14 mai 2008

La pression monte sur le salaire des patrons

Les gouvernements de la zone euro se voient aujourd'hui contraints à monter au créneau sur ce sujet s'ils veulent que leurs appels répétés à la modération salariale en direction des Européens aient une quelconque chance d'être entendus.
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La polémique enfle en Europe autour du montant des rémunérations des dirigeants d'entreprise, poussant les gouvernements à envisager une action concertée pour les encadrer, au moment où les salariés voient, eux, leur pouvoir d'achat rogné par l'inflation élevée.
Dans une sortie inhabituellement dure, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a qualifié de "proprement scandaleux" les "dérapages" de certains salaires de patrons, à l'issue d'une réunion mardi soir avec ses collègues à Bruxelles. Parlant d'un véritable "fléau social", il a annoncé que les pays européens examineraient des mesures à prendre "pour lutter contre ces excès". En tête de liste: une taxation des primes de départ versées sous différentes formes aux dirigeants, telles que les "golden parachute" (parachute doré). En règle générale, ces primes sont aujourd'hui faiblement ou pas imposées du tout.
Il y a quatre ans, la Commission européenne avait lancé une première initiative sur ce terrain, restée toutefois largement sans effet.
A ce jour, seuls quelques pays de la zone euro ont pris des mesures fiscales en ce sens. Il s'agit en particulier des Pays-Bas, dont le gouvernement veut taxer les parachutes dorés à hauteur de 30% pour les personnes dont le salaire annuel dépasse les 500.000 euros, à condition que la prime soit supérieure au salaire annuel. Un projet en ce sens a été transmis mardi à la chambre basse du parlement, où il devrait être adopté sans difficulté, compte tenu de la controverse que le sujet suscite dans ce pays.
En France, les députés ont aussi adopté à l'automne 2007 des mesures pour encadrer les parachutés dorés en plafonnant à un million d'euros les avantages fiscaux accordés aux entreprises, déductibles du bénéfice imposable. De même, la législation sur les stock options a été durcie. Le chef de l'Etat Nicolas Sarkozy réclame de manière récurrente une moralisation du capitalisme et a dans le passé fustigé les parachutes dorés accordés aux chefs d'entreprise non performants.
"Ce que nous combattons, c'est l'obscurité dans laquelle parfois ces rémunérations sont consenties. Nous souhaitons que se pratique dans nos pays la transparence, pour que les acteurs prennent leurs responsabilités", a souligné mercredi à Bruxelles la ministre française de l'Economie Christine Lagarde. C'est sans doute en Allemagne que la polémique est la plus intense. Le président Horst Köhler a reproché aux patrons de mettre en danger la "cohésion sociale" en s'accordant des rémunérations faramineuses.
Les salaires du directoire du groupe Daimler, par exemple, ont bondi de plus de 45% l'an dernier, année pourtant du divorce entre le constructeur automobile allemand et l'américain Chrysler. Dans le même temps, le pouvoir d'achat des salariés allemands s'est érodé de 3,7% depuis 2003 du fait de l'inflation et de la faible progression des salaires, selon une récente étude. Le ressentiment des salariés est d'autant plus grand dans ce pays que la classe moyenne s'atrophie et que les chefs d'entreprises rejettent l'instauration d'un salaire minimum national.
Les gouvernements de la zone euro se voient aujourd'hui contraints à monter au créneau sur ce sujet s'ils veulent que leurs appels répétés à la modération salariale en direction des Européens -pour éviter d'alimenter encore plus l'inflation- aient une quelconque chance d'être entendus. "Nous courons le risque de ne plus être compris par nos concitoyens", a reconnu M. Juncker.

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