Van Cau illégal (à l'hôtel de ville)
La présence de Jean-Claude Van Cauwenberghe dans un bureau mis gratuitement à sa disposition dans les bâtiments de l'hôtel de ville de Charleroi par le collège
des bourgmestres et échevins est illégale, rapportent vendredi plusieurs quotidiens.
Le ministre Philippe Courard, interrogé par le parlementaire Ecolo Marcel Cheron, a en effet envoyé un courrier au collège de Charleroi pour faire appliquer le code de démocratie locale. Selon celui-ci, l'absence de convention entre la Ville et l'Asbl présidée par M. Van Cauwenberghe, à savoir la communauté urbaine du pays de Charleroi, assimile cette aide à une subvention dont l'octroi relève de la seule compétence du conseil communal et non du collège.
Le ministre Courard réclame donc que le conseil communal qui suivra l'installation des nouveaux conseillers le 4 décembre prochain règle ce problème et qu'une convention soit signée afin de fixer les conditions d'occupation et les obligations des occupants.
Une clause destinée à prévenir "toute confusion entre les activités publiques au sein de l'hôtel de ville et les activités des Asbl concernées" devra également être rédigée. (belga)
Stop au bureau de Van Cau ! (24/11/2006)
L'administration wallonne remet en cause le contenu du bail de ses locaux de l'hôtel de ville
Selon l'administration wallonne, l'une des premières mesures que le nouveau collège carolo devra prendre le 4 décembre prochain, ce sera de demander à Jean-Claude Van Cauwenberghe, locataire de l'hôtel de ville de Charleroi, soit la mise sur pied d'un nouveau bail en bonne et due forme... soit qu'il quitte le bâtiment qu'il arpente depuis de très nombreuses années.
Pour rappel, Jean-Claude Van Cauwenberghe occupe des locaux à l'hôtel de ville de Charleroi, même depuis qu'il a quitté son poste de bourgmestre. Il les occupe au titre de l'aide apportée par la ville à la Communauté urbaine Pays de Charleroi, Val de Sambre et Sud Hainaut.
C'est à ce titre que le collège des bourgmestre et échevins avait accepté de mettre gracieusement à disposition de celle-ci un bureau pour son président qui est un élu de la ville ainsi qu'un bureau pour deux collaborateurs de l'ASBL Intranet Pays de Charleroi.
L'administration n'accepte toutefois pas "que ces mises à disposition n'aient fait l'objet d'aucune convention particulière quant à la prise en compte des charges par cet organisme. La mise à disposition des deux locaux mentionnés aurait donc été effectuée à titre gracieux et pour une durée indéterminée. " Par ailleurs, 2 organismes en sont bénéficiaires et non un, comme l'affirme la ville.
"Selon la jurisprudence administrative, une mise à disposition gratuite ne peut être admise que pour autant qu'il s'agisse d'une occupation précaire ou ponctuelle. Ce qui n'est pas le cas ici. On a plutôt affaire à une aide en nature et à durée indéterminée."
Selon un article du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, cette aide sous forme de mise à disposition gratuite et pour une durée indéterminée de locaux appartenant à la ville est assimilée à une subvention. Son octroi est soumis à un certain nombre de règles qui sont fixées par d'autres articles.
Cet octroi de subvention relèverait de la compétence du conseil communal et non du collège communal. "Dans le cas de cette mise à disposition de locaux, les dispositions légales en matière de subventions ne sont pas respectées." La ville de Charleroi doit donc se mettre en conformité dans les plus brefs délais.
V. Li.
© La Dernière Heure 2006
Le dernier conseil communal de Van Cau
Le conseil communal de Charleroi s'est réuni pour la dernière fois hier, sous le signe de la majorité absolue PS en place depuis trente ans, puisque, le 4 décembre prochain, c'est une majorité tripartite PS-MR-cdH qui s'installera à la tête de la ville. Ce dernier conseil était aussi celui au cours duquel siégeait pour la dernière fois Jean-Claude Van Cauwenberghe.
Elu en 1982 et alors choisi pour bourgmestre, Jean-Claude Van Cauwenberghe était redevenu conseiller communal puis chef de groupe PS au conseil communal, en accédant à la Région wallonne, comme ministre puis comme Ministre-Président, une fonction dont il a démissionné en septembre 2005 à la suite du scandale de "La Carolorégienne".
Le conseil communal de ce jeudi s'est déroulé dans une ambiance sereine et dénuée de tout incident, sous la présidence de Jean-Pol Demacq, bourgmestre faisant fonction depuis la mise à l'écart de Jacques Van Gompel, bourgmestre sortant et qui a été inculpé, le 20 octobre dernier, de faux, usage de faux et détournement par fonctionnaire public, avant d'être incarcéré et remis en liberté trois semaines plus tard.
Si l'essentiel de cette dernière séance a été consacré à des points administratifs courants, Jean-Pol Demacq a souhaité saluer les élus qui s'en vont à l'occasion de cette fin de législature. "Charleroi, a-t-il dit, a connu d'importants échecs mais ceux-ci ne doivent pas occulter l'ensemble du bilan de cette législature finissante". Le bourgmestre faisant fonction a tenu à remercier tout particulièrement Jacques Van Gompel et Jean-Claude Van Cauwenberghe. Evoquant Jean-Claude Van Cauwenberghe, Jean-Pol Demacq a dit que "rarement, un homme s'est autant identifié à sa Région et à sa ville, avec tous les contrastes que cela suppose : autoritaire et humain, pudique et audacieux, sensible et pugnace, méthodique et impulsif, acharné au travail et bon vivant quand il le peut, aussi fidèle qu'intransigeant". A propos de Jacques Van Gompel, le bourgmestre faisant fonction a évoqué "un homme fraternel, affectif, fidèle en amitié et tellement proche des gens".
Serge Van Bergen, qui avait été un des échevins impliqués dans l'affaire de "La Carolorégienne" et qui avait dû démissionner de ses fonctions, a également tenu à cette occasion à dire sa tristesse de partir "la tête haute, victime d'un acharnement injuste".
D'autre part, dans son numéro de vendredi, l'hebdomadaire "Le Vif l'Express" épingle une nouvelle affaire à Charleroi qu'il qualifie "d'autre Immo Congo".
A Charleroi, il y a d'autres dossiers « Immo Congo ». Pour rappel, cette société de Gosselies est soupçonnée d'avoir décroché un juteux contrat en Afrique, en mai 2004, grâce à des coups de pouce politiques. La justice a ouvert une instruction. Le parlement wallon promet d'enquêter. Les copains d'abord ? En cause : la dénommée Sabine Gauquier, coiffeuse de formation, présidente d'Immo Congo. Surtout : son mari Daniel Lebrun, réviseur d'entreprises converti aux affaires. L'ami et conseiller financier de Van Cau ( lire Le Vif/L'Express du 17 novembre ). Lebrun et Gauquier auraient été favorisés. En première instance, le marché congolais leur avait échappé. Ils ont gagné à la suite d'une négociation pour le moins opaque.Un dossier du même type intéresse le parquet de Charleroi, où on confirme certains points de comparaison. En octobre 2000, une petite société anonyme, nommée IFCA (Institut de cambisme et de finance internationale), obtient un contrat de conseil en gestion pour le fonds de pension de la ville et celui d'une grosse intercommunale de soins de santé de la région de Charleroi (l'ISPPC, qui réunit tous les hôpitaux publics). « On » fait appel à IFCA en urgence, sans appel d'offres. Cela coûte cher (comme les loyers d'Immo Congo) pour un service limité. IFCA recommande alors des placements spéculatifs qui s'avèrent désastreux. On imagine que de belles commissions ont toutefois été empochées... Pour les caisses publiques, le manque à gagner, lui, est caché aux administrateurs de l'intercommunale ISPPC et aux conseillers communaux de Charleroi, peu ferrés sur le sujet. Et pour cause : les fonds de pension sont gérés « en famille » dans la Métropole. Sous le contrôle de socialistes proches de Van Cau, tant à la ville qu'au sein de l'ISPPC. Quant au réviseur... Daniel Lebrun, il n'avait pas de remarques sur l'ampleur des risques.
Qui a proposé la société IFCA ? Au début de l'été, les réponses des différents acteurs étaient évasives ou contradictoires ( Le Vif/L'Express des 23 et 30 juin ). Nous pouvons désormais affirmer que Jean-Claude Van Cauwenberghe est intervenu pour permettre cette opération. Son conseiller politique à la Région wallonne, Jean-Pol Avaux, a contacté IFCA en toute discrétion. On chuchote que ce pourrait être lui, également, qui est intervenu pour remettre Lebrun en selle pour le Congo. Avaux est l'homme de main de Van Cau. Il a toujours été sa courroie de transmission pour garder le contrôle sur Charleroi quand il était à Namur.
A travers les fonds de pension, des montants astronomiques sont brassés. A Charleroi, la délicate gestion de ces réserves constitue une véritable bombe à retardement. Tout écart de conduite pourrait mener la ville à la faillite. Rien que ça.
1. IFCA, chaînon inutile et coûteux ?De longue date, c'est Ethias (l'ex-Smap) qui gère les réserves de pension à Charleroi. A l'origine, des placements dits « de bon père de famille », dans des bons d'Etat. Un changement de cap s'opère logiquement au milieu des années 1990. D'autres opportunités se présentent. De meilleurs rendements sont à portée de main. Les placements de la Smap paraissent trop frileux. En décembre 1996, l'Intercommunale d'£uvres sociales de Charleroi (l'IOS, rebaptisée aujourd'hui en ISPPC) achève une patiente prospection du marché. Les grandes banques belges sont consultées. Le Crédit communal (devenu Dexia) obtient le marché. La « banque des communes » a été mise en concurrence, notamment avec la CGER. Des administrateurs de l'intercommunale se souviennent que trois spécialistes du Crédit communal sont venus présenter leur projet durant plus d'une heure. Au tableau noir : courbes de rendements et projections financières. Transparence totale, donc. La banque propose des placements à risques acceptables en branche 21 (obligations et actions) et en branche 23 (uniquement actions). Les rendements sont bons. Ils augmentent.
Puis, en juillet 2000, l'IOS absorbe les hôpitaux publics de la ville de Charleroi, en grosse difficulté financière. Cela donne naissance à l'ISPPC. Le contrat avec le Crédit communal/Dexia est résilié sans explication en septembre 2000. IFCA entre en piste un mois plus tard. La petite société anonyme à deux administrateurs obtient un rôle de conseillère en gestion, aux côtés de la Smap. Elle propose des placements autrement plus risqués en branche 23. Elle n'intervient qu'une seule fois : pour suggérer d'engager l'équivalent de 1,5 milliard de francs belges dans un produit « Alti+ » commercialisé par une banque française (la Société générale de Paris). Le reste de son intervention, c'est de la maintenance. Pour « tout » ça, IFCA empoche un forfait de 300 000 francs belges par an, à titre de frais de conseil. A quoi pourrait s'ajouter une commission de performance, en 2011, à la date d'échéance des placements. Selon les calculs de responsables financiers de l'intercommunale, entendus par la justice, c'est plus cher qu'avec Dexia. Et le bénéfice est loin d'être acquis. Etant donné la chute des cours boursiers, le panier d'actions « Alti+ » s'est planté en 2001 et en 2002. Une note confidentielle d'Ethias indiquait même, en juillet 2002, qu'il y avait 60 % de risques de ne récupérer à terme que le capital investi (sans un euro d'intérêt, donc !). Alti+ s'est redressé depuis. Mais ne demandez pas l'ampleur du manque à gagner des années de galère : cela n'a jamais été communiqué aux administrateurs de l'intercommunale, pourtant demandeurs.
Philippe Engels
23 novembre 2006
Van Cau L'interminable chute
Il y a un an, Jean-Claude Van Cauwenberghe s'était trompé de démission. Le chef de Charleroi avait largué les amarres à la Région wallonne... et renforcé son contrôle sur le nid de vipères carolo. Aujourd'hui, « son » système d'occupation du pouvoir craque de toutes parts. Dans « sa » ville, le capitaine Van Cau reste seul maître à bord du Titanic. Des échevins et un bourgmestre sans carrure sont tombés à l'eau. Des affairistes semblent désormais dans le collimateur. Ceux-là « gèrent » la ville avec Van Cau, le patron. Qui n'assume pas les dérives. Combien de temps tiendra-t-il ? Pourquoi Elio Di Rupo refuse-t-il de le lâcher ? Qui veut le faire chuter ?
Jean-Claude Van Cauwenberghe toujours sous pression: parce qu'il reste aux affaires, à Cherleroi.
IsopixPartez, Monsieur Van Cauwenberghe ! Le bruit enfle. Depuis des semaines, des mois, une éternité. Et l'homme fort de Charleroi est le seul à ne pas entendre. Il reste sourd aux incantations. Ses lieutenants ont chuté lourdement. Lui, il s'accroche, il s'incruste. Pis que ça : « Van Cau » fonce tout droit dans le brouillard, avec une armée d'enquêteurs frappant son entourage et s'approchant dangereusement. Il s'appuie sur une légitimité populaire qui tient de la manipulation. « On m'a élu, je reste. » Van Cau dit : « J'ai quitté la ville il y a onze ans. Je n'ai rien à me reprocher. » Est-il victime du syndrome Van Gompel, du nom du maïeur démissionnaire car emprisonné ? Depuis un an, Jacques Van Gompel jurait qu'il avait les mains propres. A force, il devait y croire. Mais les éléments à charge du bourgmestre semblent aujourd'hui accablants. L'inculpation : faux en écriture, détournement, marchés publics tronqués. « Depuis dix ans au moins », selon le procureur du roi Christian De Valkeneer. De tout ça, du passé, Van Cau n'en a cure. Il se projette encore dans l'avenir. Il estime avoir payé, déjà. Il tient les clés de la citadelle assiégée. Et cela doit rassurer les favoris du prince qui ne sont pas encore tombés de leur piédestal. Provocateur et revanchard, Van Cau défie la justice mais aussi Elio Di Rupo, le président du PS. Il parie sur une issue judiciaire à la Guy Mathot : plusieurs fois éclaboussé, mais jamais mouillé. C'est oublier que, jamais, Mathot n'avait été cerné à ce point. Van Cau veut garder (tout) le contrôle du PS carolo. Sans égard pour les millions de Belges qui assistent en direct à son agonie politique, aussi lente que pathétique. Du jamais-vu.
Voici pourquoi la stratégie de Van Cau semble intenable. Dans la première ville wallonne, il y a bien un « système socialiste » dont la justice organise le démantèlement avec méthode. Jean-Claude Van Cauwenberghe l'a mis en place au début des années 1980. Ses principales caractéristiques :
1. Le parti dominant occupe tous les leviers de pouvoir. Il répartit en son sein les postes influents. 2. Les contre-pouvoirs normaux ne fonctionnent plus. L'opposition est écrasée, timorée, anesthésiée ; la presse locale est de connivence. Leur récent réveil n'en est que plus spectaculaire. 3. Le cumul des mandats empêche le contrôle de tutelle. Van Cau, le patron de Charleroi, était en même temps le ministre-président de la Région wallonne. Contrôleur et contrôlé. 4. La notion de conflit d'intérêts est totalement niée. Cette confusion des rôles semble quasi culturelle. 5. Politisée à outrance, l'administration n'a plus l'indépendance nécessaire pour résister aux pressions du pouvoir politique. Elle exécute les basses £uvres.
Telles sont les constantes du système. Van Cau n'a rien inventé. Tout au plus Charleroi est-elle la caricature d'un genre assez répandu, là où sévissent de vieilles majorités absolues. La spécificité du « modèle » carolo est ailleurs. Tout amalgame avec d'autres situations ressemblantes serait d'ailleurs injurieux pour le PS. Car, sur les bords de la Sambre, l'occupation malsaine du pouvoir se double de pratiques illégales à différents niveaux. D'une part, les infractions commises par des gagne-petit, des fonctionnaires sans envergure ou des mandataires politiques venus du bas de l'échelle. D'autre part, les grandes man£uvres orchestrées dans des sphères plus élevées, là où des initiés ébauchent - avec Van Cau - l'avenir économique et social de la Métropole. « Un système de privilèges par paliers », comme l'a déclaré le journaliste Jean Guy avant sa mort, il y a quelques semaines. Héraut d'une presse de gauche engagée, rayée de la carte, ce Carolo désabusé connaissait bien la maison.
Le premier niveau est tombéClaude Despiegeleer, 60 ans, incarne parfaitement la catégorie des gagne-petit. Cet ancien cheminot est « monté» grâce à Van Cau, son mentor. Comme d'autres échevins poussés par le chef, soucieux de se ménager une main-d'oeuvre conciliante et dévouée, « Despi » n'était pas formé pour gérer une société de logements sociaux. Il ne lui a pas fallu longtemps pour se perdre dans les circuits financiers qu'« on » lui a suggérés pour doper le sport à Charleroi et plaire ainsi à Van Cau. Il a tripoté les comptes. Il a participé au racket de sponsors. Il s'est autorisé un train de vie exagéré. Parce qu' « on avait toujours fait comme ça », pour reprendre son expression désormais célèbre. Le « on », c'était Richard Carlier, patron du PS carolo condamné pour corruption, ou Jean-Claude Van Cauwenberghe, son héritier. Ce dernier a-t-il couvert Despiegeleer ? Connaissait-il ses petits écarts de conduite ? Pas sûr... Despi a gonflé telle la grenouille qui se prend pour un b£uf. Pour £uvrer à l'abri des regards, il pratiquait l'art de l'intimidation, comme les grands. D'autres échevins et même Van Gompel peuvent en témoigner : « Jean-Claude a dit que... », « Si tu n'es pas d'accord, je téléphone à Jean-Claude », disait-il souvent. Tous ceux-là se sont-ils enrichis ? Cela ne saute pas aux yeux. Ils rêvaient d'exister aux yeux du chef, d'être à la hauteur. Ils ont tout au plus fleuri leur pré carré. Sans vergogne.
Jean-Claude Van Cauwenberghe a décidé d'assumer ça, il y a un an. « En tant que leader socialiste carolo, je ressens une responsabilité morale et politique quand des proches de toujours, des compagnons de combat, ont commis des erreurs aussi lourdes qu'injustifiables », déclarait-il le 5 octobre 2005, face à une assemblée socialiste déboussolée, pour justifier sa démission de la présidence du gouvernement wallon. Un geste courageux, aussitôt prolongé par un réflexe contradictoire : reprendre le collier là où il avait été éclaboussé. Dans son cher fief carolo ! Et après ? Pourquoi reste-il de marbre, aujourd'hui, au moment où la justice s'autorise des incursions de plus en plus précises dans les hautes sphères où Despiegeleer et les échevins un peu frustes n'étaient même pas conviés ? Au moment où la juge d'instruction France Baeckeland, gentiment qualifiée de « psychorigide », met son nez dans son jardin à lui, le grand sachem rouge.
Les favoris du pouvoirDe quoi s'agit-il ? Depuis son accession au maïorat, en 1983, Van Cau a toujours gardé la passion des grands chantiers. Floraison de centres commerciaux en périphérie de la ville, lancement d'un aéroport performant, création du brillant aéropôle de Gosselies, grands travaux d'aménagement urbain, fusion d'hôpitaux publics, etc. Le patron du PS local y a imposé sa griffe. Quoi de plus normal, a priori, après la remise à flot des finances communales, engagée sans hésitation dès son arrivée. Mais, pour développer Charleroi, Van Cau n'a pas lésiné sur les moyens. Il a placé une armada d'hommes à lui à tous les postes stratégiques. Cette fois, pas de seconds couteaux. Ceux-là sont ingénieurs, économistes ou juristes de haut niveau. Tous ou presque sont de la génération Van Cau. Petit à petit, le « réseau » a tout contrôlé. A commencer par les grandes intercommunales (sauf l'ICDI dirigée par Lucien Cariat) qui, à l'image de la puissante Igretec, font la pluie et le beau temps au pays de Charleroi. Besoin d'un terrain pour investir ? Igretec est là. Et, si nécessaire, des curateurs triés sur le volet peuvent débusquer la bonne affaire après faillite. Besoin d'un permis de bâtir ? Van Cau peut « bousculer l'administration », comme il l'a fait pour son ami Robert Wagner. Toute l'administration : communale, provinciale, régionale. Partout, le leader carolo a tissé sa toile d'araignée, dont le Liégeois André Cools, lui aussi boulimique, était envieux. Besoin d'un audit ? Van Cauwenberghe téléphone au réviseur d'entreprises Daniel Lebrun, un membre de sa garde rapprochée, souvent choisi pour contrôler les institutions publiques (la Régie communale autonome ou les comptes de la ville, par exemple). Sinon, la Comase de Jean-Luc Henry (encore un fidèle) fait l'affaire. Par exemple, s'il faut une « étude indépendante » pour établir un diagnostic à propos de l'intercommunale de déchets ICDI (tiens, tiens, attirée aujourd'hui dans les griffes d'Igretec). Besoin d'un notaire ? Appelons Hubert Michel. D'un architecte, d'un décorateur, d'une entreprise de construction, d'un promoteur immobilier, d'un fournisseur de photocopieuses, etc. ? Toujours les mêmes. On touille dans les mêmes eaux, comme dit un enquêteur. Les favoris du pouvoir.
Au coeur du dispositif, Jean-Claude Van Cauwenberghe est indispensable. Il détient toute l'information. Les relais de Van Cau sont là pour ça. A l'image de Jean-Pol Avaux, sa courroie de transmission, épinglé par les écologistes avant même les affaires (l'homme jouissait d'un salaire mirobolant au sein d'une ASBL censée aider les drogués). Entre gens avertis, on s'entraide. On se retrouve au sein de la même loge maçonnique.
Le 22 juin 2006, Van Cau est réélu à la tête de la section socialiste de Charleroi. Ils tiennent encore le coup, Jacques Van Gompel et lui, un brin pathétiques.
BelgaLes procédures légales ont-elles toujours été respectées, notamment celles relatives aux marchés publics, si contestés à Charleroi ? La justice poursuit son travail. De premiers indices épars sont tombés au printemps dernier. L'homme d'affaires Robert Wagner et un fonctionnaire wallon habitant la région de Charleroi ont été inculpés pour corruption. L'ancien député permanent Jean-Pierre De Clercq a été inculpé pour des curatelles douteuses. Le réviseur Daniel Lebrun pourrait être amené prochainement à s'expliquer sur ses diverses activités. Tous trois font partie du premier cercle d'intimes de Jean-Claude Van Cauwenberghe. Ce dernier aurait-il bénéficié d'avantages matériels en échange de services offerts ? Van Cau en personne a réveillé de vieilles rumeurs après sa démission. « On raconte même que j'aurais fêté avec des amis mon troisième milliard de francs ! » déclarait-il le 21 janvier 2006 dans les colonnes du Soir . A ce jour, il existe au moins un élément troublant : un acte notarié relatif à l'achat d'une maison dans le sud de la France, en janvier 1993. Auprès d'un membre du groupe Wagner, Van Cauwenberghe avait obtenu le principe d'un paiement différé « sans intérêts ». C'est écrit noir sur blanc ( lire Le Vif/L'Express du 23 décembre 2005 ). Une faveur ? Van Cau dit avoir payé les intérêts. Il affirme que c'était stipulé dans une convention sous seing privé... prévoyant le contraire de ce qui avait été convenu devant notaire. Pourquoi deux vérités ? Heureusement pour Van Cau, les faits sont trop anciens pour intéresser la justice.
La perversité du systèmeUne machine d'occupation du pouvoir qui s'effondre sous les coups de boutoir de la justice. Un groupe d'affairistes dans le viseur des enquêteurs. Van Cau apparaît en filigrane dans de nombreux dossiers judiciaires. Il était bien là. Dans « sa » ville. Il en est resté le bourgmestre empêché jusqu'en 2000. Après, il a continué à tirer les ficelles. Si le « système » démonté est à ce point vicié, il paraît logique que celui qui l'incarne endosse la responsabilité politique du naufrage. Le seul geste significatif consisterait donc à renoncer à la présidence de l'Union socialiste communale (USC) de Charleroi. Ce serait l'amorce d'un désengagement progressif des affaires. Elio Di Rupo n'ose pas y contraindre son encombrant camarade socialiste. Van Cau, lui, se cabre face à toute pression extérieure. Il en joue. Il sait qu'au PS le pouvoir part de la base, de la commune. C'est l'ancrage local qui fait la force de ce parti de masse. Le « chef » exploitera le filon jusqu'au bout, arguant d'un score éclatant lors de sa réélection à la tête de l'USC carolo, en juin dernier - 82 % de votes favorables, mais seulement 20 % des membres avaient voté. Ainsi va la perversité du système, à Charleroi. L'électeur socialiste désigne ses mandataires. Les mandataires choisissent la « nébuleuse », un système complètement fermé de l'intérieur, où on s'arrange entre amis. Et cette nébuleuse voue un culte de reconnaissance sans bornes au patron, ainsi inamovible. Pour combien de temps encore ?
Retrouvez l'intégralité de ce dossier dans la version papier.
Phillipe Engels et Isabelle Philippon
9 novembre 2006
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