29 juillet 2007

L'éolien, une énergie propre mais chère

Des projets fortement subsidiés.
Ceux qui, il y a quelques années encore, crachaient sur l'éolien comme source de production d'électricité, se tiennent aujourd'hui à carreau. L'engouement pour les énergies renouvelables est tel que leurs critiques ont de moins en moins d'écho. Au point d'occulter parfois la réalité des chiffres qui est, elle, nettement moins flatteuse.
Prenons le problème par le début. La Belgique est loin d'être pionnière en matière d'énergie renouvelable. En 2004, le renouvelable (dont en grande partie la biomasse) représentait 2,3 pc du total de la production d'électricité. Ces chiffres - les derniers disponibles - se retrouvent dans le rapport de la Commission Énergie 2030 qui avait été chargée de tracer les besoins énergétiques du pays à l'horizon 2030.
La part d'énergie verte est toutefois appelée à croître. On s'attend à ce qu'elle augmente à 6 pc d'ici 2010 en Flandre et à 8 pc en Wallonie.
Tant au nord qu'au sud du pays, il y a eu une forte croissance de la production d'électricité provenant de l'éolien au cours de ces dernières années. Les éoliennes ont poussé comme des champignons. Et les recours introduits par riverains n'ont rien pu y faire. "Le Conseil d'Etat n'est en général pas très réceptif aux critiques des riverains", constate Tim Vermeir, avocat spécialisé dans les questions énergétiques au sein du cabinet d'avocats Loyens.
On compte aujourd'hui environ 270 éoliennes, dont l'essentiel en Flandre (environ 200).
La puissance installée totale a quasi doublé en deux ans pour atteindre 193 mégawatts fin 2006 (contre 30 000 MW en Europe, essentiellement en Allemagne et au Danemark). La croissance a été non négligeable en Belgique même si cela reste une goutte d'eau : en termes de production, l'éolien représente à peine 0,4 pc du total. N'oublions pas qu'une éolienne (dont la puissance se limite à maximum 2 à 3 MW) a un taux de fonctionnement nettement moins élevé qu'une centrale classique. Ce qui réduit d'autant sa production.
Mais l'énergie du vent a encore un bel avenir devant elle en Belgique en raison essentiellement des éoliennes qui vont être placées en pleine Mer du Nord. Des projets que certains experts de l'énergie considèrent comme insensés d'un point de vue économique.
L'histoire de ces éoliennes off-shore a connu beaucoup de remous. On avait d'abord pensé les construire à 10 km de la côte. Mais il y eut des recours en justice avec un argument très simple : il ne fallait pas gâcher la vue à partir de la digue. Finalement, il a été décidé de les construire à minimum 20 km. Tant pis si cela décuple le coût final...
À l'heure actuelle, trois concessions domaniales ont été accordées par le ministre fédéral de l'Énergie, Marc Verwilghen (Open VLD). La puissance installée totale devrait dépasser les 800 MW à l'horizon 2011.
Il y a d'abord le projet C-Power dans lequel on retrouve notamment la société publique Socofe (Société d'investissement des administrations publiques de la Région wallonne) et une filiale en énergie renouvelable d'EDF. C-Power va commencer par construire 6 éoliennes de 5 MW mais a l'autorisation d'en "planter" jusqu'à 60. Les premières pales commenceront à tourner en 2008, soit trois ans plus tard que prévu. Et encore, ce n'est pas tout à fait sûr. Car il s'agit d'un travail de titan.
On s'est rendu compte qu'il était impossible d'enfoncer les pieux dans le banc de sable prévu (Thortonbank) situé à 27 km au large de la côte. D'où un changement dans la technique utilisée. De plus, il s'agit d'un nouveau prototype d'éolienne qui n'a pas encore été testé en mer.
Le deuxième projet est porté par Eldepasco dans lequel on retrouve notamment des intercommunales flamandes et le groupe de distribution Colruyt. Il se situe à 39 km de la côte et doit, lui, démarrer en 2010.
Quant au troisième projet défendu par Belwind (filiale du groupe néerlandais Econcern), il prévoit de construire les éoliennes à 46 km. On est loin, très loin, quasiment aux limites territoriales belges. De quoi susciter des critiques. "C'est de la folie, le raccordement électrique va coûter trop cher", commente un expert en énergie. Le subside de 25 millions accordé (via Elia, le gestionnaire de réseau haute tension) pour le raccordement à chacun des parcs de production paraît dérisoire. Mais Belwind y croit.
Les éoliennes en mer suscitent d'autant plus de questions que les subsides accordés via les certificats verts ne sont pas négligeables : 107 € par MWh (pour une puissance installée de maximum 216 MW) et 90 € au-delà du niveau de 216 MW. Très pratiquement, l'électricité de la Mer du Nord sera obligatoirement acquise par Elia pour un montant de 107 €/MWh. C'est beaucoup plus que pour les éoliennes on-shore, la valeur d'un certificat vert oscillant entre 65 et 100 € selon qu'on est en Flandre ou en Wallonie.
Selon les calculs d'un expert, tout mis dans tout, le coût total des subsides pour les éoliennes off-shore sera de 300 millions d'euros par an après 2010.
Qui va payer ces 300 millions supplémentaires ? Ils seront, comme on l'a dit, imputés à Elia qui les répercutera dans ses tarifs. Le payeur final sera donc bel et bien le consommateur. Même si cela ne fera pas une énorme différence puisque le coût du transport ne représente que quelques pour-cent de la facture totale d'électricité. Mais cela risque quand même de faire grincer des dents. "Il y aura un effet boomerang le jour où le citoyen commencera à payer", prédit un expert.
La Commission 2030 a poussé la simulation encore plus loin et arrive à des chiffres qui ont de quoi faire réfléchir. Elle part du postulat que le potentiel supplémentaire est d'ici 2030 de maximum 2000 MW pour l'éolien on-shore et de 3000 MW pour l'off-shore. Se basant sur les subsides actuels, elle évalue le coût supplémentaire total à... 28 milliards d'euros sur 20 ans.
Elle a aussi calculé la facture totale des énergies renouvelables en additionnant tous les subsides pour ces 20 années à venir, y compris la biomasse et le solaire (dont le subside est de 450 €/MWh pour la Flandre). Elle arrive au chiffre de 51 milliards d'euros. "Cela représente un cinquième du produit intérieur brut réalisé en 2000", précise-t-elle. Histoire de mieux frapper les esprits.
"Il est important de reconnaître que les engagements en termes de certificats verts peuvent être aberrants", soulignent les auteurs du rapport. Les chiffres sont, certes, sans doute orientés. Les auteurs de ce rapport avaient pour la plupart d'entre eux un profil pro-nucléaire; ils se sont bien gardés d'évaluer les éventuels subsides à l'atome notamment via les contributions publiques à l'assurance des centrales nucléaires.
Il n'en reste pas moins que ces chiffres interpellent. Ils le sont d'autant plus que, comme le souligne Tim Vermeir, "le législateur a prévu de manière peu orthodoxe la possibilité de revoir à la hausse les certificats verts si les opérateurs ne s'en sortent pas avec les 107 € prévus". En clair, le législateur accepte (aveuglément ?) le principe de l'apport de subsides sans lequel les éoliennes ne sortiraient jamais de terre ou de mer. Pour beaucoup d'experts, il y a donc une part d'"irrationnel" dans ce type financement. Et, précise Tim Vermeir, c'est encore plus vrai pour le solaire où la valeur du certificat atteint 450 MWh dans un pays où les heures de soleil sont rares comme on a pu le constater en ce mois de juillet pluvieux...
Faut-il dès lors en déduire que le développement de l'éolien, en particulier en mer, va un jour se heurter à l'énorme facture qu'il engendre ? "Le jour où la puissance installée en mer du Nord dépassera 900 MW, il faudra d'énormes investissements d'Elia", répond un expert. Cela pourrait aller jusqu'à 700 millions, estime la Commission Énergie 2030.
Ces chiffres font dire à un observateur
que le meilleur "mégawatt est le négawatt", et donc l'électricité qu'on ne consomme pas. De plus en plus de partis politiques brandissent aussi ce slogan...

Toutes les banques ont saisi l'intérêt de proposer à leur clientèle des produits liés à la prise de conscience du changement intervenant dans le monde de la production d'énergie. Il y a en effet là un marché juteux dont certains paramètres permettent de mieux valoriser les valeurs cotées. Il y a évidemment le potentiel de croissance, important - on vient de nulle part. Mais il y a surtout une motivation fiscale, puisque partout dans le monde, et en Belgique aussi bien entendu, les autorités prennent des mesures d'encouragement à l'installation d'unités de production d'énergie propre. En Belgique, on l'a vu tout récemment avec l'introduction en Bourse de Bruxelles de la petite société Air Energy, qui a placé ses titres sans aucune difficulté auprès des particuliers comme auprès des institutionnels. Avec, après trois mois de cotation, près de 27 pc de progression de l'action, en dépit de tout élément particulier permettant d'établir ce niveau de valorisation... C'est que chez nous aussi, l'énergie verte est assistée par des initiatives gouvernementales.
Un gestionnaire de fonds nous explique toutefois que ce type d'entreprise reste fragile sur le long terme. "Pour forger la base d'un fonds de placement, il faut la diversité et le volume. Or, si la diversité des entreprises ne pose pas réellement problème, le volume en capital n'est pas évident à atteindre. Nous devons donc acheter des fonds comprenant quelques poids lourds comme Vestas, que tout le monde connaît, mais aussi une masse de petites entreprises inconnues. Dans celles-ci, il y a évidemment quelques perles, mais il y a aussi une série d'entreprises qui ne connaîtront pas le succès. En outre, ces entreprises sont souvent des start-up dont la rentabilité est encore à établir".
Autant savoir dès lors que le potentiel, comme c'est souvent le cas dans les placements boursiers, est aussi important que le risque...
Pour diminuer l'effet de risque lié à la taille réduite des positions et au manque d'offre du marché, une bonne stratégie consiste à acheter les producteurs d'énergie verte par le biais de fonds de fonds. Malheureusement, ils sont encore très rares. Quant à acheter en direct les titres des entreprises spécifiques... Les moins risquées sont aussi les plus chères.
En Belgique comme ailleurs, l'installation d'éoliennes ne manque pas de soulever des débats passionnés. Au point parfois d'en perdre toute rationalité... Les arguments avancés par les opposants à ces projets sont devenus un catalogue "standard" repris par tous les comités de riverains. Au coeur des préoccupations, figure bien souvent l'impact paysager des éoliennes et la dépréciation de l'immobilier local. Le coût élevé de l'éolien qui bénéficie d'importantes aides publiques est également jugé disproportionné par rapport au bénéfice obtenu en termes de réduction des émissions de CO2. Viennent ensuite, les critiques sur les nuisances sonores et visuelles supposées néfastes à la santé. Enfin, les impacts négatifs sur la faune, en particulier les oiseaux.
Du côté de l'Association pour la promotion des énergies renouvelables, on répond à ces critiques en expliquant tout d'abord que des études reconnues démontrent qu'une éolienne rembourse sa "dette énergétique" (soit le CO2 qui a été émis pendant sa phase de conception et d'installation) en quatre mois. Au total, le potentiel éolien de la Wallonie permettrait d'économiser 319000 T de CO2 par an.
En ce qui concerne les effets stroboscopiques sur la santé (les cycles ombre/lumière générés par le passage des pales devant le soleil), des normes strictes sont imposées aux projets et aucune plainte n'a été enregistrée en Belgique sur ce point.
Pour ce qui est des nuisances sonores, "la seule réponse à donner est de se rendre au pied d'une éolienne pour se rendre compte", suggère notre interlocuteur en ajoutant qu'une étude française sur la production d'infrasons par les éoliennes, souvent citée par les opposants, conclut en fait que celle-ci est "très modérée et sans danger pour l'homme". Enfin les impacts éventuels sur les oiseaux sont également intégrés aux études d'incidences (éviter les routes migratoires, être à bonne distance des sites de reproduction...), sous l'encadrement des ornithologues d'Aves. Quant à l'impact paysager, s'il est difficile à objectiver, il est lui aussi strictement balisé par les pouvoirs publics qui fixent notamment des normes d'homogénéité et de taille des éoliennes ou encore un principe de regroupement (min. 3 et max.12) afin d'éviter la dispersion ou au contraire une surcharge excessive des éoliennes dans le paysage wallon.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Comme nos chers politiques, ... du vent !