14 mai 2008

Le CD&V a soif de réforme

LE PRÉSIDENT DU PARTI WOUTER BEKE juge la crise de jeudi « inutile et insensée ». Il souligne l'urgence, pour le pays, de se réformer. Son parti s'y est préparé, discrètement.

Wouter Beke vit ses derniers jours à la présidence du CD&V. Jeudi, Marianne Thyssen prendra le relais. Dans son jardin de Bourg-Léopold, l'idéologue du parti savoure le calme presque retrouvé.
Cette crise, elle était grave ?
Jeudi, on a mis à l'épreuve, de manière totalement inutile et insensée, le modèle belge de cohabitation. On aurait pu éviter cette crisette. Je la regrette d'autant plus qu'elle a radicalisé l'opinion publique, en tout cas en Flandre.
« On », c'est qui ?
Les francophones ! En Flandre, on avait toujours reçu des signaux, de plusieurs partis, qui indiquaient qu'un conflit d'intérêts serait lancé… On avait commencé à installer, le 20 mars, un climat plus serein, via des contacts bilatéraux. Les francophones ont changé de tactique. De manière unilatérale. Nous, on aurait pu polariser le débat : si j'avais réuni les présidents de parti flamands, on aurait eu un camp contre l'autre. On me l'a demandé. Je ne l'ai pas fait.
Le grand perdant de cette crise, n'est-ce pas Yves Leterme ?
Il a pris un risque, en se mettant en retrait au profit de ses partenaires. Sa ligne était claire : mettre l'accent, aussi, sur le socio-économique, avec la loi-programme. On a l'air de dire, après coup, que c'est le chaos, mais la ligne Leterme a été approuvée par l'ensemble de la majorité ! Dans un contexte sans doute le plus difficile de ces quarante dernières années, Leterme y est arrivé parfaitement.
Parfaitement ?
Il fut un temps où les Premiers ministres, une fois au Seize, imposaient le silence à leurs troupes. Yves Leterme, lui, se concentre sur la recherche de solutions, dans le respect de tous les partis de la coalition, en ce compris le CD&V. Quand il était formateur, on lui reprochait d'être “trop leader du CD&V” ; maintenant qu'il se profile en Premier ministre, on attend qu'il soit le leader du CD&V ? Il faut savoir ce qu'on veut ! On attend d'un Premier qu'il soit asexué politiquement, tout en respectant les partenaires, en ce compris le sien !
On attend aussi qu'il fasse preuve de leadership…
Dans le contexte actuel, je ne m'attends pas à ce qu'on lui lance des fleurs. Il a obtenu 800.000 voix et certains ne l'ont toujours pas digéré. Il est temps qu'on engrange des résultats. On entend les francophones dire qu'ils sont d'accord pour négocier une réforme. Alors, allons-y, plutôt que de chercher en permanence les conflits et de s'épuiser, pendant des semaines, à en sortir.
Les francophones disent : il faut d'abord une solution pour BHV puis seulement une réforme…
Il faut les deux ! J'ai entendu beaucoup de choses peu cohérentes ces derniers jours. Le week-end de Pentecôte va faire du bien à tout le monde.
Faut-il négocier au gouvernement ou au groupe de Sages ?
Au groupe de Sages. Ne fût-ce que parce que, côté flamand, les présidents de parti ne sont pas au gouvernement. Et puis, nous devons avoir un large soutien pour la réforme de l'Etat, et nous demandons donc au SP.A de participer.
Ce qui permet, au passage, de justifier la présence de la N-VA.
Il est très important qu'elle soit impliquée.
Vous êtes prêts ?
Ces dernières semaines, en toute discrétion, nous avons au CD&V réfléchi à nos priorités pour la réforme. Notre point de départ : la Flandre et la Wallonie ont évolué de manière très différente sur le plan socio-économique. Ce qu'on entend, c'est : il faut renforcer le niveau fédéral. Mais on prétend le renforcer avec des symboles : circonscription fédérale, Sénat paritaire. Or, il ne sera renforcé que lorsque les différences entre Flandre et Wallonie se réduiront.
Vos priorités pour cela ?
D'abord, l'emploi. Certains aspects de la politique de santé, aussi. Pour faire coïncider les compétences des entités fédérées et le financement fédéral et créer un sentiment de responsabilité. L'axe central de notre discours, c'est la responsabilisation. Quand une entité fédérée prend des mesures, elle doit y être encouragée financièrement. Quand elle ne le fait pas, elle doit être sanctionnée. Troisième priorité : la justice. Quatrième : le mode de financement des entités fédérées. Il faut sortir du fédéralisme de consommation. Nous avons des propositions très concrètes, qui ne lèsent personne mais demandent que tout le monde souscrive au principe de la responsabilisation.
Qu'en pense la N-VA ?
Nous avons des axes communs. Même s'ils veulent aller plus loin que nous. C'est leur droit.
Vos idées sur BHV ?
La solution passe par la scission. Avec l'évolution institutionnelle depuis le tracé de la frontière linguistique en 1963, BHV est une aberration, qu'il faut corriger.
Via le compromis de 2005 ?
Pour nous et d'autres partis flamands, c'était très difficile à accepter. Autant dire qu'un remake de 2005 me semble très difficile.
L'arrondissement judiciaire de BHV, c'est aussi une aberration ?Oui. Pour les gens, ça l'est d'ailleurs encore plus que l'arrondissement électoral. Quand on habite dans le Pajottenland et qu'on doit aller à Bruxelles pour se faire juger, c'est aberrant.
Les francophones ont peur que la scission de BHV précipite la transformation de la frontière linguistique en frontière d'Etat.
Les Flamands considèrent depuis 1963 que la frontière linguistique est frontière d'Etat ! Et les francophones, tout au long des réformes, ont toujours avancé sur cette voie, même s'ils ne l'ont jamais acceptée totalement.
Comment voyez-vous l'avenir de la Belgique ?
Si on ne fait rien, je ne parierais pas ma main sur l'avenir de la Belgique. Parce qu'on irait d'une crise à l'autre. Une sorte de stratégie du pourrissement, qui offre peu d'espoir. En revanche, si on est prêt à réaliser une grande réforme de l'Etat, la Belgique peut devenir un modèle de cohabitation de plusieurs cultures.
Les deux communautés ont-elles encore envie de cohabiter ?
C'est ce qu'on devra voir dans les prochaines semaines. Mais, pour moi, la question ne se pose pas. Pour moi, la question, c'est : sommes-nous capables de prendre nos responsabilités pour résoudre les problèmes ?
Et le gouvernement, il va vivre encore longtemps ?
C'est la responsabilité de chacun de ses membres. Si quelqu'un n'y croit pas, il doit le dire. Moi je pars du principe que tout le monde y croit. Sinon il fallait le dire jeudi. Or, tout le monde a voté la loi-programme et a soutenu Leterme.

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