06 novembre 2006

Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917...

Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917, les bolcheviques s'emparent des principaux centres de décision de la capitale russe, Petrograd (anciennement Saint-Pétersbourg).

La Révolution d’Octobre est en route…

Les habitants de la capitale ne se rendent compte de rien. Sur la perspective Nevski, la grande avenue de Petrograd, les promeneurs et les noctambules vaquent comme à l'accoutumée.

Dans la terminologie bolchevique (on dira plus tard communiste), ce coup de force sans véritable soutien populaire est baptisé «Révolution d'Octobre» car il s'est déroulé dans la nuit du 25 au 26 octobre selon le calendrier julien en vigueur dans l'ancienne Russie jusqu'au 14 février 1918.

Une insurrection préparée au grand jour

L'initiative du coup de force remonte au 23 octobre 1917. Ce jour-là, Lénine, chef des bolcheviques, a quitté subrepticement sa cachette finlandaise pour assister à un Comité central de son parti et lui faire adopter le principe d'une insurrection armée.

Il s'agit d'abattre la démocratie instaurée en Russie quelques mois plus tôt et de mettre en place une «dictature du prolétariat» inspirée par les principes marxistes.

Lénine repart aussitôt en Finlande, laissant à son adjoint Trotski le soin de préparer l'insurrection, avec l'assistance d'un expert militaire, le lieutenant Antonov-Ovséenko.

Alexandre Kerenski, chef du gouvernement provisoire, ne se méfie pas des bolcheviques. Ces derniers sont des militants relativement peu nombreux mais très actifs.

Ils développent auprès des soldats de la garnison de Petrograd une propagande efficace autour de trois mots d'ordre :

– «paix immédiate» (la Russie est encore en guerre aux côtés des démocraties occidentales contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie),
– «la terre aux paysans»,
– «tout le pouvoir aux soviets» (les soviets désignent en russe des conseils ou des assemblées de terrain où se prennent les décisions; ils
représentent pour les démocrates sincères l'aboutissement de la démocratie représentative).


Les marins de Cronstadt et les soldats de la garnison se laissent séduire par ces mots d'ordre. Il ne reste plus qu'à agir. Lors d'un nouveau Comité central, le 29 octobre, Lénine, de retour à Moscou, emporte la décision contre l'avis de Kamenev et Zinoviev qui craignent l'éventualité d'un échec.

Le 6 novembre 1917, au matin, la police tente de fermer une imprimerie du parti bolchevique. C'est l'occasion qu'attendaient les révolutionnaires pour se mobiliser.

Dans la journée, conformément aux ordres d'un Comité révolutionnaire militaire, les bolcheviques s'assurent du ralliement de la garnison de la forteresse Pierre-et-Paul et occupent sans bruit tous les ponts de la capitale russe. La nuit suivante, ils occupent en douce les gares, les bureaux de poste et autres endroits sensibles.



Les ministres du gouvernement provisoire siègent pendant ce temps au Palais d'Hiver en l'absence de Kerenski.

Ils n'ont pour les défendre qu'une petite troupe de 1300 soldats, cosaques et élèves officiers, y compris une unité de volontaires féminines.

Les partisans de Lénine assiègent le Palais. Cinq mille marins et soldats de Cronstadt viennent leur prêter main-forte.

Dans la journée du 7 novembre, pour donner à son coup d'État l'allure d'une révolution, Lénine fait tirer le croiseur Aurore, amarré à quelques centaines de mètres de là, sur un bras de la Néva.

Après avoir tiré une trentaine d'obus en direction du Palais, les bolcheviques se hasardent à l'intérieur, arme au poing. Après quelques velléités de résistance, les élèves-officiers et les soldates se rendent. Peu après minuit, le gouvernement signe l'acte de capitulation.

«Jamais une échauffourée de si petite envergure (une dizaine de victimes, d'après les historiens soviétiques) n'a eu des conséquences aussi prodigieuses, et une fois de plus, le sort de la capitale décida de celui du pays tout entier» écrit Léon Poliakov (Les totalitarismes du XXe siècle, Fayard)

Les ministres sont arrêtés la nuit suivante cependant que leurs soldates et soldats sont libérés sans plus de manières. Investissant joyeusement le Palais d'Hiver et ses caves, les bolcheviques boivent joyeusement à la santé de leur Révolution... Cette saoûlerie généralisée, qui fait le désespoir du lieutenant Antonov-Ovséenko, va même contribuer à désorganiser la vie économique de la capitale pendant plusieurs jours.

La dictature en marche

Sitôt après sa prise de pouvoir, Lénine met en place les instruments de la dictature. La presse «bourgeoise» est étouffée. La police politique (Tchéka) est créée le 7 décembre, la grève interdite le 20 décembre !...

Le parti K-D (constitutionnel-démocrate), ancré dans la gauche démocratique est interdit dès décembre. Reste l'opposition du principal parti de gauche, les S-R (socialistes-révolutionnaires). Ces derniers recueillent une écrasante majorité aux élections à l'Assemblée constituante, lancées avant la Révolution d'Octobre et que les bolcheviques n'ont pas osé annuler. Ils obtiennent 419 sièges contre 168 seulement aux bolcheviques, 18 aux mencheviks, 17 aux K-D et 81 divers.

Lénine ne se démonte pas. Il proclame fort hypocritement que le pouvoir des Soviets (les conseils populaires, solidement tenus en main par les bolcheviques) est supérieur à celui de l'Assemblée et le 19 janvier 1918, dès le lendemain de l'entrée en fonction de celle-ci, il ordonne sa dissolution, sanctifiant ainsi son coup de force d'Octobre.

Ne craignant plus la contradiction, le gouvernement, dénommé Conseil des commissaires du peuple, entame à marches forcées la réforme des institutions. Le 28 janvier, il crée une Armée rouge en prévision d'une éventuelle reprise des hostilités avec les Allemands. Le 5 février, il annule d'un trait de plume les dettes et les emprunts contractés par l'ancien gouvernement à l'étranger (cette mesure unilatérale, sans guère de précédent, va entraîner la ruine de nombreux épargnants français qui avaient confié leurs économies au tsar deux décennies plus tôt). Il adopte aussi le calendrier grégorien au lieu du calendrier julien à partir du 14 février 1918.

Enfin, il conclut la désastreuse paix de Brest-Litovsk avec l'Allemagne le 3 mars. Lénine pèse de tout son poids sur cette décision, qui provoque de violentes tensions parmi les membres du gouvernement et provoque la démission des ministres socialistes-révolutionnaires de gauche.

Le 12 mars, le gouvernement abandonne Petrograd, la capitale de Pierre le Grand, et se transporte à Moscou, la capitale des premiers tsars, au coeur de la Russie continentale, loin de l'Occident...

2 commentaires:

Admin a dit…

Brève histoire du communisme russe :

6 novembre 1917 : Révolution d'Octobre

3 mars 1918 : paix de Brest-Litovsk

28 février 1921 : révolte de Cronstadt

21 mars 1921 : Lénine annonce la NEP

30 décembre 1922 : baptême de l'URSS

21 janvier 1924 : mort de Lénine

15 novembre 1927 : Trotski exclu du PC

6 janvier 1930 : Staline met fin à la NEP

23 août 1939 : pacte germano-soviétique

30 novembre 1939 : Staline attaque la Finlande

22 juin 1941 : Hitler attaque l'URSS

31 janvier 1943 : reddition allemande à Stalingrad

4 février 1945 : conférence de Yalta

25 février 1948 : coup de Prague communiste

5 mars 1953 : mort de Staline

17 juin 1953 : insurrection à Berlin-Est

24 février 1956 : rapport de Khrouchtchev

23 octobre 1956 : soulèvement de Budapest

4 octobre 1957 : lancement de Spoutnik 1

1er mai 1960 : un avion-espion abattu en URSS

12 avril 1961 : premier vol spatial habité

21 août 1968 : invasion de la Tchécoslovaquie

27 avril 1978 : coup d'État à Kaboul

25 avril 1986 : catastrophe de Tchernobyl

21 décembre 1991 : dissolution de l'URSS

Anonyme a dit…

Ca s'est passé AUSII un 6 novembre

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lundi, 6 novembre 1995
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