23 juillet 2007

Vraie note et fausse note du formateur

Les négociations entre oranges et bleus débuteront mardi, a annoncé Yves Leterme dimanche soir.C'est pour une autre raison que le formateur a fait sensation ce week-end.On lui parlait Brabançonne, il entonna la Marseillaise...

Ça y est. Les choses sérieuses ont commencé. Dès dimanche soir, et pour la première fois ensemble, les présidents de partis de la potentielle majorité orange-bleue ont été convoqués à Val Duchesse. Yves Leterme leur a présenté sa note de formateur, soit une base (à la fois socio-économique et institutionnelle, semble-t-il) pour entamer de vraies négociations. Celles-ci débuteront mardi, à 9h30. D'ici là, le formateur enregistrera, individuellement, les premières réactions des partis.
L'invitation d'hier soir n'était prévue que pour ce lundi. La note annoncée pour le milieu de cette semaine a-t-elle été bouclée plus vite qu'escompté ? Ou était-ce, pour le formateur, une manière de vouloir détourner l'attention sur ce qui s'est avéré être, le 21 juillet, une gaffe chantante ?
Allons-z'-enfants
Tout à la rédaction de sa note, M. Leterme ne s'était donné pour seule pause du week-end que le Te Deum de samedi midi. Elle ne sera pas passée inaperçue...
Comme le journaliste ertébéen Christophe Deborsu l'interroge, aux marches de la cathédrale, sur ses connaissances "nationales", il ne sait pas d'abord, comme bien d'autres, préciser que le 21 juillet commémore précisément la prestation de serment de Léopold 1er. Soit (Rudy Demotte, le nouveau ministre-Président wallon, dont Leterme a salué... la bonne connaissance du néerlandais, ne fait pas mieux). Beaucoup plus singulier : invité à entonner la Brabançonne, Yves Leterme entame le premier couplet de la Marseillaise. "C'est la Brabançonne, ça ?", reprend notre insistant confrère. "Je ne sais pas", élude, plus agacé, le premier-ministrable le mieux placé de notre vaillant Royaume...
C'est évidemment le genre de séquence qui désormais se répand comme traînée de sottise sur tous les sites possibles, français compris, tandis que l'agence Reuters tenait à ajouter, dimanche, que le formateur royal avait aussi "choqué" les téléspectateurs parce qu'on l'avait vu en train de téléphoner pendant le Te Deum. Les médias flamands n'étaient pas en reste. Quoique. On y disait plutôt qu'il fallait y voir une nouvelle manifestation de l'humour un peu particulier du champion du CD & V; et que les francophones auraient tendance à lui chercher noise.
Ce serait son avis aussi. Il se refusait hier à tout commentaire, ainsi que faisait savoir sa porte-parole, comme on lui demandait s'il s'agissait d'une plaisanterie, d'une distraction ou d'une erreur. Il ne voulait pas réagir "à ces bêtises", ajoutait toutefois l'intéressé à VTM, disant penser que l'on cherchait par là à lui "faire du tort".
Un début
Toujours est-il qu'il y a finalement maladresse; qu'elle renforce son côté énigmatique; qu'elle s'ajoute à de précédents "coups" décontenançant des francophones déjà échaudés par l'ascendant électoral et politique du cartel confédéraliste/autonomiste CD & V/N-VA.
L'histoire de l'après-10 juin en retiendra peut-être que le très long round d'observation aura ainsi pris fin. En effet, avec la note du formateur d'une part (sa "vraie" note, cette fois), avec un début de négociations entre partenaires potentiels d'autre part, les prochains jours devraient être non pas cruciaux - c'est bien trop tôt ! - mais les premiers à fournir enfin des indications significatives sur les possibilités d'aboutir entre oranges et bleus.

Une bourde rigolote mais révélatrice

Contrastes du 21 juillet. D’un côté, un discours royal : Albert II, bien sûr, est empêché d’évoquer directement l’attente et les incertitudes du moment; son discours est pourtant politique au sens – large – où son nouvel éloge de la multiculturalité revient à rappeler les vertus contestées mais à maintenir d’un certain modèle belge. De l’autre, la drôle de bourde de celui qui devrait être le prochain Premier ministre de tous les Belges : invité à chantonner le début de la Brabançonne, Yves Leterme s’embarque sans malice dans la Marseillaise…
Ne faisons pas scandale d’une gaffe à la portée de tout qui est sommé d’improviser face à une caméra; et évitons de nous demander si l’ancien ministre-Président flamand est “en état intellectuel” d’apprendre le minimum de notre hymne national ! Mais la bourde nous paraît révélatrice. Pas tant comme exemple d’une ignorance très surréaliste dont le formateur est loin d’être le seul responsable à faire montre (cette ignorance est aussi, d’ailleurs, celle de la plupart des citoyens significativement hermétiques à tout sentiment national belge prononcé); mais comme illustration d’une évolution de la Belgique “en voie d’évaporation” ainsi que Karel De Gucht, le ministre sortant des Affaires étrangères, en avait naguère dressé le tableau. Comme quoi, entre la Belgique que l’on chantait comme “mère chérie” (dans la Brabançonne, mais oui) et celle qui ne serait plus une valeur en soi (fameuse interview dans “Libération”), il y a de la marge. Au moins un changement de générations est passé par là; et, pour le CD & V acoquiné avec la N-VA, huit ans d’opposition fédérale qui ont affûté (dévoyé ?) le programme institutionnel; et, pour le pays, des réformes dont les résultats s’avèrent mitigés.
De quoi aussi nous rappeler que l’hypothèque communautaire qui pèse sur la prochaine majorité fédérale ressortit plus de l’Himalaya que du mur de Grammont. Mais qu’importe, et qu’importent les autres défis. De la semaine qui s’ouvre, après déjà 43 jours post-électoraux où l’on s’est méfié, défié, toisé, épié, approché et peut-être apprivoisé, on attend la sortie d’une note du formateur et l’entrée des partenaires potentiels en négociation.
Autrement dit, l’observation a assez duré; on va commencer à voir si la coalition orange-bleue n’est pas seulement la plus plausible, mais si elle est faisable. C’est bien le moins que le citoyen est désormais en droit d’attendre et de savoir.

A l'Elysette et alentours, flotte déjà un parfum d'orange bleue...

Rudy Demotte annonce "loyauté" mais aussi "vigilance" à l'égard du pouvoir fédéral.
Elections formelles par leurs assemblées, prestations de serment, re-prestation devant le Roi pour Rudy Demotte, confirmation officielle des compétences : les formalités des remaniements ministériels à la Région wallonne et à la Communauté française annoncés jeudi par le président du PS ont observé vendredi un menu on ne peut plus normal. L'épice du jour est venue l'après-midi, au Parlement régional, dans le débat commandé par le changement de présidence wallonne (dont l'assemblée communautaire aura pu faire l'économie, au moins jusqu'à la rentrée). C'est qu'il fut beaucoup question du fédéral; et qu'on vit se forger des postures de majorité et d'opposition à l'orange bleue avant même que celle-ci eût pu sortir son premier pépin...E
Rudy Demotte, dont beaucoup ont vu dans le parachutage à l'Elysette un gage de sérieux, de connaissance voire de diplomatie à l'adresse du Nord, évoque surtout "la vigilance" que son exécutif devra exercer au sein de l'Etat fédéral : Wallonie pas demandeuse de réformes institutionnelles, certes, mais aussi Wallonie attendant du fédéral "qu'il soit un partenaire essentiel du redressement socio-économique wallon" et qu'il "ne remette pas en cause les mécanismes de la loi de financement ou les politiques au bénéfice des Wallons". Le groupe PS est déjà au-delà, énumérant par la voix de Maurice Bayenet les maux de l'orange bleue - ces "futures lézardes dans la façade Belgique" sur BHV, fiscalité, sans papiers, chômeurs, soins de santé, fin de l'obligation de voter !
Or, sous la coalition violette, le MR se faisait remballer par le ministre-Président Di Rupo dès qu'il voulait évoquer des sujets touchant à la fois au régional et au fédéral. Serge Kubla demande à Rudy Demotte s'il se croit encore à la Chambre puis fait mine de se fâcher sur le cliché "antisocial" anticipativement collé à la potentielle nouvelle majorité fédérale; "et d'abord, ça veut dire quoi, social ? Garder les droits acquis ? Préserver l'assistanat ?". Brouhaha. Demotte répond : de toute façon, le mode de financement des entités fédérées sera un sujet de discussion; l'immobilisme social est aussi "mauvais" que l'immobilisme économique; et au fait, lui restera au niveau wallon même si les socialistes revenaient au fédéral.
D'ailleurs, quand même, on parle aussi de la Wallonie et de son redressement, avec l'histoire habituelle de la bouteille à moitié vide ou pleine. Bernard Wesphael (Ecolo) regrette que la Wallonie ait "perdu un temps fou avec un ministre-Président incapable de choisir entre la Wallonie et ses plans de carrière"; Michel de Lamotte, à peine en retrait pour le CDH, salue un ministre-Président "qui se consacrera à cette fonction". Ecolo insiste aussi sur la nécessité d'ajouts : "Refondre la gouvernance au-delà des mesures ponctuelles", améliorer Marshall dans les filières vertes, donner plus de moyens au social.
Mais les esprits sont décidément ailleurs. Ça promet. "Ici, nous sommes encore la première force politique !, lancent des rouges aux bleus; "ouaiiiis, jusqu'en 2009 !", répliquent des bleus aux rouges.
Allez, vacances pour tout le monde !

Aucun commentaire: