Laurent utilise-t-il son ASBL à son profit ?
MAJ 18 juillet 2007
Le prince Laurent au cœur d'un troublant conflit d'intérêts ?
Le Prince, président de l'IRGT, est aussi à la tête d'une fondation privée, actionnaire principale d'une société immobilière. Mélange des genres ? Les dotations de l'IRGT ont été réduites de deux tiers : une tuile qui s'ajoute à un malaise sur le double rôle du Prince.
L es temps sont rudes pour l'Institut royal pour la gestion des ressources naturelles et la promotion des technologies propres (IRGT).
Mardi, lors d'une réunion avec les représentants des trois Régions, ses responsables ont acté que, dans la foulée de la Région flamande qui a réduit sa dotation de deux tiers en mai dernier (de 178.000 à 60.000 euros annuels) les deux autres Régions s'apprêtaient à lui appliquer la même cure d'amaigrissement : à partir de 2008, comme la Flandre, Bruxelles et la Wallonie suggéreront désormais à l'IRGT de leur proposer des projets précis qu'ils financeront s'ils le jugent utile.
C'est une douche froide pour l'Institut royal : la clef de répartition reste inchangée (46 % à charge de la Flandre, 35,2 % pour la Wallonie, 18,8 % pour Bruxelles), mais la dotation annuelle de 400.000 euros sera, dès l'an prochain, divisée par 2,8.
La Région flamande avait utilisé le prétexte du procès des fraudes présumées à la Marine et du procès d'Hasselt, où le prince Laurent fut cité comme témoin, pour sabrer dans la dotation de l'IRGT. Ironie de l'histoire : c'est ce même prince Laurent qui, depuis quelques jours, est au centre d'une polémique et d'un malaise croissants au sein de l'IRGT et à l'intérieur de son conseil d'administration.
Le fils cadet du roi Albert II est président du conseil d'administration de l'IRGT, cette ASBL financée par les trois Régions du Royaume. Jusqu'en 1999, Laurent percevait d'ailleurs pour cette fonction, chaque mois, un million d'anciens francs brut.
Depuis cette date et pour mettre un terme à ce qui apparaissait à l'époque comme un mécanisme de financement peu transparent, le Premier ministre sortant, Guy Verhofstadt, a modifié les règles du jeu : le Prince reçoit désormais une dotation publique annuelle de 295.000 euros.
Laurent occupe par ailleurs la même fonction de président du conseil d'administration au sein d'un autre organisme : il s'agit de sa propre fondation privée Grect (pour Global Renewable Energy & Conservation Trust), dont le siège est établi rue d'Arlon, à Bruxelles.
Au sein du conseil d'administration de l'IRGT, on s'inquiète. On fait remarquer que l'objet social de Grect est extrêmement proche de celui de l'IRGT, notamment en termes de promotion internationale de la gestion de l'environnement.
Un procès-verbal d'un récent conseil d'administration – tenu le 15 juin dernier – atteste du malaise ambiant. En voici un extrait : un des membres expose à ses homologues du conseil qu'« il a été informé de l'existence d'une fondation Grect dont le président du conseil de l'IRGT serait l'un des fondateurs ainsi que le président. Les objets sociaux et buts de cette fondation et de l'IRGT étant fort proches, ( ) s'inquiète, au vu du climat de méfiance existant à l'égard de l'IRGT, des apparences de conflits que pourraient causer cette proximité ainsi que la recherche, par les deux institutions, de financements externes auprès des mêmes sources. »
Lors de ce même conseil, le Prince se veut rassurant, indiquant notamment qu'« il n'existe aucun risque de conflit entre la fondation privée et l'IRGT et ( ) qu'il sera particulièrement attentif à éviter tout risque ou toute apparence de conflit d'intérêts dans son chef ».
Au sein de l'IRGT, les questions restent néanmoins ouvertes.
On y stigmatise les amalgames et les confusions risquant de surgir au détriment de l'IRGT et on continue à s'interroger : la fondation privée du Prince ne profite-t-elle pas de l'aura de l'IRGT pour réaliser des opérations commerciales au travers de la société dont elle est la principale actionnaire ?
Il faut souligner en effet qu'en décembre 2006 la fondation privée de Laurent a déposé la marque communautaire Grect, une procédure d'enregistrement qui lui accorde le droit exclusif d'utiliser ce nom dans les 27 États membres de l'Union européenne. Cette marque a été valorisée à 150.000 euros par un réviseur d'entreprise. « Le rapport d'évaluation que m'a fourni le conseil d'administration de Grect était justifié et établi sans la moindre réserve », souligne ce réviseur, Stéphane de Lovinfosse.
Les droits d'utilisation de cette marque ont été, en février 2007, cédés à une société anonyme immobilière, Rec-Arlon 67. En échange, la fondation du Prince Laurent a reçu un nombre d'actions qui lui permet aujourd'hui d'être l'actionnaire principal (à 90 %), dans la société anonyme Rec-Arlon 67, qui a notamment pour objet la réalisation d'opérations immobilières et commerciales.
Le vicomte Etienne Davignon, l'un des trois administrateurs de la Fondation Grect, souligne d'emblée : « C'est le Prince qui m'a demandé de siéger au conseil d'administration pour que tout soit parfaitement orthodoxe. Je ne vois pas où il y aurait, dans ce dossier, une confusion d'intérêts. J'y veillerais d'ailleurs personnellement, comme sur la prunelle de mes yeux. Je ne vois d'ailleurs pas où se situerait le conflit d'intérêts entre l'IRGT, qui fait œuvre utile en matière de conservation de la nature et de technologies propres, d'une part, et la fondation du Prince qui fait la promotion de technologies nouvelles dans le secteur de l'immobilier, de l'autre. Non, il n'y a vraiment pas là de quoi fouetter un chat. »
Au sein des collaborateurs de l'Institut royal pour les ressources naturelles et la promotion des technologies propres, on demeure toutefois très sceptique.
On rappelle tout de même que la fondation privée Grect du prince Laurent est bel et bien actionnaire majoritaire d'une société commerciale, Rec-Arlon 67, réalisant des opérations immobilières. Et que, lors de ses déplacements effectués à l'étranger pour le compte de l'IRGT, le Prince n'hésite pas à promouvoir les actions de sa fondation sur le terrain des équipements en énergies renouvelables pour le secteur immobilier.
Une situation qui, à des années-lumière de toute escroquerie ou de toute manœuvre illégale, prête en tout cas, pour le moins, à une troublante confusion des genres.
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