La Serbie entre l'honneur perdu et l'UE
Christophe Lamfalussy
Mis en ligne le 10/05/2008
Des législatives cruciales ont lieu dimanche en Serbie. Les électeurs vont-ils se replier sur eux-mêmes ou parier sur l'Europe qui a reconnu le Kosovo ? Vojislav Kostunica pourrait à nouveau jouer le rôle du troisième homme.
A cause de la crise ouverte par la déclaration d'indépendance du Kosovo en février, la Serbie se retrouve à nouveau à la croisée des chemins, ce dimanche, à l'occasion de législatives cruciales pour le pays et pour l'ensemble de la région.
Une partie de la Serbie - qui s'est toujours considérée même sous Milosevic comme ayant à jouer un rôle européen - tourne le dos à cette Europe qui a reconnu, par dix-neuf Etats sur 27, l'indépendance du Kosovo. Elle penche pour des liens avec d'autres grandes puissances, dont la Russie et la Chine.
L'autre espère de l'Union européenne qu'elle sortira le pays du marasme et offrira aux jeunes Serbes des emplois et un peu de liberté financière. Elle n'appuie pas pour autant l'indépendance du Kosovo.
Deux hommes symbolisent cet affrontement très caricatural. Tomislav Nikolic, 56 ans, le chef du parti radical (SRS) symbolise la voie nationaliste et l'ouverture aux pays non-européens. Boris Tadic, 50 ans, le président serbe, emmène le camp des proeuropéens, à la tête du Parti démocrate (DS). Cent dix mille voix seulement séparaient les deux hommes au second tour des présidentielles de février qui donna un léger avantage à Tadic.
Mais c'était avant la reconnaissance du Kosovo. Et depuis, une véritable campagne antieuropéenne s'est enclenchée en Serbie, s'opposant au déploiement d'Eulex au Kosovo et, surtout, à la signature précipitée par Boris Tadic d'un préaccord de stabilité et d'association (Asa) avec l'Union, le 29 avril à Luxembourg.
Depuis cette signature, Tadic a reçu des menaces de mort. Des affiches placardées l'accusent d'être un "traître à la patrie". "C'est une nouvelle chasse aux sorcières, similaire à l'époque Milosevic, quand les opposants politiques pouvaient recevoir une balle dans la tête", a dénoncé le ministre de la Défense et responsable du parti de Tadic, Dragan Sutanovac.
Une partie serrée
Selon les sondages, la partie est à nouveau serrée ente les deux courants. Pour Strategic Marketing, Nikolic obtiendrait 33,2 pc des intentions de votre contre 31,5 pc à l'alliance conduite par le président Tadic. Plus de 6,7 millions de Serbes sont appelés à voter dans ces élections qui seront aussi municipales. Ce sera le dernier scrutin avant plusieurs années - sauf crise.
Dans ce jeu, le Premier ministre sortant Vojislav Kostunica, 64 ans, joue à nouveau le rôle d'outsider. Sa formation, le Parti démocratique de Serbie (DSS), est créditée de 13,8 pc des voix, ce qui donnerait à nouveau la possibilité à ce parti de plus en plus populiste et antiaméricain de participer à un gouvernement de coalition. Kostunica a fait campagne contre la signature par Tadic de l'accord avec l'UE. Il estime que cette "trahison" revient à accepter de facto l'indépendance du Kosovo, ce qui est faux, puisque la reconnaissance du Kosovo est un acte bilatéral. Seuls 39 pays au monde ont reconnu la souveraineté kosovare. Parmi eux figurent Nauru et le Liechtenstein... mais pas l'Inde, la Russie ou la Chine.
Des visas gratuits
Les diplomates européens ont déployé des trésors d'imagination pour consolider les chances de Boris Tadic. Il y a eu tout d'abord la signature sous conditions de l'accord à Luxembourg. Ensuite dix-sept pays européens (mais pas la Belgique) ont décidé d'offrir la gratuité des visas aux Serbes dans l'espoir que cette mesure donne une meilleure image de l'Europe aux jeunes électeurs. Pour le moment, un visa européen coûte cher - 35 euros pièce - et les files sont longues.
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