16 novembre 2006

Le nucléaire resurgit

Le gouvernement a commandé une étude sur le futur énergétique de la Belgique. Ce rapport préconise de revoir l'extinction des réacteurs tout en avertissant le pays de

ne pas mettre "tous ses oeufs dans le même panier".

L undi dernier, William D'haeseleer et Pierre Klees, respectivement président et vice-président de la Commission « Energie 2030 », ont présenté au Premier ministre, Guy Verhofstadt (VLD), les conclusions et recommandations « préliminaires » de leur rapport. Un document commandé en 2004 par Marc Verwilghen (VLD), ministre de l'Energie, à un aréopage réuni afin d'identifier les besoins énergétiques du royaume dans les vingt prochaines années et d'y apporter les réponses adéquates.

L'outil indispensable à l'abrogation de la loi qui prévoit l'extinction progressive entre 2015 et 2025 des sept réacteurs atomiques belges (trois à Tihange, quatre à Doel) ? Si l'étude démontre que le nucléaire est la meilleure solution pour approvisionner la Belgique en électricité, « alors il faudra oser mettre le dossier sur la table », rétorquait Marc Verwilghen dans un entretien accordé au Soir en septembre 2004.


Le scénario évoqué voici deux ans se dessine aujourd'hui. Dans les conclusions et surtout les recommandations (dont Le Soir a pu prendre connaissance), présentées lundi au Premier ministre, les experts estiment que « l'application de politiques post Kyoto plus rigoureuses en Belgique sans l'énergie nucléaire serait extrêmement coûteuse. Aussi, la Belgique devrait-elle garder l'option nucléaire ouverte et reconsidérer la fermeture des centrales. »
Le document préliminaire qui sera soumis, vendredi, à des experts du Conseil central de l'économie, de la Banque nationale ou encore du Conseil fédéral du développement durable, ne se borne pas à l'épineuse question nucléaire et ébauche les grandes lignes de la politique énergétique de demain.

La diversification. La Belgique ne peut pas mettre « tous ses oeufs dans le même panier. (...) Nous ne pouvons nous permettre le luxe d'exclure trop de choses ». Traduction : le royaume, vu sa dépendance de sources primaires étrangères (gaz, pétrole, charbon, uranium), se doit de n'exclure aucune voie d'approvisionnement en combustible, de production d'énergie et de réduction de consommation. Soit combiner, par exemple, les moyens de génération électrique tels qu'éoliennes, panneaux solaires, centrales au gaz, réacteurs atomiques et installations de cogénération (chaleur et courant).

Les économies d'énergie. Le rapport préconise de « défendre à travers l'enseignement et l'information du grand public une utilisation respectueuse de l'énergie. La Belgique doit faire tout ce qui est raisonnablement acceptable pour exploiter son potentiel d'économie d'énergie. »
Exemples : introduire des normes plus strictes en terme de performance énergétique des bâtiments (comme le prévoit une directive européenne) ou inciter l'industrie à se concentrer sur cette problématique par le biais d'audits.
Les certificats verts. Ce système impose des quotas d'énergie renouvelable aux producteurs qui se voient contraints d'acheter lesdits certificats lorsque leur seuil de production « verte » n'est pas atteint.

Le rapport propose d'imposer des limites plus « ambitieuses », de détacher ces quotas de la production pour les appliquer aux volumes d'énergie effectivement fournis aux consommateurs et, partant, de rendre les certificats échangeables au niveau européen. Une manière, selon les experts, de contourner le problème du « potentiel limité de renouvelable » en Belgique.
Répercuter les hausses de prix. Selon les recommandations de la commission « Energie 2030 », « les hausses des prix de l'énergie doivent être totalement répercutées sur le consommateur ». A moins d'êtres justifiés (notamment socialement), les rabais tarifaires doivent être exclus afin d'éviter, entre autres, « le gaspillage d'énergie ».

Les éoliennes en mer. « Les autorités doivent reconsidérer sérieusement les sites du Wenduine Bank et du vlakte van de Raan », estiment les experts.
Situés au large de la côte belge, ces deux bancs de sable ont été rayés, essentiellement pour des raisons « esthétiques », de la carte officielle qui reprend les endroits susceptibles d'accueillir des moulins à vent en mer du Nord. Electrabel avait présenté un projet de 50 éoliennes offshore (220 millions d'euros) sur l'un de ses deux sites avant de se heurter à des revirements fédéraux. L'électricien a introduit une action en dommages et intérêts contre l'Etat. Le préjudice atteindrait 17 millions d'euros.

Capture des gaz à effet de serre. La commission considère que la Belgique doit se doter, avant 2030, d'une centrale « pilote » qui n'émettrait pas de gaz à effet de serre. Ceux-ci seraient « capturés » et injectés sous la terre. Les experts conseillent d'ailleurs de rechercher des stockages souterrains.


Nucléaire : un rapport irradié (18/11/2006)


Les associations environnementales tirent à boulets rouges sur la commission Énergie 2030


Faire des économies d'énergie, mais ne pas tourner le dos aux centrales nucléaires. Voilà l'essentiel du rapport préliminaire de la commission Énergie 2030, appelée aussi commission D'Haeseleer, du nom de son président. Ce groupe d'experts a été constitué à la demande du ministre de l'Économie Marc Verwilghen, avec la mission de rendre un avis sur la politique énergétique que la Belgique doit suivre dans les années à venir.
Le rapport préliminaire indique clairement que la Belgique doit faire marche arrière dans sa décision, prise sous le précédent gouvernement, de sortir progressivement du nucléaire dès 2015. La commission envisage même la construction d'un nouveau réacteur et évalue son coût à 3 milliards d'euros !
Les associations de défense de l'environnement Greenpeace, Inter-Environnement et Bond Beter Leefmilieu ont condamné vendredi les conclusions de ce rapport, en expliquant notamment que la majorité des membres de la commission étaient, dès le départ, des pro-nucléaires. Un avis partagé dans certains milieux politiques. Le président du SP.A, Johan Vande Lanotte, a ainsi qualifié l'étude "d'escroquerie" au profit des producteurs d'énergie...
Jean-Pascal van Ypersele, climatologue à l'UCL et membre de cette commission, se dit lui aussi "en désaccord avec certaines conclusions et recommandations importantes" du rapport. Il explique notamment que des considérations autres que purement économiques doivent être prises en compte dans une discussion au sujet de la politique énergétique.
Les conclusions et recommandations vont être transmises à huit panels d'experts, a indiqué le ministre Verwilghen, soulignant que les conclusions pouvaient être revues. On trouvera des experts de la Commission européenne, de l'Agence internationale de l'énergie, des régulateurs, de l'Académie des sciences appliquées, de la Banque Nationale, du Conseil central de l'économie, du Conseil fédéral du développement durable et des représentants des consommateurs. Le rapport final, transmis au ministre avant le 19 juin 2007, sera soumis au Parlement.
B. F.
© La Dernière Heure 2006

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Energie 2030, pas crédible

Le projet de rapport de la commission "Energie 2030" dont le contenu a été dévoilé "Le Soir" n'est pas crédible, selon le Bond Beter Leefmilieu (BBL) et Greenpeace. Les deux associations de défense de l'environnement constatent que l'institut de recherche énergétique de la KUL, présidé par le président de la commission "Energie 2030", William D'Haeseleer, est financé en grande partie par les principaux acteurs du secteur nucléaire belge: Electrabel, Tractebel Engineering et SPE.