Le rapporteur du Conseil de l’Europe sur la situation des trois bourgmestres non-nommés de la périphérie bruxelloise, a relevé cinq « manquements » à la Charte européenne de l’autonomie locale, devant le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, à Strasbourg.
Les rapporteurs du Conseil de l’Europe lors de leur passage en Belgique, les 13 et 14 mai.
Michel Guégan, le rapporteur du Conseil de l’Europe sur la situation des trois bourgmestres non-nommés de la périphérie bruxelloise, a relevé dans ce dossier cinq « manquements » à la Charte européenne de l’autonomie locale, mardi à l’ouverture de la 15e session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, à Strasbourg. Comme il l’avait déjà fait à l’issue de sa mission menée en Belgique les 13 et 14 mai derniers, M. Guégan a pointé du doigt le délai déraisonnable de l’absence de bourgmestre nommé dans ces trois communes, qui « entrave la bonne marche de la gestion de la commune ». Il a également stigmatisé l’obligation de parler le néerlandais au Conseil communal de ces communes à majorité francophone, au motif qu’elle ne serait pas « de nature à encourager la participation à la vie politique locale ».
M. Guégan a par ailleurs souligné la « disproportion » existant à son estime entre les infractions reprochées aux bourgmestres et la sanction qui en découle, mais aussi la « tutelle forte » qu’exerce l’autorité régionale flamande sur ces communes et qui, à ses yeux, « frôle une ingérence du pouvoir exécutif ».
Il a enfin critiqué l’absence de ratification par la Belgique de la convention-cadre sur la protection des minorités, contrairement à ses engagements.
Le Bureau du Congrès a transmis lundi à la Commission institutionnelle de cette institution les éléments du rapport Guégan. La Commission décidera par la suite de rédiger une recommandation au Comité des ministres, d’ouvrir une procédure de monitoring sur la Belgique, « ou les deux », a indiqué M. Guégan.
Paraissant soucieux d’affirmer sa légitimité dans un contexte belge qu’il a qualifié lui-même de « sensible et délicat », le rapporteur a souligné que le respect de la Charte de l’autonomie locale avait été « notre seul objectif durant notre mission ».
Michel Guégan s’était rendu les 13 et 14 mai derniers en périphérie bruxelloise pour « clarifier la situation » des communes à facilités de Linkebeek, Crainhem et Wezembeek-Oppem, dont le ministre flamand Marino Keulen (Open Vld) refuse de nommer les bourgmestres au motif qu’ils ont envoyé des convocations électorales en français et autorisé des Conseillers communaux à parler français au Conseil communal.
Evoquant l’absence de recours des trois bourgmestres devant le Conseil d’Etat, M. Guégan a relevé qu’ils avaient entrepris une dernière tentative auprès de M. Keulen afin d’être nommés. Mais il leur recommande, en cas de nouveau refus ministériel, d’intenter un recours devant cette juridiction.
La réticence des trois bourgmestres à lancer une telle procédure est liée au fait que ce recours serait traité devant la seule chambre flamande.
Dans une allusion à cet élément, M. Guégan a souligné l’importance selon lui qu’il existe en Belgique à ce niveau un organe judiciaire « indépendant et impartial », dont la composition des chambres refléterait l’équilibre des communautés.
Beste vrienden, et si vous arrêtiez ?
Alors que le conseil communal de Zaventem a donné son feu vert à la vente de 61 lots notamment sur la base de l’usage du néerlandais, défiant ainsi les instances internationales, l’édito du Soir interroge : « Beste vrienden, et si vous arrêtiez ? ».
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Beste vrienden, chers amis : et si vous arrêtiez ?
Ceci n’est pas une sommation. Ceci est un souhait. « Amis flamands, arrêtez. Arrêtez de prétendre que vous êtes victimes d’une conspiration internationale ourdie par les francophones. Et arrêtez de vous cacher derrière ce faux nez pour justifier des politiques, des stratégies, des règlements, des circulaires, que vous auriez dénoncés, il n’y a pas si longtemps, s’ils avaient cours dans tout autre pays. » Parce qu’ils équivalent à de l’épuration linguistique.
Chers amis flamands, beste vrienden, nous, francophones, « demandeurs de rien » – on veut dire : « pas demandeurs d’une confrontation, d’un bras de fer, d’un assaut » – demandons donc, quand même, quelque chose. Regardez-vous. Comparez-vous à la Ligue du nord, aux Albanais du Kosovo aujourd’hui, aux Serbes hier, à tous ces peuples sombrés dans la folie, prétendument au nom de l’Histoire. Regardez-vous. Relisez vos éditoriaux, quotidiens, dans vos grands journaux, fondant jusque sur un crash d’avion pour réclamer la scission, la surrégionalisation, la séparation, le chacun pour soi, le chacun chez soi. Reniflez le climat de plus en plus poisseux que vous imposez sur vos terres. Voyez les miradors et les barbelés que vous dressez autour de vos nombrils. Refaites vos comptes électoraux : l’écrasante majorité a voté pour des programmes de repli, des projets de défrancophonisation,
des déclarations de guerre,
des promesses de guérillas,
des scénarios d’encerclement… Reconnaissez que personne, ici ou ailleurs, ne veut empêcher qu’on parle flamand en Flandre mais qu’y utiliser aussi, parfois, une autre langue, n’est pas un crime.
Donc, de deux choses l’une. Ou vous restez englués dans ce comportement finalement propre à tous les nouveaux riches et vous finirez bien par atteindre votre nirvana : vivre/acheter/bâtir chez vous. Sans nous. Ou vous reconnaissez que le bien-être auquel aspire n’importe qui, n’importe où, n’a que faire de diktats linguistiques ou communautaires et on peut enfin cesser de se crêper le chignon.
Dans les deux cas, arrêtez de hurler à la persécution. Vous mentez, vous le savez et vous savez que nous le savons.
Dus, merci, beste vrienden.
L’Europe surveille la Flandre de près
L’Europe surveille la Flandre de près. Mais Zaventem ne se soucie guère des inquiétudes européennes et réserve ses terrains à ceux qui parlent le néerlandais.
L'EDITO : Beste vrienden, chers amis : et si vous arrêtiez ?
L’inquiétude de la Commission européenne, exprimée, voici quelques jours à peine, n’y a rien fait. Lundi, Zaventem a appliqué pour la première fois son règlement soumettant l’acquisition de terrains communaux à un ensemble de conditions parmi lesquelles la connaissance suffisante du néerlandais.
La vente des 61 lots, entérinée majorité (flamande) contre opposition (francophone), et en présence de militants du TAK, a aussitôt attisé le feu communautaire et redirigé l’attention, à l’étranger, sur nos déchirements.
1Le texte par lequel le fossé se creuse (encore plus). Adopté en 2006, le règlement donne priorité, lors de la vente de terrains communaux, aux candidats non-propriétaires, ayant de préférence un lien (via le domicile ou le travail) avec Zaventem, jeunes (moins de 35 ans), maîtrisant le néerlandais (test de langue faisant foi) ou s’engageant à l’apprendre.
Le président du FDF, Olivier Maingain, y voit le signe que « la Flandre est dans une logique où elle n’a plus de comptes à rendre à personne. Ce n’est plus un problème de communauté à communauté mais de principes démocratiques en Europe ». Au CDH, on dénonce « d’intolérables dénis d’égalité de traitement et de démocratie ». Eric Van Rompuy, échevin CD&V de Zaventem, réfute : « Nous avons beaucoup d’éléments pour nous défendre des accusations de discrimination. »
2Pourquoi l’Europe s’en mêle-t-elle ? C’est Christian Van Eyken, député flamand (FDF), qui a soumis aux instances européennes un texte qu’il juge « discriminatoire ». Le 16 mai, la Commission européenne fait part à la Belgique de ses « interrogations quant à l’obligation d’apprendre le néerlandais ou d’habiter voire travailler à Zaventem avant d’acheter un terrain ».
« Nous nous demandons si ces dispositions sont compatibles avec l’article 12 du Traité de l’Union, qui interdit toute discrimination sur la base de la nationalité », précise le porte-parole de Jacques Barrot, commissaire en charge de la Justice et des Libertés. Qui ajoute : « La jurisprudence de la Cour de Justice sanctionne la discrimination directe mais aussi la discrimination indirecte, basée sur d’autres critères mais ayant les mêmes conséquences. Or, c’est clairement le cas des critères linguistiques ou de résidence : ils risquent de désavantager les ressortissants des autres États membres ».
La Commission attend donc des explications. Ce que le bourgmestre de Zaventem s’emploie à faire. « Ma réponse, juridiquement argumentée, sera envoyée dans les prochains jours au ministre Keulen. » Déjà sous les feux de la critique (onusienne celle-là) pour son Code du logement, le ministre flamand de l’Intérieur ne devrait cette fois pas être inquiété. « Nous nous contenterons de transmettre la réponse de Zaventem à l’Europe. »
Celle-ci est attendue pour la mi-juin. « Ce n’est qu’alors que nous déciderons si nous entamons des poursuites », commente-t-on à la Commission. Lesquelles pourraient prendre la forme d’une action devant la Cour européenne de justice. À noter que, si sanction il devait y avoir, elle frapperait la Belgique. Un nouveau problème pour le gouvernement Leterme ? Officiellement, le sujet n’y a pas encore été évoqué.
3En Belgique, point de recours ? Voté il y a plus de 60 jours, le règlement ne peut plus être contesté au Conseil d’État. « Mais tout citoyen ayant un intérêt potentiel, donc habitant Zaventem, pourrait contester les actes posés en vertu de ce règlement au Conseil d’État », estime Frédéric Gosselin, spécialiste en droit public. Seul hic : la procédure se déroulerait devant les chambres flamandes, peu connues pour leur impartialité linguistique. Autre possibilité : la voie judiciaire, un juge pouvant condamner la commune.
Nouveau hic : l’affaire serait jugée en néerlandais, avec les mêmes réserves.
Resterait alors la plainte pour discrimination linguistique… Ici, Kafka reprend ses droits : il faut, pour juger du caractère discriminatoire d’une parole ou d’un acte, une instance compétente. Tel le Centre pour l’égalité des chances en matière de handicap, d’orientation sexuelle, d’âge, etc. Or ni le gouvernement précédent ni l’actuel n’ont créé ledit organe pour les questions linguistiques. Voilà pourquoi il est bien difficile de plaider la discrimination linguistique au Royaume.
Pour tenter de remédier à cette lacune, Olivier Maingain (FDF) déposera sous peu une proposition de loi suggérant que la Commission permanente de contrôle linguistique assume ce rôle.
D’ici là, c’est donc l’Europe ou, à défaut, les Nations unies qui se chargeront de veiller au respect de quelques valeurs élémentaires.
À propos : Vilvorde vient de se doter du même règlement…