13 novembre 2006

IE 7.0 tente de contrer Firefox 2.0

Drôle de guerre

Deux concepts informatiques s'affrontent: les logiciels protégés et ceux qui sont ouverts.
On sait ce qui fait courir Microsoft et ses milliers d'employés -71 500- de par le monde: le business et les profits faramineux (44 milliards de dollars sur l'exercice écoulé). Ce n'est pas un secret.

La Mozilla Foundation américaine, relayée en Europe par une Fondation basée en France, est, pour sa part, animée par un tout autre moteur, et elle n'emploie que... 70 personnes. On parle ici de mise à disposition d'un «navigateur» Internet gratuitement, pour le plus grand nombre, et surtout sur les principaux systèmes opérationnels (OS) payants comme Windows ou gratuits, comme Linux. Et on en parle aujourd'hui, parce qu'en moins de deux semaines, le géant financier américain et la Fondation Mozilla ont lancé la dernière version de leurs navigateurs respectifs.
Il s'agit pour Microsoft de lancer, enfin, une édition remaniée de son explorateur (elle est sortie en français cette semaine). Mozilla a, pour sa part, lancé depuis une semaine dans une foule de langages, dont certains liés à des marchés non rentables d'un point de vue commercial, la deuxième version remaniée de son navigateur.

Internet Explorer 7.0 et Firefox 2.0 s'affrontent donc sur un terrain où, apparemment, tout est gratuit pour l'utilisateur. Or, il y a dans les deux cas, un modèle économique qui tourne. Et dans le monde de l'Internet, ce qui marche rapporte vite et beaucoup. On le reproche même aujourd'hui aux dirigeants de Mozilla qui sont à la tête d'un véritable pactole suite au succès foudroyant de la nouvelle version de Firefox. Plus de deux millions de téléchargements en 48 heures, ces opérations ayant démarré avant même l'annonce officielle du lancement du concurrent d'Internet Explorer.
Téléchargements par millions
Un succès, vraiment? Oui, et croissant si l'on en juge par l'accroissement constant de ces téléchargements, au gré des versions diffusées gratuitement par la fondation Mozilla. On parle ici de 2 millions de téléchargements pour la version 2.0, d'un million et demi pour la version 1.5. Soit une croissance incroyable sur laquelle nous ne tablions pas. Mais un succès qui rapporte? Oui, puisque la maison mère - si l'on peut dire - de Mozilla Europe a signé une série d'accords commerciaux aux Etats-Unis avec les grands noms de l'Internet. Lesquels ?
On n'est pas très chaud pour parler de ces accords qui sont signés sous réserve de la plus grande confidentialité. Confidentialité sur les chiffres, peut-être, mais pas sur les noms. En effet, un coup d'oeil sur la fenêtre de recherche rapide du dernier-né des navigateurs Firefox permet de se faire une idée de l'identité de ces généreux partenaires. Il s'agit d'évidence de Google (encore ?), de Yahoo!, d'eBay et d'Amazon, suivis de sites probablement annoncés à titre gracieux, comme Wikipedia et MediaDico.

Des sites qui trouvent leur avantage dans la fréquentation liée à l'utilisation des liens proposés d'office dans les fenêtres de recherche du navigateur. Comment cela se reflète-t-il dans les revenus liés à Firefox ? On parle ici de plusieurs dizaines de millions de dollars de recettes, à comparer avec 70 employés... pas mal ! Tellement bien, même, que les aficionados du navigateur ont trouvé à redire à ce succès commercial. C'est, en effet, tout le principe de l'existence du logiciel libre qui est mise en cause dans cet exemple précis.
Le logiciel libre est opposé au logiciel propriétaire, l'un étant ouvert aux manipulations et améliorations des spécialistes, les développeurs libres, qui travaillent gratuitement, l'autre étant cadenassé par une entreprise commerciale qui paie des développeurs maison et vendent des logiciels. Or, peut-on imaginer une fondation axée sur la mise à disposition gratuite d'outils informatiques se retrouver à la tête de revenus imposants ? Oui, évidemment, c'est le cas d'ONG de renom international dont la survie et le fonctionnement dépendent pour l'essentiel d'opérations de récolte de fonds. Dans ce cas, on ne s'en offusque pas. Mais que fait Mozilla de tous ces millions ?
Sur son blog personnel, Tristant Nitot, président de Mozilla Europe, a voulu couper court aux rumeurs insensées qui commençaient à se diffuser sur la toile au gré des forums de discussion. Ce sympathique informaticien, fraîchement quadragénaire, qui a collaboré de manière bénévole au lancement du projet Firefox, est lui-même surpris du succès de son enfant. Employé par la fondation, il nous avait expliqué avant la réussite du lancement de Firefox 2.0 le principe de la rémunération progressive des développeurs bénévoles du programme sous forme notamment de dons d'ordinateurs portables ou de financement de voyages d'étude.

Le principe d'une participation financière des sites repris dans la barre de recherche de Firefox n'a jamais été caché, rappelle ce dernier, en renvoyant vers les pages Web reprenant les propos très clairs à ce propos des initiateurs américains de ce projet, dont Mitchell Baker. On a perlé de 50 millions de dollars, mais ce montant n'a pas été confirmé pour raison de clauses de discrétion dans les contrats liant Mozilla à ses partenaires... «En fait, ces revenus vont nous permettre de poursuivre notre projet en conservant l'idée d'un logiciel gratuit «ad vitam», et en permettant l'engagement de développeurs jusque-là bénévoles», assurait Tristan Nitot, quelques jours avant l'explosion des téléchargements. Mais en dessous de la Mozilla Foundation, il y a une entreprise commerciale, la Mozilla Corp. En effet, explique encore Tristan Nitot sur son blog. Mais cette entreprise n'a pour seul actionnaire que la fondation dont le but est absolument sans but lucratif... «Et d'ailleurs, les deux organismes ont des intérêts et des objectifs alignés», insiste encore Tristan Nitot. Comment faire participer les développeurs bénévoles au succès de Firefox? Ici encore, Nitot assure qu'une personne a été engagée en juillet pour établir un document d'analyse sur ce sujet délicat.
Et puis, rappelle-t-il, «tous les gros contributeurs (comprendre «à temps plein»), à ma connaissance, sont rémunérés soit par Mozilla directement, soit par les sociétés qui participent au projet Mozilla (dont IBM, Novell, Red Hat, Google...).
Il y a bien sûr d'autres contributeurs qui sont très importants pour la qualité du projet et sa localisation. Ceux-là sont des bénévoles qui participent au projet pour des raisons qui leur sont propres, et certainement pas pour l'argent». Et de rappeler que Mozilla n'a pas vocation d'enrichir ses actionnaires puisque ces derniers n'existent pas. L'argent est ici un moyen, pas une fin. On suivra bien sûr avec attention les applications qui suivront la remise de cette analyse sur les méthodes de rémunération des développeurs bénévoles.
© La Libre Belgique 2006

Aucun commentaire: