07 avril 2008

L’éclosion difficile du printemps de Magnette

C’est le 15 avril que sera lancé officiellement le « Printemps de l’environnement » par le Premier ministre Yves Leterme. Qu’est-ce donc là ? Un colloque de plus sur le développement durable ? Que nenni. Inspiré du Grenelle de l’environnement soutenu par Nicolas Sarkozy en France, ce vaste débat participatif associera pendant deux mois pouvoirs publics, partenaires sociaux et société civile dans un schéma inédit en Belgique.
Réchauffement climatique, énergies renouvelables, ressources naturelles, environnement-santé, modes de production et de consommation et transports : ces six thèmes formeront l’ossature de débats initiés par le ministre de l’Environnement et de l’Energie, Paul Magnette (PS). Tout est cependant loin d’être réglé puisque ni le calendrier ni le contenu des débats ne sont arrêtés à ce stade. Et le ministre régional wallon de l’Environnement Benoît Lutgen (CDH) n’a jamais caché son irritation face à un processus jugé trop vague. Ce lundi, justement, Benoît Lutgen rencontrera Paul Magnette sur la question.
Questionné ce dimanche sur l’état d’avancement du dossier, le ministre Paul Magnette veut rassurer toutes les parties : « L’implication des Régions est fondamentale dans ces matières. Je crois en un fédéralisme constructif. Je soumettrai moi-même lors du Printemps une série de propositions de décisions en matière de biodiversité et de climat que j’aurais pu adopter seul. Ma volonté, c’est que ce processus politique soit le plus collégial possible et tire les débats vers le haut. »
Entre autres écueils, le ministre Paul Magnette devra encore convaincre certaines ONG comme Inter-Environnement de monter dans ce bateau. Les environnementalistes ne veulent en effet pas jouer un rôle de faire-valoir pour avaliser, en bout de course, la création de groupes de travail… « J’ai rencontré les ONG et je leur ai garanti que l’idée est bien d’arrêter pour chaque thème une série restreinte de mesures concrètes, précise Paul Magnette. Tous les partenaires ont reçu un éventail de mesures possibles. La liste élargie à débattre et le calendrier des ateliers seront finalisés cette semaine. »

L'environnement inquiète les francophones

La dégradation de la qualité de l'environnement inquiète une majorité de francophones, loin devant le communautaire. A peine 34 % parient sur une amélioration.
Un baromètre exclusif et six jours d'enquête dans Le Soir.
L'édito : "De l'hiver communautaire au printemps vert"

Une courte majorité de francophones est favorable à l’idée de systématiser une fois par semaine la journée sans voitures.
De ce lundi jusqu'au samedi 12 avril, Le Soir livrera les principaux résultats de ce baromètre environnemental réalisé, en partenariat avec la RTBF, par Dedicated Research. Il a été conduit sur un échantillon de 1.205 personnes (502 Bruxellois et 703 Wallons) entre le 20 et le 31 mars. Ce sondage sera répété chaque année afin d'évaluer l'évolution des attentes et des comportements en matière d'environnement.
SIX JOURS D'ENQUÊTE
A l'approche du « Printemps de l'environnement » lancé par le gouvernement fédéral, six thèmes jalonneront cette semaine. Chaque jour, Le Soir passera en outre au scanner l'impact d'un objet du quotidien sur la planète.
Mardi, l'énergie. Les francophones souhaitent-ils prolonger le nucléaire ?
Mercredi, l'argent. Les Belges placent-ils leurs avoirs dans des fonds verts ?
Jeudi, la mobilité. Jusqu'à quelle limite êtes-vous prêt à rouler en voiture ?
Vendredi, la santé. Quel impact l'environnement exerce-t-il sur notre santé ?
Samedi, l'empreinte écologique. Quels gestes êtes-vous prêts à accomplir ?
Loin, très loin devant l'acuité des débats communautaires, la qualité de vie et la perception de sa dégradation sont au cœur des préoccupations de la population francophone. C'est un des enseignements majeurs que nous livre le nouveau baromètre annuel, commandé par Le Soir et la RTBF, sur les opinions des Bruxellois et des Wallons en matière environnementale. Réalisée entre le 20 et le 31 mars, cette étude conduite par Dedicated Research a bénéficié d'un taux de réponse de 68 % : « Un chiffre impressionnant qui témoigne s'il en est de l'intérêt de la population pour ce thème, précise Marc Dumoulin, directeur de l'institut de sondage. Et, fait frappant par rapport à d'autres thématiques, on retrouve désormais une grande homogénéité entre les catégories sociales quant à la sensibilité aux problèmes environnementaux. La seule différence demeure sans doute la plus grande préoccupation des femmes sur ces sujets. »
1 Une préoccupation majeure des francophones. Les sujets de préoccupation de la population vont majoritairement à des thèmes liés à la qualité de la vie. La question de la santé (72 %) précède de peu celle de la pollution (69 %). Et sur quatorze thèmes évoqués, cinq priorités liées à des politiques de bien-être et d'environnement figurent parmi les six premiers classés. Il convient à cet égard de noter que les Wallons manifestent de manière générale une plus grande préoccupation (de 5 à 20 %) sur tous ces thèmes que les Bruxellois.
2 Une mauvaise qualité de l'environnement. Fait édifiant, le baromètre laisse apparaître une très mauvaise perception par la population de la qualité de l'environnement (air, eau et sols). Pas un Wallon n'estime vivre actuellement dans un environnement de « très bonne qualité » et à peine 13 % jugent bonne la qualité de l'air, des sols ou de l'eau. Si cette perception est légèrement meilleure à Bruxelles, la qualité de l'environnement y est néanmoins perçue à 44 % comme « mauvaise ou très mauvaise » ! A peine 1 % des citoyens estiment vivre dans un environnement de « très bonne qualité ». L'avenir ? Il n'est pas très vert, si l'on en juge par les craintes formulées dans les deux tableaux publiés ci-contre. Quelque 44 % de la population pensent que la qualité de l'environnement va se dégrader dans les vingt ans. Et à peine 5 % considèrent que celle-ci sera fortement améliorée. « La notion de dangerosité, notamment en matière de pics de pollution, est acquise, précise Marc Dumoulin. D'ordinaire, le Belge a tendance à considérer que les choses vont s'arranger. Ici, le doute profond semble installé durablement. »
3 Une perception mitigée du réchauffement. « Il n'y a plus de saisons, madame ! » L'adage est connu mais il figure ici comme la première perception (35 %) spontanée des manifestations du réchauffement climatique. Globalement, les conséquences des changements climatiques (fonte de la calotte glacière, hausse du niveau de la mer, canicules) sont bien identifiées par la population. Bémol : les risques liés aux impacts humains du réchauffement (nouvelles maladies, migrations environnementales dans les pays pauvres voire extinction massive des espèces) n'ont pas encore franchi la rampe dans l'opinion. Du côté des causes, les connaissances demeurent mitigées. A côté de l'industrie, les transports routiers sont désormais pointés en deuxième place par les francophones. Mais la population minimise toujours l'impact des activités domestiques (chauffage, alimentation…), agricoles, voire de la déforestation sur le réchauffement.
4 Une attente vis-à-vis des pouvoirs publics. Pour 70 % de la population, le réchauffement est un « vrai problème qui risque de s'aggraver et dont il faut se préoccuper ». Comment ? Une majorité des francophones (72 %) considèrent que les pouvoirs publics doivent mener des actions autant au niveau des entreprises, de l'industrie, des pouvoirs publics eux-mêmes que des citoyens. Bref, chaque acteur doit être impliqué dans la bataille même si la population estime en faire encore trop peu à ce niveau. « Le Belge veut bien agir, mais pas tout seul, concède Marc Dumoulin. L'effort doit être collectif pour accepter des mesures au-delà des petits gestes qui atteignent leur limite en termes d'impact. »
5 Une incarnation faible du combat écologique. Aucune personnalité ne se dégage vraiment, côté francophone, pour incarner le combat environnemental sur la place publique. Lorsqu'elle évoque spontanément les personnalités associées à la cause écologique, la population pointe prioritairement une majorité d'élus écologistes. Mais ceux-ci ne dépassent guère 10 % du taux de réponses et la première personnalité de la société civile, Alain Hubert, est citée par à peine 9 % de personnes. Est-ce à dire qu'une place est à prendre, à l'instar de la France, où Nicolas Hulot personnifie ce combat ? Commentaire de Marc Dumoulin : « La personnalisation n'aide pas forcément à l'adhésion des valeurs. »

Les francophones disent « oui » au nucléaire
La question posée pour Le Soir aux Wallons et aux Bruxellois à l'occasion de la Semaine verte était claire : « Pensez-vous que l'énergie produite par les centrales nucléaires est une alternative acceptable pour lutter contre le réchauffement climatique ? » Surprise : à 61 %, les personnes interrogées répondent par l'affirmative.
Soixante et un pour cent. Coïncidence frappante, proportion identique, résultat opposé… Alors que, dans un sondage européen (Eurobaromètre de la Commission européenne) publié en mars, 61 % des citoyens du Vieux Continent « estiment que la part du nucléaire dans l'approvisionnement en énergie devrait être réduite en raison des problèmes liés aux déchets nucléaires et des risques d'accident », la consultation réalisée par Le Soir et la RTBF livre une issue inverse : 61 % des personnes interrogées en Wallonie et à Bruxelles répondent positivement à la question « Pensez-vous que l'énergie produite par les centrales nucléaires est une alternative acceptable pour lutter contre le réchauffement climatique ? ». Entre l'exercice continental et le sondage de la francophonie belge, les formulations diffèrent. Mais tendances et directions indiquées par les citoyens transparaissent clairement. Et s'opposent. La mise en exergue des déchets et des risques d'accident dans le premier, la dimension environnementale (la production d'électricité par fission atomique n'émet pas de CO2) ont-elles orienté les réponses ? Possible.
Ce sondage marque néanmoins une rupture par rapport aux nombreux exercices du genre : traditionnellement, le nucléaire est plutôt majoritairement décrié. Bémol : la plupart des consultations embrassaient l'ensemble du royaume.
L'absence des citoyens flamands explique-t-elle ce revirement ? Pas exclu – théoriquement, les déchets nucléaires seront stockés en Flandre…
Ces précautions n'enlèvent rien au résultat : les Bruxellois et les Wallons consultés se prononcent clairement en faveur d'une solution nucléaire à la problématique climatique. Un « plébiscite » qui pèsera dans l'orientation de la politique énergétique du royaume ?
Le débat est actuellement plus qu'ouvert. Si, en janvier 2003, le Parlement a voté une loi qui prévoit l'extinction progressive (entre 2015 et 2025) des sept réacteurs atomiques belges (trois à Tihange, quatre à Doel) qui représentent environ 60 % de la production électrique nationale, ce texte n'a cessé d'être contesté, remis en question, voire présenté comme inapplicable par de nombreux acteurs politiques ou économiques. Aussi, le gouvernement actuel a-t-il également décidé de commander la énième étude sur la question.
Ni les sociaux-chrétiens ni les libéraux (des deux côtés de la frontière linguistique) ne cachent leurs velléités de prolonger la durée de vie des deux centrales nucléaires belges. Un coup double : primo, cela soulagerait l'épineux problème d'approvisionnement qui se profile en cas de fermeture, secundo, ça permettrait de doper le budget (la prolongation serait monnayée).
Côté socialiste, la porte s'est entrouverte récemment au sud, mais reste fermée au nord.
Chez les écologistes, c'est « niet ». Au nord et au sud.
Reste que le gouvernement est une « orange bleue sanguine » (francophone). Autrement dit, plutôt nucléariste. Le résultat actuel apportera de l'eau à son moulin.

Climat : « il est urgent d'agir »
« Il est urgent d'agir », a déclaré ce lundi le ministre du Climat et de l'Energie, Paul Magnette, lors d'un colloque sur les effets des changements climatiques sur la santé, organisé à Bruxelles à l'occasion de la Journée mondiale de la santé.

Pour les différents intervenants issus du monde scientifique, il est indéniable que le dérèglement climatique a des conséquences sur la santé. Selon eux, il n'est pas trop tard pour réagir. Même si l'on ne peut encore identifier et prévoir toutes les incidences des changements climatiques sur la santé, les vagues de chaleur, les catastrophes naturelles et la pollution atmosphérique sont autant d'éléments qui menacent le bien-être de l'homme.
Selon M. Magnette, la problématique est déjà prise en compte en Belgique, au sein des différents plans fédéraux. Ainsi, le plan d'action national Environnement/Santé 2008-2013 devra inclure un projet « Climat et Santé » en 2009 et 2010, a précisé le ministre. Ce plan d'action comprend notamment la création d'un monitoring afin de mesurer les effets des changements climatiques sur la santé des Belges, tout en intégrant les facteurs sociaux.
« Par ailleurs, les causes structurelles de la pollution de l'air seront traitées dans le cadre du plan air fédéral 2008-2011 », que M. Magnette compte soumettre au gouvernement cette année. Ces différents sujets seront en outre abordés lors des ateliers du Printemps de l'Environnement, un vaste processus de concertation qui démarre la semaine prochaine.
Le ministre a également plaidé pour une politique drastique, structurelle et à long terme, de réduction des gaz à effet de serre. Mais peu de mesures efficaces peuvent selon lui être prises dans un cadre national, plébiscitant dès lors une action coordonnée avec les pays voisins et l'Europe.
Pour le Dr Philippe Marbaix, de l'UCL, « arrêter de détruire les forêts pourrait contribuer à faire diminuer les émissions ». Si l'on veut empêcher le phénomène de s'amplifier, il est nécessaire de diminuer les émissions de moitié au niveau mondial, au plus tard en 2050, a-t-il dit. Sous nos latitudes et sur le pourtour méditerranéen, les conséquences de ce réchauffement climatique sont doubles : une hausse des précipitations en hiver et une sécheresse en été, a-t-il expliqué.
Les maladies infectieuses, qui sont notamment transmises par des insectes dont l'existence dépend de l'environnement, peuvent par ailleurs s'étendre dans des parties du globe qui sont encore pour le moment épargnées. D'après les projections réalisées à l'heure actuelle, il s'agit toutefois d'une redistribution des zones affectées : on ne comptera donc pas plus de malades globalement, a indiqué le Prof Eric Lambin, du département de géographie de l'UCL.
Le Prof Herman Van Oyen, de l'Institut scientifique de Santé publique, a rappelé pour sa part que la canicule de 2003 avait fait de 1.250 à 1.300 tués en Belgique, principalement des jeunes enfants et des personnes âgées. En France, le nombre de décès dus à la vague de chaleur s'est élevé à 15.000. Depuis 2005, notre pays dispose d'un système de suivi et de surveillance permettant de prévoir ce type d'événement en vue de prévenir les populations à risque.
Le colloque, mis sur pied par le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, en collaboration avec la Politique scientifique fédérale, avait pour but de mettre en lumière les effets possibles du changement climatique sur la santé, thème central de l'année du 60e anniversaire de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Plusieurs associations environnementales, comme Inter-Environnement Wallonie (IEW) pour le sud du pays et 11.11.11, active en Flandre, y étaient associées. « Il est important d'agir maintenant », a réaffirmé la représentante d'IEW. « Il n'est pas trop tard », a-t-elle ajouté en indiquant qu'on pouvait peut-être encore limiter cette hausse des températures.
Certaines mesures prises aujourd'hui en faveur de l'environnement ont des effets directs sur la santé, comme l'isolation des bâtiments offrant une meilleure qualité de l'air intérieur ou la limitation de l'usage de la voiture, qui peut apporter une solution à l'obésité en favorisant les déplacements à pied ou à vélo, a-t-elle conclu.

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