16 avril 2008

Qui veut la peau de Di Rupo au PS ?

Le PS est au bord de la crise de nerfs. Et cela fait plus de deux ans que cela dure, des affaires carolos jusqu'au mauvais résultat de juin 2007. Dans Le Soir de mardi, Philippe Moureaux a demandé à Elio Di Rupo, son président, de se ressaisir. Sa sortie ne fait pas l'unanimité au PS. Mais le malaise est désormais sur la place publique.


De la crise de la carolo aux polémiques autour de Laloux : Dans le jus des « affaires »
Tout commence le 5 septembre 2005, à Charleroi, lorsqu'Olivier Chastel (MR) divulgue l'« affaire » de la Carolo, la gestion désastreuse de la société d'habitations sociales dans la métropole wallonne. Le feu s'étendra à l'ICDI, emportant plus tard le Collège de la ville. Un feuilleton de deux ans, qui plombera le PS aux communales de 2006, puis aux législatives de 2007. Les inculpations déboucheront sur un procès, prévu… au printemps 2009. En pleine campagne des élections régionales ! Un calendrier ravageur.
Aucun rapport entre la Carolo et la polémique autour de Frédéric Laloux (des faits incomparables, sans commune mesure), sinon celui-ci : le PS continue de baigner dans le jus desdites « affaires » aux yeux de l'opinion publique. Ce qui le plombe, alors que sa seule chance de se refaire une santé électorale est précisément de faire la différence, de « tourner la page », comme on tente de convaincre au Boulevard de l'Empereur. La saga hutoise participe à maintenir le PS dans la dépression postélectorale. Quant à la polémique bondissante autour de l'ex-échevin namurois, elle brouille, à ce stade, l'image globale de l'équipe socialiste au gouvernement fédéral (le trio Onkelinx-Arena-Magnette) et parasite les effets positifs du dernier remaniement ministériel, ceux produits par l'opération Demotte à la Région wallonne et à la Communauté française.
Des législatives 2007 aux régionales 2009 : Le traumatisme électoral
Après ses succès aux communales de décembre 2000, aux législatives de mai 2003 et aux régionales de juin 2004 (un scrutin à l'issue duquel il troque son alliance dans les Régions avec le MR pour une autre avec le CDH), le PS a connu deux grosses contre-performances électorales, causes d'un traumatisme profond.
La première : aux communales d'octobre 2006, lorsqu'il essuya des revers à Charleroi (plongé en pleine « affaire » de la Carolo), à Namur (le déclin de Bernard Anselme), et ne parvint pas à hisser Laurette Onkelinx au maïorat à Schaerbeek, où la liste socialiste de la vice-Première réalisa un score nettement supérieur à celui réalisé par le PS six ans plus tôt dans la cité bruxelloise, mais échoua à faire chuter Bernard Clerfayt (MR), vainqueur incontesté, qui restera bourgmestre à la tête d'une coalition avec les écolos d'Isabelle Durant. Une claque – vécue comme telle – pour la socialiste.
Les communales d'octobre 2006 donnent un avant-goût de ce qui se produira quelques mois plus tard, aux législatives de juin 2007 : c'est le fameux « Waterloo » électoral du PS, qui glisse sous la barre des 30 % et se retrouve en Wallonie derrière le MR, lequel opère là un dépassement « historique ».
Un choc dans les rangs socialistes. Le doute s'installe : le PS est-il durablement relégué au second plan ? Le MR est-il parvenu pour longtemps à changer le « centre de gravité politique » au sud du pays, comme Didier Reynders en a l'ambition ? Les régionales de 2009 sont en vue et les sondages réalisés depuis les élections de juin 2007 ne sont guère engageants.
Celui publié vendredi dernier dans Le Soir décèle un PS en chute libre à Bruxelles, et derrière le MR en Wallonie, même si, là, une certaine stabilisation est perceptible dans les intentions de vote – on s'accroche à cette bouée (une lueur ?) au Boulevard de l'Empereur.
Qui peut se consoler de voir le MR reculer lui aussi dans ces mêmes sondages, le parti libéral-réformateur payant sans doute son échec à bâtir l'« Orange bleue » de centre-droit, et à éviter la longue crise politico-communautaire de 2007.
La guerre de succession se profile : Rudy ou Laurette ?
Philippe Moureaux a-t-il voulu précipiter un débat sur la succession à la tête du parti ? L'idée a traversé plus d'un esprit socialiste. « Mais c'est sans doute trop tôt », corrigent plusieurs ténors. Officiellement la présidence n'est pas vacante. Elio Di Rupo a été réélu, en juillet, pour un mandat de quatre ans. Y mettra-t-il fin après le scrutin régional de 2009, comme le prétend avec insistance la rumeur ? Si les résultats sont mauvais, plus que vraisemblablement. S'ils démentent tous les sondages, la question pourrait quand même être posée… Pour succéder au Montois, point de candidats déclarés. Mais deux noms sussurés avec insistance : Onkelinx et Demotte. Lorsqu'elle rêvait encore d'être bourgmestre de Schaerbeek, la première n'avait pas fait mystère de ses intentions d'assortir l'écharpe maïorale à la casquette de présidente de parti en 2009. Depuis, les Schaerbeekois ont imposé un coup de frein aux ambitions communales de la fille spirituelle de Moureaux, mais sans doute pas à ses envies présidentielles. Quant au dauphin de Di Rupo, Demotte, il ne s'est jamais déclaré… Mais n'en pense pas moins ?
La garde rapprochée quitte le boulevard de l'empereur : Le centre d'études décapité ?
Ce n'est pas la cause principale de la crise mais en ces temps troublés, Elio Di Rupo doit, en plus, composer avec le départ de ses proches. C'est Florence Coppenolle, l'attachée de presse, qui a ouvert le bal, au lendemain de la défaite électorale de juin 2007. Très critiquée pour sa gestion médiatique des « affaires », la jeune femme ne quitte pas le Boulevard de l'Empereur mais passe à l'arrière-plan, au poste (moins exposé aux contacts directs avec la presse) de directrice de la communication. En février, le secrétaire général du parti, Jean-Pol Baras, fait ses valises. Direction Paris. Pour occuper le poste, Elio Di Rupo rappelle son éternel bras droit, Gilles Mahieu. Dans les prochaines semaines, c'est Frédéric Delcor qui pourrait remettre les clés de son bureau. Le discret directeur du centre d'études du parti est candidat à la succession d'Ingberg à la tête de l'administration de la Communauté française. S'il décroche le poste – décision attendue prochainement – il devrait quitter d'ici à l'été l'Institut Emile Vandervelde (IEV). Assurément un coup dur pour le président du PS, qui travaille avec Frédéric Delcor depuis… 1995 ! Quel lapin Elio Di Rupo sortira-t-il de son chapeau pour doter l'IEV d'un nouveau patron ? Pas sûr qu'il la joue surprise du chef, sur ce coup-là… Les noms qui circulent sont des valeurs sûres dans les couloirs socialistes : le favori, Renaud Witmeur, proche de Rudy Demotte. Autres noms cités : Olivier Vanderrijst, fidèle chef de cabinet de Laurette Onkelinx, et Anne Poutrain, chef de cabinet du ministre-président wallon.
Les erreurs de casting : Laloux, comme d'autres avant
Pour Philippe Moureaux, Laloux doit s'effacer… Qu'en pense le principal intéressé ? Difficile à dire puisqu'il se tait dans toutes les langues. Tout au plus a-t-on appris ce mardi qu'il avait, d'une part, convié son détracteur à « une rencontre conviviale » et, de l'autre, qu'il préparait activement son passage en commission de la Chambre, où il doit présenter sa note de politique générale.
Reste que, bien avant la polémique sur sa voiture qui lui tenait lieu de bureau ou sur ses dépenses d'essence sur le compte de la ville de Namur, Frédéric Laloux posait problème. Tout comme, d'ailleurs, Julie Fernandez-Fernandez, autre secrétaire d'Etat directement sortie de la discrétion de sa fédération. C'est qu'une fois de plus, Di Rupo avait ménagé le suspense jusqu'au bout. Avec, quelques minutes à peine avant la prestation de serment, des surprises du chef. De celles qui sortent tout droit du Boulevard de l'Empereur, sans d'autre consultation que la garde très rapprochée. Faut-il rappeler qu'en arrivant au palais royal, Laurette Onkelinx salua Laloux comme s'il était un employé de Sa Majesté… Elle ne l'avait jamais vu ! Certes, Elio Di Rupo s'est fait le champion de ces coups de théâtre… Marie Arena, Paul Magnette et Fadila Laanan furent de ceux-là… Le 22 mars dernier, rebelote. Mais, cette fois, la révolte gronde plus fort que d'habitude. Le jour même, les parlementaires fédéraux font part de leur déception : à quoi bon, enragent-ils, travailler dans l'ombre du Parlement, si c'est pour se faire doubler, lorsque la lumière gouvernementale est en vue, par un illustre inconnu ? Karine Lalieux et Yvan Mayeur, proches de Moureaux, sont parmi les plus dépités. Leur déception explique peut-être aussi les propos du chef de la Fédération bruxelloise… Et tant pis pour Frédéric Laloux qui, il est vrai, prête le flanc à la critique avec ses erreurs – comme, d'ailleurs, une certaine Marie Arena l'avait expérimenté, à ses débuts, avec une certaine douche. Dont elle ne s'est jamais vraiment remise. Surtout électoralement.

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