José Happart, le fossile du jour
Une ligne aérienne Liège-Charleroi pour sauver l’économie wallonne : personne n’y avait songé jusqu’ici. On se demande bien comment, d’ailleurs, cela a pu échapper au bon sens commun. Heureusement, José Happart, héros du sous-régionalisme mosan, a compris l’urgence d’instaurer une telle desserte entre les deux métropoles en quête de rebond.
suite ...
et toujours à propos du brontosaure:
Un pot-de-vin pour Happart?
Des hommes d'affaires liégeois nous ont raconté une bien étrange histoire. Selon eux, ils ont été contactés pour blanchir un pot-de-vin de 15 millions qu'aurait reçu José Happart dans le cadre de ses activités à l'aéroport de Bierset. Enquête.
"En mai 1997, j'ai été contacté par un de mes associés. Nous étions cinq dans son bureau à Liège. Pour sauver ma société qu'il avait mise en difficulté, il m'a proposé de rencontrer des connaissances à lui, des responsables de l'asbl ADER. L'objectif était, en recapitalisant ma société, de blanchir 15 millions de pots-de-vin reçus, m'a-t-on dit à l'époque, par José Happart pour favoriser l'implantation à Bierset d'une grosse entreprise. J'ai eu les contacts avec ADER, ils sont venus dans ma société éplucher les comptes, rencontrer le personnel,... Finalement, la chose ne s'est pas faite et j'ai perdu ma société".
Quinze millions à blanchir
En face de nous, un homme de cinquante ans qui nous fournit de multiples documents originaux, des témoignages écrits,... Il nous explique qu'à partir de 1995, suite à divers associés qu'il nous décrit comme des voyous de la finance, son entreprise a périclité au point de le mettre solidement dans l'embarras. Fin 1996 apparaît Horst Hermann. Grand ami de José Happart de la fin 1995 à la veille de son arrestation, Hermann propose que la société suisse dont il se dit propriétaire apporte 15 millions de francs, une proposition réaffirmée début 1997. Mais comme dans bien d'autres cas, cela ne fonctionnera pas.
Viennent alors, via l'associé avec qui notre homme ne s'entend plus très bien, les fameuses nouvelles propositions de blanchir, par une recapitalisation, le pot-de-vin de 15 millions dénoncé aujourd'hui. Une nouvelle fois, le clan Happart entre en piste via l'asbl ADER, l'Agence de Développement d'Economie rurale. Celle-ci a son siège à Tribomont, un domaine racheté fin 1992 par une autre asbl, le CWAC, à la Prévoyance sociale, rebaptisée depuis P&V. Tant le CWAC (Centre Wallon d'Animation et de Coopération) que l'ADER comptent parmi leurs administrateurs José Happart, député européen, et son frère Jean-Marie, sénateur. L'une comme l'autre ont été perquisitionnées à la mi-mars dernier dans le cadre de la recherche des faux documents réalisés par Horst Hermann et qui ont permis à José Happart de "dépister" la Justice dans l'enquête sur l'assassinat d'André Cools.
Frileuse Justice?
Mais reprenons le fil. Après l'intervention de Horst Hermann donc, on propose la mise en contact avec l'ADER pour le blanchiment des 15 millions. Un des personnages présents lors de la réunion nous a confirmé la teneur de la discussion. Des courriers prouvent que des contacts ont bien eu lieu en juin 1997 et une réunion au moins organisée en juillet au domaine de Tribomont. Mais, finalement, comme la proposition d'ADER aboutissait à déposséder notre témoin de ses actions pour le laisser seulement directeur de l'entreprise, il a refusé et a été contraint de mettre la clé sous le paillasson en août 1997.
La société qui aurait versé l'argent sale s'est bien installée à Bierset et Don José la défend aujourd'hui bec et ongles. Même si à l'époque, Don José n'était pas encore le président de l'aéroport, il en était administrateur. Dans sa première lettre à Horst Hermann, il exposait d'ailleurs tout l'intérêt qu'il porte à cet aéroport.
Crédible, pas crédible? Nous avons mené notre enquête aussi loin que nous le pouvions. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la justice devrait effectivement se pencher sur ce dossier pour le tirer au clair. Mais ici comme dans l'enquête sur l'assassinat d'André Cools, elle est bloquée par l'immunité parlementaire européenne dont dispose José Happart jusqu'au 13 juin. Et par certaines de ses amitiés au Palais de Justice de Liège? Car l'histoire ne s'arrête pas là. En octobre 1998 et en janvier 1999, notre témoin a été interrogé par un commissaire de la section financière de la PJ sur la faillite de sa société. Il s'est alors, selon ses dires, offert à témoigner sur cette fameuse proposition de blanchir un pot-de-vin. Le commissaire aurait refusé d'en prendre note.
Le hasard fait que ce même commissaire, à l'automne 1996, enquêtait sur une série de chèques en bois émis ou volés par Horst Hermann. A l'époque, l'ami de José Happart était revenu à Liège depuis un an environ. Il faudra cependant attendre plus de deux ans pour que cette enquête sur les chèques soit, timidement, relancée par l'arrestation de Hermann par la juge d'instruction Ancia dans le cadre de son enquête sur les faux documents remis à la Justice par José Happart. Curieusement à nouveau, suite à une plainte de José Happart, ces enquêtes sur Horst Hermann n'ont pas été confiées à Mme Ancia.
Le tango
L'affaire relatée par notre témoin n'est pas le seul pas de tango dansé entre l'ami de Don José et l'asbl ADER. A la même époque, en juin 1997, ADER voulait reprendre une tannerie à Malmédy. Même si un des responsables d'ADER nous a déclaré que Horst Hermann était étranger à l'affaire, une source bien informée révélait dans "Le Soir" qu'il y était bien intervenu mais que rien n'avait marché.
A l'automne 1998, une société d'Aubel croule sous les dettes. La femme du patron est très proche de l'action fouronnaise et Don José leur conseille de contacter l'ADER. Grâce aux promesses de l'ADER, devant le tribunal de commerce de Liège, la faillite est plusieurs fois repoussée. Elle tombe fin décembre 1998. Cette fois, c'est Horst Hermann que Don José présente aux responsables de la société d'Aubel pour qu'il reprenne la société. Après un plan financier fort bien rédigé par un comptable, la société sera finalement vendue 1,2 million à Horst Hermann le 1er mars dernier. Il ne la paiera jamais. Le 16 mars dernier, Véronique Ancia le mettait derrière les barreaux.
Le vendredi 16 avril dernier, lors de la réunion hebdomadaire de l'exécutif fédéral du PS de Liège, on a abordé le cas Happart. On se souvient qu'en mai 1997, époque où la proposition de blanchiment arriverait, José Happart avait publiquement insulté Gilbert Mottard, ancien responsable socialiste liégeois, en le traitant d'affairiste. Ce dernier en a demandé réparation et Don José vient d'être condamné par la commission de vigilance du PS qui inflige "un rappel à l'ordre" à "l'auteur des déclarations erronées. Et l'un des participants à la réunion de l'exécutif liégeois de benoîtement poser la question: "Est-ce qu'on peut être ministre quand on a reçu un blâme de son parti?".
Philippe Brewaeys.
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Le nouvel ex-ami de Don José
José Happart aurait une nouvelle fois été abusé à l'insu de son plein gré. Cela devient une habitude.
Le 12 septembre 1998, lui et plusieurs de ses proches ont fait un aller-retour entre Bierset et Bâle en avion privé pour assister à l'inauguration de la Place de Fourons dans le village de Vellerat. Mais la location de ce luxueux Mitsubishi MU2 n'a pas été payée. Un tribunal anglais a donc condamné le Columbo des Fourons à payer quelque 40.000 francs au pilote. Le propriétaire de l'avion le poursuit pour le double et l'affaire devrait passer le 18 mai.
Sitôt l'affaire révélée par De Standaard, Don José a réenfilé son inusable costume de Calimero, expliquant qu'il avait été roulé une nouvelle fois par son ami Horst Hermann. Comment expliquer alors que jusqu'à la mi-avril en cours, jusqu'au moment où l'affaire de-vienne publique donc, José Happart, Horst Hermann et Dieter Hofmann (on y reviendra) aient eu, en toute discrétion, le même avocat dans cette affaire?
Le vol a été commandé le 11 septembre 1998 par Dieter Hofmann. Sur le bon de commande, outre Happart, il est stipulé que le ministre des Finances serait de la partie. Le pilote n'a cependant pas reconnu Jean-Claude Van Cauwenbergh sur les photos que nous lui avons présentées. A son arrivée à Bierset, le pilote a déjeuné avec Horst Hermann et José Happart puis a fait son vol. Mais qui est donc Dieter Hofmann, ce nouveau personnage dans l'entourage de José Happart?
Aide humanitaire...
Selon J. Happart, Dieter Hofmann était spécialisé dans l'acheminement par avion d'aide humanitaire. Avec Horst Hermann, ils allaient travailler pour le Kosovo dans le cadre du programme ECHO de l'Union européenne avec pour base l'aéroport de Bierset. Un Antonov est même resté deux mois à Bierset pour cela. Don José allait leur mettre le pied à l'étrier auprès de la Commission européenne mais aussi à Bierset où il présente Dieter Hofmann aux responsables de l'aéroport. La compagnie d'aviation de Hermann et Hofmann, Punitzflug, y a donc installé ses bureaux. Le nom de la compagnie provient d'un petit aéroport privé depuis lequel Hofmann opère depuis des années et où Horst Hermann a emmené José Happart fin octobre début novembre 1998. C'est encore Hofmann qui a mis en contact José Happart et un opérateur aérien algérien. L'objectif était de développer un projet en Algérie, projet pour lequel José Happart, début février dernier, est allé rencontrer le ministre algérien des Transports à Alger. Pendant ce temps-là, Horst Hermann était dans le sud du pays.
...ou trafic d'armes?
L'enquête du Soir illustré sur Dieter Hofmann démontre qu'il se trouve en fait à la croisée des chemins de la criminalité, du trafic d'armes sous couvert d'aide humanitaire, des contacts avec le milieu de l'espionnage de l'ancien bloc de l'Est et de la corruption des fonctionnaires et des hommes politiques.
Né en 1942 en Autriche, Hofmann est condamné en 1964 à deux ans de prison pour vol en Allemagne, en 1973 à 16 mois pour vol en Allemagne toujours puis en 1975 à deux ans de prison pour recel en Autriche. En 1983, il est condamné à 9 mois de prison en Suisse puis, en 1994 à 6 mois de prison pour corruption à Budapest mais acquitté pour une accusation d'espionnage.
Parallèlement à cela, dès 1972, il est en contact étroit avec les services secrets tchécoslovaques et soviétiques. En 1974, il rencontre régulièrement le résident du KGB à Vienne (une des grosses pointures du service d'espionnage soviétique) aujourd'hui reconverti dans ... l'aide humanitaire, avec qui il est contact à Prague.
En juin 1991, Hofmann est soupçonné de se livrer à un important trafic d'armes sous couvert d'aide humanitaire pour la Bosnie. A cette époque, il s'infiltre dans les services de sécurité hongrois et corrompt des hommes politiques. Deux ans plus tard, il est arrêté à Budapest pour espionnage et corruption. Pendant qu'il est en prison, on découvre à Maribor, en Slovaquie, des containers bourrés d'armes: 10.000 pistolets mitrailleurs avec leurs munitions, des obus et d'autres armes. Financé par un ponte du régime islamiste installé à Khartoum (Soudan), les armes étaient destinées à la Bosnie. Officiellement, il s'agissait d'aide humanitaire, les containers devant être pleins de... farine et de fromage. Hofmann, soupçonné d'être l'organisateur du transport, sera acquitté, le président musulman de Bosnie, Alija Izetbegovic, ayant arrangé l'affaire.
Que venait faire Hofmann en compagnie de Hermann à Bierset où ils disposaient d'un bureau qu'ils n'ont jamais payé? De l'aide humanitaire à destination du Kosovo, comme le prétend José Happart? Punitzflug, en tout cas, ne leur appartient pas, mais est dans les mains d'un Autrichien. Lors d'un vol qui s'étale du 23 au 30 septembre 1998, dans la phase préparatoire de leur installation à Bierset, les deux compères ont fait escale à ... Maribor, la ville où précisément, Hofmann a déjà été coincé pour trafic d'armes. A bord de l'avion, plusieurs Albanais dont certains membres du clan Berisha, du nom de l'ancien président albanais qui contrôle le nord du pays et qui est soupçonné de se livrer au trafic d'armes en direction de l'UCK au ... Kosovo, là où ils allaient faire de l'aide humanitaire.
Horst Hermann a hébergé chez lui un ancien officier du KGB, officiellement inscrit au "Clou Doré" suite, nous dit-on, à la corruption d'un fonctionnaire de la ville de Liège. Quels sont tous ces Russes et autres anciens citoyens du bloc de l'Est qui sont passés par Liège à l'invitation de Horst Hermann et qui ont rencontré José Happart tout au long des trois grosses années qu'a duré leur amitié? Des "mafieux" nous ont dit plusieurs membres de l'entourage de José Happart. Cette question, la justice liégeoise devrait se la poser. Mais en aura-t-elle le courage? Ou, plus prosaïquement, laissera-t-on des magistrats et des enquêteurs faire leur travail?
Phil. Brewaeys.
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