Mort du "Père de la Nation" en Afghanistan,
L'ex-roi Zaher Shah est décédé lundi à Kaboul.Son règne de 40 ans - si long dans ce pays de régicides et de rébellions - fut l'un des plus démocratiques du pays.
L'ex-roi afghan Mohammed Zaher Shah est mort, lundi matin à l'aube à Kaboul, à l'âge de 92 ans, laissant un pays en proie à une guerre civile après lui avoir donné ses plus belles années. Trois jours de deuil national ont été décrétés par le président Hamid Karzai pour cet homme qui, revenu d'exil d'Italie en 2002, avait reçu le titre honorifique de "Père de la nation afghane", inscrit dans la nouvelle Constitution.
Sous le regard de Karzai
Zaher Shah s'est éteint après une longue maladie. Il vivait à Kaboul dans l'enceinte de l'ancien palais de Gul Khana, devenu le siège du président Karzai. "Du bureau de Karzai, on pouvait voir sa demeure", explique un diplomate. Son long règne, entre 1933 et 1973, représente pour les Afghans l'une des périodes les plus stables et les plus démocratiques du pays.
C'était l'époque où la bourgeoisie afghane s'inspirait de l'Europe, construisait des palais et demeures agrémentées de jardins de roses et de piscines, apportant une touche de classe à Kaboul alors que le peuple ne voyait pas son ordinaire s'améliorer.
Eduqué en France, à Paris, où son père fut ambassadeur, et à Montpellier, Zaher Shah accéda au trône à l'âge de 19 ans. Après la Seconde Guerre mondiale, il jugea bon de démocratiser son pays. Il travailla à l'émancipation des femmes, à la scolarisation des filles et leur accorda le droit de ne pas porter le voile, la traditionnelle burqa.
Il fit aussi adopter, sous la pression des élites libérales et contre l'avis d'une partie de sa famille, la Constitution de 1964 qui fit de l'Afghanistan une monarchie constitutionnelle assez proche du modèle belge. Selon cette Constitution, qui était très novatrice pour la région, le Roi désignait par exemple le Premier ministre, mais ne présidait pas le Conseil des ministres.
Zaher Shah est cependant renversé en 1973 par son cousin Mohammed Daoud, alors qu'il est soigné en Italie pour une opération aux yeux. Daoud refuse la modernisation, l'ouverture à l'Occident et instaure une république. C'est la fin du règne de Zaher Shah, et le début de son exil de 29 ans en Italie.
Pour beaucoup d'Afghans, la fin du roi Zaher Shah a ouvert la voie aux décennies dramatiques qui ont suivi, de l'invasion soviétique jusqu'à l'arrivée des talibans. "La plupart des Afghans n'ont pas connu cette période, mais ils marquaient à l'égard du roi Zaher Shah du respect", précise le diplomate. Zaher Shah était un Pachtoune, du clan des Duranis. Mais il ne parlait pas le pachtoune, lui préférant l'autre langue nationale, le dari et, dans ses contacts avec l'étranger, le français.
Pas de prétendant
A son retour à Kaboul, Zaher Shah a joué un rôle symbolique, comme le ciment d'une nation dans une période agitée. Il a introduit la Loya Jirga (assemblée parlementaire) de 2002 pour lancer un nouvel exécutif.
Mais, à part une minorité, personne n'a jamais cru au retour de la monarchie en Afghanistan. Et il n'est pas question de transmettre le titre de "Père de la Nation" à ses descendants.
Seul un de ses petits-fils, le prince Mustafa Zaher, manifeste un intérêt pour la politique. Il préside une commission pour l'Environnement et, surtout, a rejoint le Front national uni, un groupe d'opposition parlementaire au président Karzai.
Le président afghan a décrété trois jours de deuil national. Les drapeaux afghans sont mis en berne. Le corps du souverain reposera dans une mosquée de Kaboul avant son inhumation dans un cimetière des collines surplombant la capitale afghane.
Le dernier roi d'Afghanistan a eu huit enfants, dont six sont encore en vie. Son règne fut "l'âge d'or" de l'Afghanistan, lui a rendu hommage, lundi, son petit-fils Mustafa Zaher.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire