11 octobre 2007

Comment les francophones ont claqué la porte

La pression des partis flamands a provoqué un gros incident à la Chambre, mercredi. Et les francophones ont quitté la commission « BHV ». Un Nouveau coup dur pour le formateur Yves Leterme ?

Cela avait pourtant bien commencé. Moins de caméras et de photographes que les semaines précédentes. La séance de la commission de l'Intérieur de la Chambre s'annonçait plus sereine et sans grande surprise. On allait poursuivre la discussion générale sur les propositions flamandes visant à scinder BHV. Mais pas voter – c'est ce qui avait été décidé par la Conférence des présidents – ni même finaliser la discussion article par article. C'était en tout cas le « deal » convenu entre partis de l'Orange bleue.




14 h 15. Première surprise pour les francophones : le président de la Commission, Pieter De Crem (CD&V), annonce que l'examen article par article de la proposition retenue (celle du CD&V) est au programme de l'après-midi. Il ajoute que, dans un geste de conciliation, il va joindre à la discussion la proposition de loi CDH visant à revenir aux anciens arrondissements électoraux, comme alternative à la scission de BHV. Elle a été prise en considération la veille à la Chambre et l'urgence a été décidée. Magnanime, De Crem accepte même d'intégrer la proposition PS. Mais pas celle du MR (sur la consultation populaire des communes concernées) car la Chambre ne l'a pas prise en considération et le règlement, c'est le règlement. Le MR s'énerve, insiste pour qu'on examine aussi sa proposition. « Vous ne gagnerez pas de temps en l'ignorant, lance François-Xavier de Donnea, puisque nous l'introduirons sous forme d'amendement. »
Hans Bonte (SP.A) s'impatiente aussi. Comme chaque fois, il estime qu'on ne va pas assez vite. La commission ne pourrait-elle pas se réunir demain et voter ?
Mais le premier assaut vient du PS Yvan Mayeur. « On fait du théâtre, lance le député PS à Pieter De Crem. On attend un accord du gouvernement et pendant ce temps, vous nous empêchez de voter. Parce que si on devait voter, Leterme ne sera pas Premier ministre. Il n'y aura pas de gouvernement orange bleu. On perd son temps. Nous demandons d'arrêter ces travaux parlementaires qui n'en sont pas. »
Jean-Marc Nollet (Écolo) intervient pour la première fois et renchérit. « Le carnaval, c'est en février. Il est temps que les masques tombent. Dites-nous quel est l'accord sur le calendrier que vous avez conclu au sein de l'Orange bleue. »
15 heures. De Crem fait voter la commission. Faut-il suspendre les travaux ? Sans surprise les Flamands votent contre (10 voix), les francophones (MR, PS, CDH) pour (6). Tinne Van der Straeten (groupe Ecolo-Groen) s'abstient. Mais c'est un vote demandé par le Vlaams Belang qui va mettre le feu aux poudres. Le VB demande qu'on termine ce mercredi le débat général et la discussion sur tous les articles des propositions BHV. Et De Crem fait voter. Flamands contre francophones, évidemment. « Les partis flamands nous mettent la pression », clame Olivier Maingain. Et le député MR d'apostropher le président : « Assumez vos responsabilités ! Vous êtes du parti dont est issu le formateur. Et vous avez fait droit à la demande d'un parti fasciste ! Je demande aux francophones de ne pas jouer dans cette mauvaise pièce. » Maingain sort, suivi immédiatement par les députés PS. Après quelques secondes d'hésitation, le MR et le CDH emboîtent le pas, ainsi que Jean-Marc Nollet. La députée Groen reste. « Miserie, miserie ! », marmonne De Crem dans son micro resté ouvert.
15 h 20. Après un bref moment de flottement, Pieter De Crem constate que « la commission est en nombre pour se réunir » mais qu'il va suspendre la séance jusqu'à 16 heures. Après, « on discutera les articles ». Le VB et le SP.A râlent. Pourquoi suspendre ? « Vous n'avez aucun courage politique », lui lance le SP.A.
Dans les couloirs de la commission, les députés MR et CDH croisent Daniel Bacquelaine qui s'apprêtait à rejoindre la commission. « C'est fini », lui lance l'un d'eux. Le chef de groupe MR est médusé, incrédule. Le désarroi des députés « orange bleu » est manifeste. Face aux journalistes, chacun s'explique. « Ce qui se passe témoigne d'un manque de respect élémentaire de la communauté francophone », explique Thierry Giet. « On veut un débat serein », affirme Melchior Wathelet (CDH). Les députés francophones se rassemblent dans une salle de la Chambre. Tous ensemble d'abord, entre partenaires de l'Orange bleue ensuite (lire ci-après).
16 h 10. Les députés flamands rentrent. De Crem explique que les francophones vont revenir. Il demande qu'on les attende. Josy Arens (CDH) est déjà assis mais quand les caméras se tournent vers lui, il reçoit l'injonction discrète de sortir. Il faut que les bancs francophones soient vides.
16 h 30. Seuls les chefs de groupe CDH et MR, Melchior Wathelet et Daniel Bacquelaine, reviennent en commission. Ils expliquent qu'ils vont déposer des amendements aux propositions BHV. Mais que ces amendements déconstruisent totalement la proposition sur la scission de BHV. Ils demandent l'avis du Conseil d'État sur la légalité de leurs amendements.
Pour toute réponse, De Crem leur lit le règlement de la Chambre. Il va transmettre la demande d'avis au président de la Chambre (Herman Van Rompuy). Mais cette demande n'interrompt pas l'examen de la proposition de loi visée. En clair : on continue. Bacquelaine insiste : « Ces amendements modifient totalement les articles discutés. Il est indispensable de suspendre l'examen du texte en attendant l'avis du Conseil d'État. » Il menace : « Si ce n'est pas le cas, nous ne pourrons plus participer à cette discussion. » Melchior Wathelet fait de même. Mais les membres CD&V et VLD de la Commission restent intransigeants : le règlement, c'est le règlement. De Crem tranche : le débat sur BHV va se poursuivre. C'est une nouvelle gifle pour les deux partis francophones. Les deux chefs de groupe sortent. Melchior Wathelet dissimule difficilement sa colère : « Il faut se faire respecter. On ne peut pas accepter cette manière de travailler. » Daniel Bacquelaine voit dans la démarche flamande une forme d'intimidation des francophones mais rassure : sans avis du Conseil d'État, pas de vote.
17 h 15. Le débat se poursuit entre seuls députés flamands. Une heure plus tard, la discussion des articles est terminée et la séance est levée. Herman Van Rompuy est prié de demander au Conseil d'État un avis en urgence sur les amendements francophones. Toute la question est de savoir quand il le fera. Et si son agenda est le même que celui de Pieter De Crem.

Aucun commentaire: