21 mai 2008

L'école libre meilleure que l'officielle

Alain Destexhe (MR) a comparé les résultats des élèves du réseau libre à ceux des élèves de l'officiel aux tests internationaux Pisa. Dans toutes les matières, le libre est plus performant. Le sénateur ouvre le débat et en appelle à plus d'autonomie pour tous les réseaux. Vous pourrez chattez avec lui entre 12 et 13 heures.

Le remuant sénateur MR Alain Destexhe, dont le parti lui-même a souvent du mal à canaliser le caractère franc-tireur, brise un nouveau tabou. Il s'attaque aux performances des élèves belges, dont il a comparé les résultats aux tests internationaux Pisa, selon qu'ils fréquentent une école du réseau libre (privé) ou officiel (public). Et selon lui, la comparaison donne un net avantage au libre, qui fait mieux dans toutes les matières évaluées, à savoir les mathématiques, la lecture et les sciences.
Pisa, rappelons-le, c'est ce programme qui évalue tous les trois ans depuis 2000 les acquis d'élèves de 15 ans, dans une soixantaine de pays membres de l'OCDE et associés. Le troisième cycle d'évaluation a eu lieu en 2006 et les résultats diffusés l'an dernier. Comme les fois précédentes, les performances des jeunes francophones étaient inférieures à la moyenne européenne, alors que leurs condisciples flamands flirtent avec le haut du classement.
Une analyse plus fine montre cependant, dans toutes les matières, des différences significatives entre les élèves selon le réseau qu'ils fréquentent. L'écart est flagrant en Flandre, moins creusé mais net en Communauté française. Pour permettre les comparaisons internationales, les résultats Pisa s'expriment en scores standardisés par rapport à une moyenne de 500, avec un écart type de 100. En Flandre, l'écart entre le public et le privé va de 52 points en sciences à 59 points en maths. C'est énorme, rapporté à la moyenne. Côté francophone, la différence oscille entre 11,6 (maths) et 19,5 points (lecture). Ce n'est pas rien, surtout si l'on sait que la performance moyenne est inférieure à celle de Flandre (voir tableau ci-dessous).
Une façon de dire tout haut, chiffres à l'appui, ce que certains pensent tout bas : « L'enseignement libre est meilleur que l'officiel ! » Et un pavé dans notre système, dont les eaux étaient restées assez tranquilles depuis la signature du Pacte scolaire en 1958. Les ministres de l'Education qui se sont succédé ces dernières années, de tous bords politiques, se sont toujours gardés de ranimer la flamme de la concurrence entre les réseaux.
Pourtant des comparaisons similaires existaient déjà, même si elles sont restées confidentielles. Parmi les différentes variables étudiées, Pisa classe notamment les répondants selon le réseau public ou privé auquel ils appartiennent. Et les chercheurs de l'Université de Liège chargés de coordonner les enquêtes chez nous le font également. A l'issue des tests de maths en 2003, l'équipe du Pr Dominique Lafontaine avait décelé un écart de 31,5 points entre le score moyen des élèves du libre (516) et de l'officiel (484,5).
Significatif ? Non, selon les spécialistes liégeois. Car la différence disparaît si l'on intègre la variable socioéconomique dans le calcul. Autrement dit, les meilleurs résultats du libre peuvent s'expliquer par le seul fait qu'il recrute des élèves issus de milieux plus favorisés. « Ce n'est pas par hasard s'il y a plus d'établissements en discrimination positive dans l'officiel », lâche un interlocuteur au cabinet du ministre de l'Enseignement Christian Dupont (PS). C'est pour faire évoluer cette situation qu'est né le décret inscriptions, qui entend renforcer la mixité sociale dans les écoles.
Destexhe, lui, balaie ces arguments. « Les profils socioéconomiques des élèves, potentiellement différents selon les réseaux, n'expliquent pas les différences de résultats. » Car si l'on compare les scores des élèves de la catégorie la plus représentée dans l'échantillon, à savoir ceux d'origine belge dont les parents ont un diplôme du secondaire ou du supérieur, l'écart reste important : entre 20 et 27 points en maths, entre 20 et 32 en lecture, 21 à 30 en sciences. En faveur du privé.
D'ailleurs les représentants du libre, qui disposent de leurs propres analyses, ne semblent pas trouver farfelue celle de Destexhe. « Notre réseau scolarise 60 % de la population du secondaire en Communauté française et près de 80 % en Flandre, précise-t-on. Il serait illusoire de penser qu'il ne regroupe que les meilleurs élèves. » D'autres chiffres peuvent accréditer la thèse du meilleur niveau du libre : les taux de redoublement y sont moins élevés que dans le réseau public.
On ne mettra donc pas tout le monde d'accord, qui en doutait ? Reste que les écarts existent. Comment les expliquer ? Pour Alain Destexhe, c'est l'organisation des réseaux qui est en cause. « Historiquement, le libre s'est organisé sur une base décentralisée, avec une grande autonomie des écoles ou des nombreux pouvoirs organisateurs. Alors que l'enseignement officiel, divisé en plusieurs réseaux, est soumis à des règles contraignantes. » Notamment en matière de recrutement des enseignants : l'autonomie du libre est beaucoup plus grande. « Dans le réseau de la Communauté française, où des professeurs attendent parfois 10, 15 ou 20 ans avant d'être nommés, c'est une cellule de 10 personnes au cabinet du ministre qui gère tous les recrutements et affectations, assène le sénateur. Et dans le réseau communal et provincial, politisation et favoritisme jouent un grand rôle. »
Pour Alain Destexhe, au lieu de « soumettre l'enseignement libre à des contraintes croissantes qui grignotent peu à peu son autonomie », il faudrait faire le contraire : accroître celle des athénées publics, « dans l'organisation de l'école et dans le choix des professeurs ». Il propose de mener des expériences-pilotes dans quelques établissements, tout en réalisant une étude poussée sur l'impact de l'autonomie des écoles comme facteur de réussite.
Une idée que le ministre Dupont pourrait ne pas rejeter d'emblée : interrogé mardi sur les (mauvais) résultats des évaluations externes en maths (Le Soir de mardi), il a dit au Parlement ne pas être opposé à l'idée d'une autonomie accrue « si elle est au service d'une plus grande cohérence de notre système éducatif ». Mais sûrement pas au bénéfice de la concurrence entre les réseaux.

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