue à majorité par l'Etat, a-t-elle suscité des réactions négatives. « La banque profite des intérêts notionnels, mais n'a pas investi un euro pour créer de nouveaux emplois, indique Dirk Van Der Maelen, député SP.A à la Chambre, qui a dévoilé l'information. Le gouvernement n'a pas d'argent pour les allocations sociales ou les pensions, mais en trouve pour favoriser les entreprises sans contrepartie. C'est inacceptable, surtout pour une entreprise publique. »
Ecolo, qui a déposé une proposition de loi visant à imposer des créations d'emplois aux entreprises qui déduisent des intérêts notionnels a demandé et obtenu l'audition de Guy Quaden, le gouverneur de la Banque nationale, devant la commission des Finances de la Chambre.
Contactée par nos soins, la Banque nationale se défend, par la voix de son vice-gouverneur, Luc Coene. « La loi nous permet de déduire les intérêts notionnels et nous avons appliqué la loi, dit-il. D'autre part, nous n'avons procédé à aucun montage fiscal particulier. Nous nous sommes simplement limités à appliquer le pourcentage de la déduction sur nos fonds propres. » Le vice-gouverneur entend de la sorte se distancier de l'attitude de certaines entreprises privées, qui ont mis en place des montages sophistiqués pour profiter au maximum des avantages des intérêts notionnels. Le vice-gouverneur confirme aussi que la Banque n'a pas utilisé la mesure pour créer de l'emploi, mais précise : « Il n'a jamais été question d'imposer aux entreprises de prouver des créations d'emploi lorsqu'elles utilisent les intérêts notionnels. C'est vrai pour les entreprises publiques comme pour les entreprises privées. »
Enfin, le vice-gouverneur ajoute que les actionnaires privés de la Banque nationale auraient pu légitimement reprocher à l'entreprise de ne pas avoir fait usage d'un avantage fiscal auquel elle avait droit. Pour rappel, la Banque nationale a des relations tendues avec ses actionnaires privés, qui l'ont déjà assignée en justice à quatre reprises, pour des dossiers toutefois étrangers aux notionnels.
Interrogé, le ministre libéral des Finances, Didier Reynders a indiqué que les intérêts notionnels étaient une pratique parfaitement légale et que la Banque nationale n'en avait pas abusé. Il s'est néanmoins dit favorable à l'audition de Guy Quaden (d'obédience socialiste…) devant la Chambre.
En réalité, le cas de la Banque nationale n'est pas isolé. Contactées par nos soins, toutes les grandes entreprises publiques nous ont confirmé y avoir eu recours. Pour la Poste, le gain fiscal en 2006 s'est élevé à 8,6 millions d'euros. Pour la SNCB, qui réalisé des bénéfices plus limités, l'économie fiscale s'est élevée à 1,4 million d'euros. Belgacom nous a également confirmé le recours aux notionnels, sans toutefois accepter, contrairement aux autres entreprises, de nous dévoiler le montant ainsi économisé.
Aucune des entreprises publiques ne voit malice dans cette pratique. « Toutes les entreprises y ont droit, et ce serait commettre une faute vis-à-vis de nos actionnaires que de ne pas déduire d'intérêts notionnels », dit Piet Van Speybroeck, porte-parole de la Poste.
D'autres représentants des grandes entreprises publiques, ayant souhaité conserver l'anonymat, ont, pour leur part, fait valoir le fait que leurs concurrents privés en usent et, parfois, abusent, et qu'il serait irresponsable de ne pas faire usage de cette faculté.

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