L’assurance dépendance flamande viole le droit européen
Le zorgverzekering , l'"assurance dépendance" flamande, est une entrave à la libre circulation des travailleurs. C'est la position des juges de la Cour européenne, qui ont rendu un arrêt ce mardi, sur question de la Cour constitutionnelle belge. C'est une première victoire, pour la Communauté française et la Région wallonne, qui ont entamé une bataille juridique contre cette disposition….
Le zorgverzekering, c'est l'octroi d'une somme d'argent, forfaitaire, aux personnes âgées, pour les aider à payer les aides et les services que la vieillesse rend nécessaires. Pour en bénéficier, il faut remplir deux conditions, travailler en région néerlandophone, et résider sur le sol flamand ou bruxellois. Un ouvrier d'une brasserie de Hoegarden, par exemple, domicilié à quelques kilomètres de l'usine à Jodoigne, de l'autre côté de la frontière linguistique, en serait exclu.
La Communauté française, et le gouvernement wallon, lors du vote de ce décret, ont introduit un recours en annulation, pour cause de discrimination, devant la Cour constitutionnelle, qui a alors posé des "questions préjudicielles" à la Cour européenne. Selon l'arrêt, rendu ce mardi, le zorgverzekering constitue une entrave à l'un des principes de base de l'Union européenne, la libre circulation des personnes, puisqu'un étranger qui voudrait immigrer vers le territoire belge, serait traité différemment selon la localisation de son employeur, un étranger qui viendrait travailler en région flamande serait effectivement entravé dans le choix du lieu où il habite.
Il faut cependant nuancer: les magistrats luxembourgeois ne se prononcent pas sur le cas, éventuel, d'un employé francophone qui n'aurait jamais travaillé que dans la Région wallonne, c'est là un problème de droit interne dans lequel les juges supranationaux ne veulent pas s'immiscer.
Avec cet avis, qu'elle ne peut que suivre, la Cour constitutionnelle doit maintenant prendre une décision sur le fond. Il reste une marge de manoeuvre, mais elle est vraiment très étroite, pour qu'elle ne prononce pas l'annulation.
La Flandre condamnée, pas du tout ébranlée
LE RÉGIME d’assurance-dépendance jugé discriminatoire eu égard à la libre circulation des travailleurs. Oui, mais…
La Flandre épinglée, réprimandée, c’est vrai. La Flandre « condamnée », c’est une autre histoire. Question de point de vue. Celui des francophones. Pas celui des Flamands. C’est le cas cette fois encore, à propos du régime flamand d’assurance-dépendance et de l’arrêt de la Cour de justice européenne. Un vrai casse-tête. Si ça vous dit…
Après les récriminations du Conseil de l’Europe sur le sort des minorités en périphérie bruxelloise, ou encore celles des Nations unies à propos du « Wooncode » et des restrictions à l’octroi de logements sociaux au Nord (voir la liste non exhaustive en page 3), voici en effet les considérations de la Cour européenne de justice de Luxembourg au sujet du régime de « zorgverzekering » en vigueur en Flandre depuis plusieurs années.
En l’occurrence, l’assurance-dépendance s’impose aux résidants flamands – et de manière facultative aux Bruxellois – qui ont un emploi en Flandre, et permet, contre le versement d’une somme forfaitaire de 10 ou 25 euros, selon les cas, de couvrir des prestations d’aides et de services non médicaux à des personnes incapables d’accomplir leurs tâches quotidiennes élémentaires, essentiellement les personnes âgées.
Cette législation flamande a fait l’objet d’un recours en annulation introduit, en 2001, par les gouvernements wallon et de la Communauté française, estimant que ces services incombaient à la sécurité sociale fédérale, que leur application est discriminatoire dans son principe pour les Wallons et les Bruxellois francophones (prenez le Liégeois qui travaille à Anvers, et qui n’émarge pas au régime de l’assurance-dépendance), et contraire au droit communautaire. Appelée à se prononcer, notre Cour constitutionnelle (ex-Cour d’arbitrage) avait posé, pour avis, une question préjudicielle à la Cour européenne de justice. Qui s’est prononcée hier.
Dans son arrêt rendu à Luxembourg, celle-ci juge que le régime flamand d’assurance-dépendance, par les conditions de territorialité qu’il impose, est « de nature à produire des effets restrictifs » par rapport aux règles européennes en matière de libre circulation des travailleurs. Le raisonnement de la Cour : « Les travailleurs migrants exerçant ou envisageant d’exercer une activité salariée ou non salariée à Bruxelles ou en Wallonie pourraient être dissuadés de faire usage de leur liberté de circuler et de quitter leur Etat membre d’origine pour séjourner en Belgique, du fait que leur installation dans certaines parties du territoire belge (Bruxelles et la Wallonie, Ndlr) comporterait la perte de la possibilité de bénéficier de prestations auxquelles, autrement (en Flandre, Ndlr) ils auraient pu prétendre »…
Liée par ces conclusions déposées à la suite de sa question préjudicielle, notre Cour constitutionnelle se prononcera dans quelques semaines, et devrait elle aussi dénoncer les biais du régime mis en place par le gouvernement flamand. Mais sur la gravité des faits, à ce stade, francophones et Flamands divergent.
Les premiers – Demotte, Milquet, Maingain, Nollet… –, se réjouissent que la Cour pointe une entrave à l’exercice de la libre circulation des travailleurs, et se disent confortés dans leur démarche visant à l’annulation de la « zorgverzekering ». Les mêmes poussent l’avantage jusqu’à réclamer que l’assurance-dépendance devienne une compétence fédérale (c’est la Sécu, en plus cela simplifierait les choses), en tout cas que tout ceci donne lieu à un débat au fédéral sur les problématiques liées au vieillissement de la population ; pourquoi pas dès juillet, lors de la négociation de la réforme de l’Etat.
Pas du tout le raisonnement des seconds. Les Flamands pavoiseraient, presque. Non seulement, disent-ils, la Cour ne conteste pas que la Flandre puisse exercer ses prérogatives dans le domaine de l’aide aux personnes, mais elle ne suit pas la thèse francophone selon laquelle le régime est discriminatoire pour l’ensemble des Wallons et pour une part des Bruxellois (lire en page 3 l’interview du ministre Steven Vanackere).
A cet égard, à la fin de son arrêt, la Cour condamne toute « réglementation d’une entité d’un Etat membre limitant l’affiliation à un régime de sécurité sociale et le bénéfice des prestations prévues par celui-ci aux seules personnes résidant sur le territoire de cette entité, dans la mesure où une telle limitation affecte des ressortissants d’autres Etats membres exerçant une activité professionnelle sur le territoire de ladite entité, ou des ressortissants nationaux ayant fait usage de leur droit de libre circulation à l’intérieur de la Communauté européenne ». Pour les partis du nord du pays, faire usage de la « libre circulation », cela implique d’avoir (demandé à) franchi(r) les frontières d’Etat au sein de l’Union européenne. Le Wallon travaillant au Nord n’est pas concerné.
Notre Cour constitutionnelle dira bientôt le fin mot de l’affaire. Croit-on.
L'EDITO : "Flandre-Wallonie : c'est toujours 0-0"
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