Indemnités pour Tziganes stérilisées ?
Stérilisées contre leur gré, des Tziganes réclament des comptes.Une commission propose de les indemniser pour rectifier les erreurs de l'ancien régime.Mais l'Etat craint d'ouvrir la boîte de Pandore.
Deux ans après le rapport du médiateur tchèque pour les droits de l'homme, qui avait recensé une trentaine de stérilisations non souhaitées pratiquées sur des femmes tziganes entre 1991 et 2000, l'Etat tchèque va-t-il devoir accorder des compensations financières à ces femmes, ainsi qu'aux 2 à 3 000 victimes de stérilisations abusives de l'époque communiste ?
Assumer et rectifier
Une commission consultative vient, en tout cas, de préconiser la mise sur pied d'un fonds destiné à octroyer environ 6 500 euros aux plaignantes de la période la plus récente. Elle demande également à la démocratie tchèque "d'assumer et de rectifier de manière responsable les erreurs issues des pratiques de l'ancien régime".
Pour Vladimira Boskova, chef de la commission, les choses sont claires : "Les histoires des femmes stérilisées contre leur gré dans la région d'Ostrava entre 1991 et 2000 sont toutes différentes. Mais les points communs sont toujours l'extorsion d'une signature sur un bout de papier juste avant une césarienne, ou la confusion entretenue par les médecins entre avortement et stérilisation, ou les chantages à une jeune accouchée sur le thème Tu as trois garçons, tu n'auras jamais de fille ou Ton prochain enfant risque d'être handicapé."
"Ces arguments portent à tous les coups quand ils émanent d'une autorité médicale respectée par des femmes au niveau d'instruction assez limité ", souligne Kumar Vishvanathan, travailleur social indien engagé auprès des Tziganes de la région d'Ostrava.
La boîte de Pandore
Pour le gouvernement tchèque, le rapport de la commission n'a cependant qu'une valeur consultative.
Jusqu'à présent, seules deux femmes ont obtenu, au terme d'un long procès, des... excuses de la part d'un hôpital.
Les mentalités évoluent lentement, "au point où le corps médical continue à entretenir dans les médias le mythe de stérilisées vo lontaires, qui auraient trouvé un filon pour se faire de l'argent" , souligne un employé des services du médiateur.
L'actuel gouvernement de centre-droit (ou sévit le chrétien-démocrate Jiri Cunek, grand expulseur de Tziganes dans sa ville de Vsetin) est sans doute moins ouvert sur la question que l'ancienne équipe dirigée par les sociaux-démocrates. En outre, les différents organismes paragouvernementaux chargés des droits de l'homme sont divisés sur la date butoir à partir de laquelle pourraient être envisagées des compensations. Personne ne veut ouvrir la boîte de Pandore des pratiques de l'ère communiste, de crainte de voir des citoyens lésés dans tel ou tel domaine de leur vie faire appel à l'Etat d'aujourd'hui. Et de renvoyer la balle des compensations pour stérilisations abusives pratiquées entre 1991 et 2000 aux hôpitaux et aux médecins.
En Slovaquie aussi
"Ceci ne serait pas si grave si le Parlement adoptait des lois renforçant le libre arbitre des patientes - au moins sept jours entre une proposition de stérilisation et l'opération - et faisant porter la responsabilité de tout document "perdu" ou détruit dans ces cas-là sur l'hôpital, comme dans les pays occidentaux, estime Vladimira Boskova. Mais nous sommes encore loin du compte."
Aussi petite soit elle, la nouvelle avancée tchèque sera suivie avec intérêt dans la Slovaquie voisine. Un collectif de Tziganes issues des bidonvilles de l'est du pays, analphabètes et encore plus vulnérables que les tchèques, a entamé des actions pour stérilisation abusive.
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