Contre l'Arriéré judiciaire, permettre la modernité
En condamnant dans deux arrêts distincts la Belgique pour ses lenteurs judiciaires, la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg rappelle que le « droit à un procès équitable » implique aussi d'être jugé « dans un délai raisonnable ». Michel Lelièvre, le complice de Marc Dutroux, avait naguère obtenu gain de cause sur l'inobservance de ce principe. Et il est probable que d'autres condamnés célèbres se verront allouer dans les années à venir des dommages substantiels par la cour strasbourgeoise, tant l'arriéré judiciaire supporté en Belgique semble être d'une récurrente et insupportable incompressibilité.
Devant la cour d'appel de Bruxelles, les audiences civiles sont actuellement fixées à 2011. Compte tenu de la procédure en première instance, l'on peut estimer que la résolution d'un litige, parfois banal, est de l'ordre de sept ans ! La cour de Strasbourg est fondée à s'en indigner. Même si elle oublie que ses propres arrêts sont, eux aussi, affectés de délais de traitement parfois très longs. Le ver serait-il donc dans la pomme Justice ? Sans doute. L'inflation légistique, le formalisme parfois suranné de la procédure, la nonchalance de certains avocats et magistrats, la tolérance à l'égard des recours manifestement infondés : tout cela concourt à freiner la résolution de litiges qui, par effet pervers, ne peuvent plus être supportés, en matière civile en tout cas, que par ceux qui peuvent en assumer le financement.
L'arriéré judiciaire, c'est l'Arlésienne des gouvernements depuis des décennies. Jo Vandeurzen (CD&V), le nouveau ministre de la Justice, croit trouver dans l'informatique (Cheops) le remède magique ; Laurette Onkelinx (PS) voulut obliger les magistrats à statuer dans des délais fixés ; Melchior Wathelet (CDH) imagina en 1992 d'éradiquer les fols appels : tout cela n'a mené et ne mènera à rien. Les Codes fourmillent de freins légaux, sédiments accumulés par les législateurs, à l'aboutissement juste et rapide des procès. C'est peut-être là que le fer devrait être porté pour accélérer le cours de la Justice, tout en la maintenant juste : lui permettre la modernité en simplifiant son langage, en réduisant son formalisme, en dépouillant ses Codes de ce qui la surcharge inutilement.
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