Di Rupo met la participation du PS en jeu
« Il faut des mesures sociales concrètes au 15 juillet »
LE PRÉSIDENT DU PS ELIO DI RUPO défend la présence de son parti au gouvernement, mais il la remet en jeu : le 15 juillet, tout peut basculer…
« Les gauches en Europe ne sont pas damnées, mais, au contraire, à la veille d’un retour massif. »
ENTRETIEN
Par un samedi à midi baigné d'un soleil doux, au cœur de sa ville, Mons, à l'une de ses tables préférées, italienne, à deux pas de la Grand-Place, Elio Di Rupo n'est pas moins tendu, agacé de la tournure des événements au fédéral, et « furieux », dit-il, de voir « comment on attaque le PS »…
Le super-conseil des ministres de vendredi n'a pas débouché sur des grandes décisions socio-économiques. Que fait le PS dans ce gouvernement ?
Un : ce n'est pas nous qui avons voulu y aller, on nous a appelés. Deux : on – Verhofstadt – nous a appelés après six mois de chaos. En novembre 2007, le pays était dans l'angoisse. Trois : à l'exécutif, on peut faire avancer les choses plus rapidement qu'à partir du Parlement, même si, là, le verbe est plus fort. Enfin, ce gouvernement n'a pas pour unique mission de s'occuper de réformes institutionnelles, mais de réformes sociales. C'est notre exigence.
Le 15 juillet, date à laquelle est attendue la nouvelle « déclaration » gouvernementale d'Yves Leterme, c'est une deadline ?
Un moment extrêmement important. Nous voulons des perspectives concrètes
.
L'idée s'est répandue que le PS « s'accroche » au pouvoir…
C'est vous qui le dites ! Il faut arrêter d'attaquer le PS d'une manière injustifiée. Donnez-moi un exemple ! Qu'est-ce que ça veut dire ? On nous a appelés. Nos ministres travaillent. En quoi s'accrocherait-on ?
Appelés, n'étiez-vous pas en mesure d'imposer plus vite les réformes sociales ?
Nous sommes un des cinq partis de la majorité, et dans l'accord de gouvernement, nous avons inscrit ce que nous avons cru devoir inscrire.
Votre choix de la participation ne fut donc pas une erreur ? Pas de regret ?
Non. Je suis toujours assez estomaqué. Pourquoi ne posez-vous pas la même question aux libéraux ? Au CDH ?
Eux sont sortis des législatives avec une image de gagnants.
L'image, c'est celle qu'ils ont voulu se donner et que vous leur donnez. Si le gouvernement devient une affaire virtuelle, écrivez-le.
Mais il y a l'image d'un gouvernement au centre droit, avec un PS en particip-opposition…
… On n'en est que plus indispensables ! Cette manière de nous harceler sans cesse est insupportable. Alors qu'on fait l'effort de gouverner dans des conditions difficiles, et qu'on n'est pas dans le confort de l'opposition, je sens comme un acharnement.
Pourquoi ?
L'air du temps.
Des critiques viennent de vos propres rangs, de la FGTB, où se loge un électorat de gauche, qui pourrait vous être favorable…
On ne retient qu'une phrase du discours d'Anne Demelenne (secrétaire générale de la FGTB, NDLR) au 1er Mai, parce que cela arrange ceux qui veulent être dans le camp des détracteurs du PS. Alors que ce qu'elle a dit globalement n'a rien à voir avec notre parti. Du reste, que la FGTB porte des jugements critiques sur le PS, cela ne me heurte pas.
Donc vous ne considérez pas que la FGTB vous dit en gros : « Sortez de ce gouvernement. »
Je ne l'ai pas entendu. D'ailleurs, que la FGTB le souhaite ou pas, elle serait encore en droit de souhaiter ce qu'elle veut. Mais ce n'est pas elle qui fait la loi au PS et ce n'est pas le PS qui fait la loi à la FGTB ; fort heureusement.
Leurs critiques sont injustifiées ?
Mais lesquelles ? Sur des points du passé, comme le pacte des générations, la FGTB garde des inquiétudes. On en a discuté.
Ils visent aussi l'activation
des chômeurs de plus de 50 ans, l'introduction prévue de l'épargne-temps.
Ces critiques, on les a entendues, et on a répondu. La plupart des problèmes difficiles, nous les mettons à l'étude à la concertation sociale patrons-syndicats.
Quelles mesures sociales voulez-vous pour le 15 juillet ?
Nous travaillons sur la tarification de l'énergie, pour les personnes en difficulté ; je vois aussi la simplification des plans d'embauche, la hausse des salaires (via les prestations sociales comme par le biais fiscal), y compris du salaire minimum, ou encore le treizième mois pour les allocations familiales. Voilà quelques exemples. Il faut un début d'exécution, des mesures concrètes.
Sinon ?
Cela posera un problème.
C'est quoi « un problème » ?
Il faudrait discuter avec les partenaires. Et à l'intérieur du PS.
De votre participation ?
Du rôle de ce gouvernement…
… Vous n'êtes pas prêt à mettre votre participation en jeu ?
Si ! On pourrait aller jusqu'à mettre en cause notre participation. En congrès du parti.
En tout cas, pour l'institutionnel, c'est mal parti au fédéral. BHV… On peut répondre à la Cour constitutionnelle par d'autres mécanismes que le splitsing. Et si les partis flamands maintiennent leur exigence, de toute façon, la scission ne pourra pas être pure et simple. Les francophones ont des raisons de géostratégie.
« Géostratégie », carrément…
Oui. Voici mon raisonnement… Les francophones autour de Bruxelles ont trois types de droits liés aux personnes : un droit électoral, leur permettant de voter pour des personnalités bruxelloises ; ils peuvent être jugés en français en justice ; enfin, il y a les facilités dans six communes. Ces trois types de droits constituent comme des ponts, qui enjambent la frontière linguistique, signifiant qu'elle n'est pas une frontière d'État. Toute la stratégie des responsables politiques flamands est de faire sauter ces ponts l'un après l'autre, afin d'isoler Bruxelles en Flandre, et d'affirmer la frontière linguistique comme une frontière d'État potentiellement. Ce schéma, nous n'en voulons pas. Il ne passera pas.
Et si la Flandre fait le pas de l'autonomie ?
Alors, notre réponse sera d'unir Bruxelles et la Wallonie. On trouvera bien sûr une solution pour la minorité flamande de Bruxelles, de 100.000 personnes environ. Notre cadre sera celui d'une fédération francophone.
Avez-vous fait votre deuil d'un nouveau compromis à la belge ?
Le pire ne se produit pas nécessairement et le meilleur se fait parfois attendre.
Quand vous parlez de tout cela à Yves Leterme, que dit-il ?
A titre individuel, il est favorable à un compromis raisonnable. Mais il est dans un cartel, le CD&V/N-VA. Où il doit y avoir une discussion pour déterminer ce qu'ils veulent. Les partenaires de gouvernement doivent savoir à quoi s'en tenir, y voir clair dans les prochaines semaines.
Est-ce électoralement risqué pour le PS de rester dans un gouvernement comme celui-ci ?
Vous savez, les prévisions… Sous la législature Verhofstadt, nos ministres avaient accompli un travail remarquable, de l'avis de tous, mais il y a eu les « affaires » de Charleroi : 17 minutes de JT à quelques jours du scrutin, etc. Des choses excessives qui ont eu un dur impact dans l'isoloir.
La « gauche » en Europe ne
connaît-elle pas un problème plus profond, culturel ?
Les gauches ne sont pas damnées, mais à la veille d'un retour massif. Nous entrons dans une phase historique où les pouvoirs publics seront appelés à rejouer un rôle important, et où la question sociale dominera. Cela donne tout leur sens aux partis de gauche, socialistes singulièrement.
Nominations politiques : « Quelle honte, ces attaques ! »
Vous êtes, dites-vous, très énervé de voir le PS accusé ici et là d’être parmi tous « le parti des nominations »…
Car ce qui se dit aujourd’hui est un scandale ! A la Région wallonne, sous le précédent gouvernement, il y avait un ministre de la Fonction publique (Charles Michel, NDLR…) qui voulait lui-même faire la composition des jurys Selor… Nous, nous avons laissé le jury Selor agir absolument. Il est composé de professeurs d’université, de fonctionnaires, avec « des » couleurs politiques pour certains de ceux-ci. Des examens se font à l’aveugle au premier stade de la sélection, c’est-à-dire qu’on ne connaît pas le candidat, on ne sait pas qui il est.
De quoi parle-t-on ? Au fédéral, on a le chef de cabinet du ministre des Finances, devenu notamment directeur de la Banque nationale ; le patron de l’administration des Finances vient lui aussi de l’entourage du ministre des Finances ; idem à la Commission bancaire et financière, à l’Agence des médicaments, j’en passe. Bien. Voilà des libéraux. Et alors ? Vous ne m’avez pas entendu dire que c’était un scandale.
Aujourd’hui, derrière certains articles, on identifie bien quelques personnes qui n’ont pas réussi les examens, éliminées à l’unanimité des membres du jury !
Pour le reste, oui, il y a des socialistes, des gens de gauche, qui ont la carrure de commis de l’Etat, qui ont réussi des examens après avoir travaillé âprement au sein de cabinets ministériels, où ils ont acquis une expertise forte. On salit des gens sérieux, qui ont passé les examens, toutes les procédures, qui ont réussi souvent à l’unanimité des membres du jury !, et qui ont été validés par les parlements ! Alors, ce seraient des voyous ? Les procédures seraient viciées ? Il faut arrêter. Les procédures sont indépendantes !
Vous l’affirmez ?
Comment cela, je l’affirme ? Mais c’est un fait. Renseignez-vous. Ce qui est scandaleux, c’est insinuer le contraire. Toutes ces attaques politiciennes… Quand un libéral dit quelque chose, c’est vrai ?
Ils veulent une commission d’enquête.
Ils feront ce qu’ils voudront.
Certains suivent au CDH…
Joëlle Milquet a la responsabilité de son parti jusqu’à nouvel ordre. Tout cela est honteux. Prenez un examen demain à la RTBF : plusieurs journalistes du Soir réussissent, on va dire que c’est un scandale, qu’il y a manipulation, qu’il y a un problème parce qu’ils viennent du Soir ?
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