Birmanie: les généraux accusent la communauté internationale de pingrerie
La junte birmane a incité vendredi les sinistrés du cyclone Nargis à "manger des grenouilles" plutôt que d'accepter les "tablettes de chocolat" d'une communauté internationale accusée d'être chiche dans ses aides financières quatre semaines après le cataclysme.
Le quotidien officiel New Light of Myanmar s'est vivement étonné que 150 millions de dollars seulement aient été promis par des pays donateurs, alors que la Birmanie a évalué à 11 milliards ses besoins pour la reconstruction.
Le journal a fustigé les Etats qui ont posé comme condition préalable à toute aide financière le libre accès des organisations humanitaires internationales au delta de l'Irrawaddy, la région la plus affectée par Nargis.
"La population de Birmanie est capable de se relever de telles catastrophes naturelles, même sans assistance internationale", a affirmé le New Light of Myanmar, précisant que les habitants des zones côtières dévastées "peuvent facilement se procurer du poisson" et qu'"en ce début de mousson, on trouve de grosses grenouilles comestibles en abondance".
"Les habitants peuvent survivre en comptant sur eux-mêmes, même s'ils ne reçoivent pas de tablettes de chocolat de la communauté internationale", a dit le quotidien de la junte, selon qui autoriser les sauveteurs étrangers à se rendre librement dans le delta reviendrait à accorder aux donateurs "la permission de pénétrer dans toutes les maisons à discrétion".
Cette tirade enflammée survient alors que les généraux birmans ont encore renforcé leur emprise sur la Birmanie, prolongeant mardi d'un an l'assignation à résidence qui frappe depuis 2003 l'opposante Aung San Suu Kyi et confirmant brusquement vendredi la "promulgation" d'une nouvelle Constitution.
Un communiqué signé par l'homme fort de la junte Than Shwe, publié en première page du New Light of Myanmar, assure que le texte a été approuvé par 92,48% des électeurs lors d'un référendum les 10 et 24 mai. Il était initialement prévu que cette Constitution n'entre en vigueur qu'après des élections en 2010.
La junte n'a pas expliqué les raisons de cette annonce soudaine.
"Pour moi, ce n'est rien de plus qu'une proclamation de victoire", a estimé Aung Naing Oo, analyste birman réfugié en Thaïlande.
Le cyclone Nargis, qui a ravagé le sud de la Birmanie les 2 et 3 mai, a fait officiellement au moins 133.600 morts et disparus et 2,4 millions de sinistrés.
L'ONU estime que, quatre semaines après le passage de Nargis, environ un million de rescapés ont besoin d'une aide urgente dans le delta de l'Irrawaddy, région restée jusqu'à cette semaine fermée aux équipes de secours étrangères.
Malgré les nouvelles critiques des médias officiels birmans, les agences d'aide humanitaire des Nations unies ont indiqué qu'elles obtenaient désormais plus rapidement visas et permis d'accès au delta.
"Il y a des indications prometteuses qui suggèrent que le gouvernement va en gros dans la bonne direction", a assuré Terje Skavdal, un haut responsable humanitaire de l'ONU, lors d'une conférence de presse à Bangkok.
Mais l'accès demeure beaucoup moins aisé pour les organisations privées.
"Parfois il y a des obstacles, parfois non", a expliqué M. Skavdal.
"Il est particulièrement important qu'un accès libre et inconditionnel soit garanti à la Croix Rouge et aux ONG internationales, comme convenu la semaine dernière entre les hauts dirigeants birmans et le secrétaire général" de l'ONU Ban Ki-moon, a-t-il ajouté.
"La situation n'est pas très claire. Certaines des ONG les plus importantes semblent avoir des problèmes", a poursuivi M. Skavdal.
Une nouvelle équipe d'évaluation de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) était par ailleurs attendue à Rangoun vendredi pour une mission humanitaire de deux semaines.
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