Une administration wallonne moins politisée
Le Parlement wallon politisé de la cave au greffier
Une note confidentielle détaille les quotas de fonctionnaires attribués à chaque parti de l'assemblée wallonne. « Le Soir » en a pris connaissance. Edifiant !
Entre les grands discours tenus par la majorité PS-CDH sur l'éthique, la dépolitisation, la transparence ou l'objectivation des recrutements et la réalité, il y a un gouffre.
Il suffit de lire le courrier classé « confidentiel » envoyé le 18 juillet dernier par le greffier du Parlement wallon aux membres de son bureau, composé de neuf députés jouant, en quelque sorte, le rôle d'administrateurs du Parlement. Il y est question des emplois déclarés vacants au sein de la vénérable institution. On y apprend qu'un poste d'attaché est à pourvoir. « Présentation par le groupe PS », précise le courrier. Un rédacteur, aussi : « Présentation par le groupe CDH ». Un conseiller adjoint : « Présentation par le groupe CDH ». C'est écrit, noir sur blanc !
Seule exception à la règle : le développeur informaticien qui sera, comme la responsable du service l'avait été en son temps, recruté « hors quotas politiques ».
Interrogé en juin 2006 après la révélation, par Le Soir, de la présence de nombreux « fils, filles et mamans de » au sein des membres du personnel du Parlement, mais aussi à propos de l'absence d'appel public ou d'examen de recrutement, José Happart (PS), président, répondait : « Il faudra qu'on me prouve qu'un appel à candidatures améliorerait le fonctionnement du Parlement. On ne me l'a pas encore prouvé. »
La divulgation de nominations très largement politiques avait créé un petit émoi dans le microcosme parlementaire wallon. Mais les choses n'ont pas changé. Au contraire, prouve le courrier du greffier.
Pour leur défense, les membres du bureau ont un argument « en béton armé ». La loi spéciale du 8 août 1980 (article 46, alinéa 2) précise que le bureau « nomme les membres du personnel du Parlement à l'exception du greffier ». Article repris in extenso dans le règlement d'ordre intérieur du Parlement wallon (article 6 alinéas 3).
« En béton armé » ? Seule l'institution wallonne se retranche derrière cette procédure aux accents antédiluviens. A la Chambre et au Sénat, tous les emplois sont annoncés au Moniteur, et font l'objet d'un examen. A la Communauté française, il y a publication au Moniteur et examen devant un jury. A Bruxelles, le recrutement passe depuis cinq ans par le Selor (bureau de sélection dépendant du fédéral) avec appels publics. Et au Parlement flamand, ce sont des bureaux de sélection privés qui organisent les épreuves, les postes étant attribués en fonction du classement établi à partir des résultats des candidats
En Wallonie, la théorie des quotas (points attribués à chaque groupe politique démocratique en fonction de sa représentativité) reste seule de mise (lire ci-dessous). Quotas revus après chaque élection, évidemment
La note de ce 18 juillet est éclairante. Elle dresse la liste des emplois et le nombre de points utilisés par chaque groupe politique : 38 emplois attribués au PS ; 22 au MR ; 19 au CDH et 16 à Ecolo (sous l'ancienne législature, les verts n'étant plus, avec leurs trois députés actuels, considérés comme un groupe politique). Le solde des points est aussi calculé : à ce petit jeu c'est le PS qui arrive en tête. Il lui reste 14,29 points à exploiter (à titre d'exemple, un poste de conseiller, le plus haut grade en dehors des postes de directeurs, équivaut à 4 points), loin devant le MR et le CDH.
Comment les partis entrent-ils en piste ? Quel poste choisir ? « C'est un grand jeu de Stratego », explique ce député de la majorité. En dehors du PS, qui a le choix, vu son quota de points disponibles, il est politiquement plus intéressant pour les autres d'engager un conseiller ou un attaché qu'un commis, un huissier ou un chauffeur.
L'objectif étant, on l'imagine, de tisser, au sein de l'institution, un réseau le plus large possible d'obligés – compétents mais étiquetés. Un réseau qui s'étend jusqu'au recrutement du futur greffier, poste réclamé par le PS. Jusqu'ici sans appel public et sans examen, José Happart ayant rappelé que le choix était de la seule compétence du bureau, chargé de faire ensuite une proposition au Parlement Vous avez dit « opacité » ?Dans un mois on connaîtra les candidats à 26 postes de haut fonctionnaire ouverts dans l'administration wallonne. L'appel à candidature à en effet été ouvert ce 31 août et se clôturera fin du mois. C'est théoriquement une procédure objective qui s'ouvre ainsi pour le renouvellement de postes importants, le gouvernement wallon y voyant une de ses avancées en matière de recrutement "dépolitisés"...
REPÈRES
Membres du bureau. Pour le PS : José Happart, Charles Janssens, Jean-Claude Van Cauwenberghe, Paul Ficheroulle et Paul Furlan. Pour le CDH : Michel Lebrun et René Thissen. Pour le MR : Véronique Cornet et Jean-Pierre Dardenne. Le greffier est Jean-Claude Damseaux.
Cadre. L'administration du Parlement emploie actuellement 97 personnes.
Echelle de valeurs. A chaque fonction sont attribués un certain nombre de points. L'échelle de valeurs a été arrêtée par le bureau du Conseil régional wallon, en novembre 1980 puis en janvier 1981. Exemples : un conseiller représente quatre points ; un attaché ou un documentaliste, trois points ; une secrétaire ou un rédacteur, deux points ; un chauffeur ou un huissier, un point.
Répartition. Chaque parti reçoit un certain nombre de points. La formule : 176, multiplié par le nombre de députés élus par parti, divisé par 75 (le nombre total de députés wallons). Ce qui donne, pour cette législature : le PS remporte 79,79 points ; suivent le CDH (32,85) et le MR (46,93). Ecolo, avec ses trois élus, n'est plus considéré comme groupe politique.
La Wallonie mérite d'autres pratiques
On éprouve une certaine sympathie pour Astérix et ses amis, du moins dans les albums scénarisés par le génialissime Goscinny.
Leur obstination à résister à l'envahisseur romain a quelque chose de délicieux. D'autant que, dans le choix des armes, ils font souvent preuve de beaucoup d'humour et de détachement.
Le problème avec la question du recrutement du personnel du Parlement wallon, c'est que le côté « résistant au changement » est exaspérant, voire inconvenant.
En tout cas, intellectuellement insupportable et injustifiable.
PS et CDH (et plus largement l'ensemble de la classe politique) doivent comprendre qu'ils ne peuvent plus passer leur temps à essayer de faire croire que la dépolitisation et la transparence sont désormais les deux piliers du redressement wallon, et dans le même temps – dès qu'il s'agit de leurs petits privilèges – à se refermer comme des huîtres en version Ielosubmarine, l'épouse du marchand de poissons.
La Wallonie du XXIe siècle, celle qui rêve de devenir l'égale de ces régions qui ont connu, comme l'Irlande ou la Catalogne, un redéploiement économique impressionnant, doit se débarrasser de ses scories. Mettre fin sans ambiguïté à ce qui la gangrène encore : le clientélisme.
A moins, évidemment, que les parlementaires wallons, dans un dernier sursaut d'orgueil très mal placé, ne décident de se rallier aux garnisons romaines.
Dans ce cas de figure, on leur suggère le camp retranché de Petibonum. Il devrait les accueillir Abraracourcix.
Delwit : « La logique clientéliste »
ENTRETIEN
Directeur du Cevipol (Centre d’étude de la vie politique), à l’ULB, Pascal Delwit analyse la politique de recrutement du Parlement wallon et la met, entre autres, en perspective avec la procédure suivie dans les autres assemblées parlementaires belges.
Le mode de recrutement du personnel du Parlement wallon n’est-elle pas une pratique politique d’un autre âge ?
Qu’éventuellement à compétence égale, il y ait une diversité sociale, philosophique ou politique, ça peut se discuter, même si ce débat ne s’impose pas comme une évidence. Mais le problème ici, c’est qu’il n’y a pas de procédure qui objective, a priori, les compétences des personnes qui sont proposées. Ce qui ne veut évidemment pas dire que les personnes recrutées sont incompétentes.
Le Parlement se retranche derrière la loi de 1980 pour justifier son attitude…
C’est vrai que la pratique n’est pas illégale… mais elle n’est pas optimale ! Ce n’est pas parce qu’une loi permet quelque chose qu’on ne peut pas organiser les choses de manière différente. La preuve, c’est que les autres assemblées parlementaires ont choisi d’autres procédures qui ont un double avantage : elles objectivent les compétences des personnes engagées et elles enlèvent tout soupçon de favoritisme politique. La configuration actuelle du Parlement wallon ne peut qu’amener à la problématique du clientélisme et du favoritisme.
Le recrutement via le Selor est-il la voie à suivre ?
C’est une des voies possibles, peut-être la plus optimale, tant sur le plan de la validation des compétences des candidats potentiels que sur le plan politique. Il ne faut pas oublier que le Selor est l’organisme officiel de sélection pour la fonction publique.
Les détracteurs du Selor disent qu’il ne permet pas d’éviter les nominations politiques ?
Le mieux, dit-on, est parfois l’ennemi du bien. C’est le genre d’observation que l’on peut faire dans n’importe quel milieu professionnel. Si on avait déjà cette étape de validation des compétences, on franchirait un pas supplémentaire. Quitte ensuite, à juger de son effet, vertueux… ou non.
Le Parlement est souverain dans son mode de fonctionnement. Qu’est-ce qui pourrait le contraindre à changer de méthode ?
A priori pas grand-chose. Mais l’élément fondamental, me semble-t-il, c’est le manque de crédibilité et de légitimité de sa procédure actuelle. Ce n’est pas la première fois que des observateurs et des médias critiquent, à juste titre, cette procédure de recrutement. Ces interpellations répétitives ne contribuent pas à légitimer cette institution qui est encore relativement jeune. À la limite, je dirais même que ce n’est pas le problème de la politisation qui est le plus important, mais bien la logique clientéliste qui est sous-jacente. Elle jette un doute sur les compétences des personnes engagées. Un doute qui est peut-être injustifié.
Les mandataires sur les bancs du Selor
Une certitude, la séparation des pouvoirs est effective en Wallonie. À la procédure pour le moins opaque de recrutement des fonctionnaires du Parlement (pouvoir législatif), le gouvernement (exécutif) oppose la sélection de ses hauts fonctionnaires par le très sérieux Selor, bureau de recrutement fédéral.
L’annonce est parue dans les journaux il y a peu. Les candidats aux 25 postes de directeurs généraux, d’administrateurs généraux des organismes d’intérêt public (Forem, Société wallonne du logement, Agence wallonne à l’exportation…) et celui au poste de secrétaire général de l’administration de la Région wallonne (rangs A 1 et A 2) sont appelés à envoyer leur lettre de candidature au Selor pour le 1er octobre au plus tard.
C’est une première dans l’histoire de la Région. Et elle était attendue depuis que la législature arc-en-ciel (1999-2004) avait décidé, lors de la réforme du Code de la fonction publique, d’objectiver les nominations au sein de l’administration.
Une longue attente, sans doute, mais qui doit être mise en double perspective. D’une part, le changement de majorité à la mi-2004 (PS-CDH) et, d’autre part, le projet, annoncé par Philippe Courard (PS), successeur de Charles Michel (MR) à la Fonction publique, de fusionner les deux grandes administrations wallonnes (ministère wallon de l’Équipement et des Transports et ministère de la Région wallonne) en une seule.
Une fusion qui, si elle n’a pas encore été effective, est néanmoins en marche. Des groupes de travail se réunissent depuis plusieurs semaines, des réunions avec les syndicats ont lieu, le cadastre du personnel et celui des bâtiments sont déjà réalisés.
Cette grande œuvre à laquelle rêve Courard devrait permettre à la Région de faire l’économie d’un secrétaire général et de quatre directeurs généraux. Quand ? En principe, dans le courant 2008. Début ou fin ? Au cabinet du ministre de la Fonction publique on ne se hasarde plus à bétonner une date. On sait trop que les susceptibilités au sein de l’administration sont toujours très grandes. Il vaut dès lors mieux se montrer prudent. D’autant plus prudent que les élections 2009 sont pour demain. Et que la rentrée parlementaire (fixée à la mi-septembre) sera synonyme d’entrée en campagne.
Pas de clé de répartition
D’ici là (et un éventuel changement de majorité auquel rêve le MR), les hauts fonctionnaires seront en place. Nommés, in fine par le gouvernement sur la base d’une liste (cinq candidats par poste) transmise par le Selor.
Les mauvaises langues, et elles sont nombreuses, crient déjà au loup estimant que cette procédure n’objectivera rien. Argument ? Les dérapages constatés lors de la réforme Copernic au fédéral qui devait pourtant transformer l’image de l’administration. PS et CDH assurent de leur côté que la procédure sera, jusqu’au bout, totalement transparente : « Il n’y a aucun accord politique, aucune clé de répartition prédéterminée. » La règle du 2/3 – 1/3 aurait ainsi été effacée. À confirmer, bien sûr.
Source:Info-radio - 3 sep 2007 14:40
Ce sont 26 postes importants dans l'administration wallonne ou à la tête de quelques "para-régionaux" qui sont ouverts. Pour ceux-ci, par exemple, on désignera le nouveau patron (pour cinq ans) de l'Agence wallonne à l'exportation (l'Awex), de celle pour l'intégration des personnes handicapées (la désormais célèbre Awiph) ou encore de la Société wallonne du logement.
Les 26 postes seront-ils occupés par de nouvelles personnes ? Pas nécessairement, le patron sortant pouvant se porter à nouveau candidat. Mais celui-ci devra alors se plier à la nouvelle procédure, imposée par le gouvernement wallon, soit passer par le Selor, le très officiel bureau de sélection des administrations. C'est celui-ci qui organisera les tests de compétences avant qu'un comité de sélection, sur bases de ces tests et d'un entretien, retienne de un à cinq candidats pour chaque poste. Un double filtre qui, malgré un choix final (parmi les candidats retenus) opéré par le gouvernement wallon, permet à celui-ci d'affirmer que le temps est désormais révolu des nominations exclusivement politiques. Jusqu'en 2004, avec des procédures internes à l'administration, c'était largement le cas. Désormais, mais on jugera sur pièce, les compétences et motivations seront mieux prises en compte.
Les candidats, qui doivent faire valoir d'une expérience de gestion à haut niveau de huit ans au moins, ont un mois pour se déclarer...
1 commentaire:
N'oubliez pas la femme de Charles Michel à la Province de Brabant Wallon, la soeur de Didier Reynders à la justice de Liège (d'abord recalée puis nommé à l'intervention du grand-frère,...)
Seule la soeur de Bart De Wever ne participe pas au casting...
Enregistrer un commentaire