12 décembre 2006

Le destin des dictateurs

48% des Polonais approuvent la loi martiale

L'instauration en Pologne de loi martiale par le général Wojciech Jaruzelski le 13 décembre 1981 est approuvée un quart de siècle plus tard par 48% des Polonais, selon un sondage publié aujourd'hui. 36% des Polonais désapprouvent ce coup de force contre le syndicat indépendant Solidarité et 16% n'ont pas d'opinion, selon ce sondage de l'institut GfK Polonia, effectué du 24 au 26 novembre 2006 auprès d'un échantillon de 1.000 personnes.

Dossier : Augusto Pinochet

L'adieu à un ancien dictateur

La dépouille mortelle de l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, décédé dimanche, a été incinérée dans la nuit de mardi à mercredi au cimetière du Parc de la mer, dans la ville côtière de Concon, à 130 km au nord-ouest de Santiago. La dépouille de l'ancien dictateur, à qui les honneurs militaires ont été rendus à Santiago, a été transportée à bord d'un hélicoptère des forces aériennes à Concon, puis par la route jusqu'au cimetière.
Ses cendres ont ensuite été emportées par la famille dans sa propriété de Los Boldos, à 110 km à l'est de Santiago, en bordure du Pacifique.
Le général Pinochet avait reçu mardi les honneurs militaires en présence de sa famille et de milliers de sympathisants au cours d'une cérémonie de funérailles où la seule représentante de l'Etat, la ministre de la Défense, a été copieusement sifflée. Au moment même où se déroulait la cérémonie à 10h45 (14h45 à Bruxelles) à l'Académie militaire de Santiago, plus de 2.000 opposants à l'ex-dictateur rendaient un hommage appuyé, non loin de là devant le palais présidentiel, à l'ancien président socialiste Salvador Allende, renversé par Pinochet le 11 septembre 1973.

La fille aînée de Pinochet, Lucia, a revendiqué avec force l'héritage de son père et fustigé la presse internationale tandis qu'un petit-fils du dictateur remerciait dans un hommage imprévu, l'homme "qui avait fait chuter un gouvernement marxiste en pleine guerre froide". Quatre grenadiers en grand uniforme veillaient le cercueil recouvert d'un drapeau chilien où sa casquette, son épée et son bâton de commandement avaient été déposés.
Au milieu des invités en habits de deuil, la veuve du défunt, Lucia Hiriart, vêtue de noir s'abritait du soleil sous un parapluie sombre, applaudissant parfois les hommages à son mari. Le chef de l'armée, le général Oscar Izurieta a déclaré qu'il fallait laisser à l'histoire le soin de faire un examen objectif et juste des années Pinochet, ajoutant que ce n'était pas à lui de faire une évaluation du régime militaire.
Les obsèques d'Augusto Pinochet ont été retransmises en direct à la télévision nationale et sur deux autres chaînes. Elles avaient commencé avec l'arrivée du cercueil, porté par quatre cadets, avant une messe solennelle dans la cour de l'Académie militaire. Pinochet, décédé à 91 ans, a reçu un hommage militaire en tant qu'ancien chef des forces armées, poste qu'il conserva après la fin de la dictature (1990) jusqu'en 1998.
La présidente socialiste Michelle Bachelet a en revanche refusé d'organiser les funérailles nationales prévues pour les anciens chefs d'Etat. Mme Bachelet, elle-même détenue et torturée dans le centre clandestin Villa Grimaldi en 1975, est la fille d'un général d'aviation proche d'Allende, mort des suites de tortures infligées par le régime Pinochet.
Les partisans de l'ancien dictateur s'étaient mobilisés depuis l'annonce de sa mort et 60.000 personnes ont défilé lundi toute la journée et toute la nuit devant la dépouille du général revêtu de son uniforme d'apparat, exposée dans un cercueil vitré à l'Académie militaire. Pendant l'hommage militaire, le cercueil avait été placé sur un catafalque à côté d'un autel où l'évêque aux armées a célébré une messe entouré de 16 aumôniers militaires devant la famille, la veuve et les cinq enfants du défunt.
La ministre de la Défense Vivianne Blanlot qui représentait le gouvernement socialiste a été copieusement sifflée à son arrivée par des partisans de Pinochet qui lui ont demandé de partir. Elle n'a pas salué la famille et ne portait pas le deuil. Mme Blanlot est demeurée de marbre pendant les hommages à l'ancien général putschiste, affichant un air neutre devant les applaudissements au seul nom de Pinochet.
La mobilisation ces derniers jours des sympathisants et des opposants à Pinochet illustre la persistance d'une certaine division de la société chilienne au sujet des 17 années de régime militaire.
Les défenseurs des droits de l'homme ont rappelé les 3.000 morts et disparus et les 30.000 personnes torturées sous son régime alors que ses partisans préfèrent mettre en avant le "miracle économique chilien" dont ils lui attribuent le mérite. Ces dernières années, Pinochet était cependant de plus en plus isolé en raison d'une multiplication des poursuites judiciaires à son encontre pour les crimes de la dictature et surtout, depuis le lancement d'une procédure pour fraude fiscale concernant des comptes secrets ouverts aux Etats-Unis par l'ex-dictateur et sa famille à l'étranger.
(D'après AFP)
4.000 sympathisants aux funérailles de Pinochet

Les funérailles de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet ont commencé à 10h45 locale (14h45 en Belgique) à l'école militaire de Santiago. Les obsèques sont retransmises en direct à la télévision nationale. Le général Pinochet, qui est mort à l'âge de 91 ans, doit recevoir les honneurs militaires dus à un ancien chef de l'armée. La présidente socialiste Michelle Bachelet a refusé des funérailles nationales à l'ancien dictateur, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat le 11 septembre 1973.
Outre la famille, la veuve et les cinq enfants du général ainsi que les dignitaires des forces armées, quelque 4.000 sympathisants et invités particuliers assistent sous le soleil aux honneurs militaires. Le cercueil recouvert du drapeau chilien a été placé sur un catafalque sombre. Un autel a été dressé où une messe sera dite par l'évêque aux armées.
La ministre de la Défense chilienne Vivianne Blanlot a été copieusement sifflée à son arrivée dans le patio de l'Académie militaire où avait lieu la cérémonie. En entrant, Mme Blanlot, priée à grands cris de quitter les lieux par des partisans de l'ex-homme fort du pays, n'a pas salué la famille Pinochet avant de s'asseoir au premier rang des invités officiels. La ministre qui n'était pas vêtue de noir était la seule représentante du gouvernement chilien.
Par ailleurs, plus d'un millier de défenseurs des droits de l'homme et d'opposants à Augusto Pinochet ont manifesté à Santiago, à l'heure exacte de ses funérailles pour rendre hommage à l'ancien président socialiste Salvador Allende, renversé en 1973 par le putsch de l'ex-dictateur. Les manifestants s'étaient rassemblés sur la Place de la Constitution, face à un monument érigé en mémoire de l'ancien chef d'Etat qui se suicida dans le palais présidentiel le 11 septembre 1973.


Une demi-victoire
Isabel Allende, la fille de l'ancien président chilien renversé par Augusto Pinochet, a regretté que "la justice n'ait pas pu finir son travail" avec la mort de l'ancien dictateur mais salue "une demi-victoire".
"Je pense aux gens au Chili qui ont souffert, qui sont morts alors, je pense à mon père bien sûr", a déclaré Isabel Allende. La femme politique a souligné que le général Pinochet, décédé dimanche à l'âge de 91 ans, "n'a jamais eu les valeurs de faire face de la justice, de dire la vérité, de reconnaître ses erreurs pour ses horribles crimes".
"Je pense que la justice n'a pas encore fini son travail. Pour la société chilienne, pour le peuple chilien, pour toutes les victimes, il serait très important que le procès puisse se finir. Malheureusement, on n'a pas réussi, malheureusement il est mort", a estimé la fille de Salvador Allende, le président chilien démocratiquement élu, renversé le 11 septembre 1973 par un coup d'Etat militaire.
La romancière Isabel Allende est la nièce de Salvador Allende.
(D'après AP)

Pinochet impuni, "l'échec de la justice"



Les victimes redoutent l'extinction des poursuites, souligne Jorge Magasich.Pinochet était "tué politiquement" depuis qu'il était accusé de corruption.
Jorge Magasich, opposant à la dictature d'Augusto Pinochet et aujourd'hui professeur à l'Institut des Hautes études en communications sociales (Ihecs), à Bruxelles, réagit au décès du dictateur.
Que vous inspire cette disparition ?
Beaucoup de victimes de la dictature regrettent cette mort parce que Augusto Pinochet disparaît sans avoir été jugé pour ses crimes. L'espoir des victimes est que les procédures engagées contre son régime se poursuivent. Mais elles redoutent qu'avec la mort de Pinochet, la communauté internationale y prête moins d'attention et que la pression diminue.
Cette mort est en tout cas un échec pour la justice. Augusto Pinochet n'a pas été condamné malgré des faits accablants. En cause, les manoeuvres de l'ancien gouvernement de Ricardo Lagos (socialiste, NdlR.). Il y a eu en outre plusieurs cas précis de décisions de justice scandaleuses. Ensuite, les questions autour de sa maladie ont été utilisées pour retarder l'action de la justice et soustraire Pinochet à un procès.
Quel genre de dictateur a-t-il été ?
Il faut d'abord préciser qu'Augusto Pinochet n'est pas celui qui a conçu le coup d'Etat contre Salvador Allende. Mais il se fait qu'il était chef de l'armée de terre à ce moment-là. Ce n'est que quelques semaines avant le putsch qu'il s'est rallié à ceux qui le préparaient. Ensuite, il a tout fait pour démanteler le noyau des militaires putschistes, avec l'aide de la police secrète, la Dina (Direction du renseignement national, NdlR.).
Ensuite, il a instauré la torture comme politique d'Etat. Mais il n'a jamais osé assumer ce qu'il a commis. Et ce sont ses subordonnés qui, par la suite, se sont retrouvés poursuivis par la justice.
Une controverse accompagne la mort du dictateur pour savoir quel type de funérailles lui seront réservées. Quel est votre sentiment ?
Au Chili, certains font la distinction entre l'homme politique et le général. Et ceux qui défendent un hommage militaire arguent que Pinochet a accédé à la tête de l'armée de terre, légitimement. Mais même s'il y a des funérailles militaires, je crois que la présidente Michelle Bachelet n'y participera pas. Et le doute subsiste quant à la présence du ministre de la Défense, également une femme, Viviane Blanlot.
Demeurent-ils au Chili des nostalgiques de la dictature de Pinochet ?
Très peu. Augusto Pinochet a gardé un grand pouvoir jusqu'en 1998. Mais son arrestation en Grande-Bretagne cette année-là a démythifié le personnage. Au Chili, personne ne pouvait plus ignorer que des faits très graves avaient été commis sous sa dictature. Mais certains ont continué à penser qu'ils étaient justifiés par le contexte de l'époque.
Alors, le coup de grâce a été porté par la révélation de l'existence de comptes bancaires aux Etats-Unis où avait été placé de l'argent de l'Etat, détourné. Découvrir que lui, le militaire, avait été corrompu, cela l'a tué politiquement. Il a été complètement discrédité. Et ça en a été fini de son pouvoir.


Hommage strictement militaire pour Pinochet

L'ancien dictateur est mort dimanche matin à la suite de multiples crises cardiaques. Il avait été admis à l'hopital une semaine auparavant après un infarctus du myocarde et un oedème pulmonaire.

La dépouille en grand uniforme de l'ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, décédé dimanche à l'âge de 91 ans, a été exposée lundi à Santiago pour un hommage strictement militaire après le refus du gouvernement socialiste de lui rendre les honneurs dus à un chef d'Etat.

La cérémonie a eu lieu en présence de la famille du défunt et de quelque 300 personnes rassemblées à l'Académie militaire dans la capitale chilienne.

Plusieurs messes et prières aux défunts sont prévues dans le hall de cette école militaire pour évoquer le souvenir de l'ancien dictateur qui a tant divisé les Chiliens.

La présidente chilienne Michelle Bachelet a affirmé lundi avoir refusé les funérailles nationales à l'ex-dictateur "en pensant au Chili", tandis que le ministre de l'intérieur Belisario Velasco a estimé qu'il s'agissait "d'un classique dictateur de droite qui a violé les droits de l'homme et s'est enrichi".

Une chapelle ardente a été dressée dans l'école du "Libérateur Bernardo O'Higgins" et le corps de l'ancien commandant de l'armée de terre et ex-chef des armées a été placé dans un cercueil vitré, montrant le visage et le buste du général, revêtu de son grand uniforme de gala de couleur grise.

Le cercueil est exposé dans le hall de l'Académie militaire où fut formée la junte militaire qui désigna Pinochet à sa tête, après le coup d'Etat sanglant du 11 septembre 1973 contre le président socialiste Salvador Allende. Entre deux énormes cierges, une garde d'honneur composée de huit cadets veille sur le cercueil jusqu'aux funérailles prévues mardi à 11H00 (14H00 GMT), dans la cour de l'école militaire. L'armée a fait savoir que les diverses cérémonies auraient un caractère public même si un contrôle de sécurité sera effectué à l'entrée de l'Académie.

Le corps de l'ex-dictateur avait été transféré dans la nuit de dimanche à lundi, alors que des incidents opposaient des manifestants célébrant sa mort et la police.

Peu après l'annonce du décès du dictateur, 5.000 manifestants étaient descendus dans les rues pour fêter "la libération du Chili".

Une quarantaine de policiers ont été blessés et une centaine de manifestants ont été arrêtés quand des groupes radicaux ont tenté de s'approcher du palais présidentiel. Les affrontements ont duré jusqu'à l'aube dans certains quartiers, à la périphérie de Santiago. Lundi, les quotidiens de Santiago ont publié des suppléments sur la vie (1915-2006) de l'ancien président autoproclamé (1973-1990) soulignant que celui-ci n'aurait pas droit à des funérailles nationales prévues pour un chef d'Etat chilien, comme l'a décidé la présidente Michelle Bachelet, elle-même victime de la dictature et fille d'un général d'aviation proche d'Allende torturé à mort après le putsch.

Le fils cadet de Pinochet Marco Antonio a déploré l'absence de telles funérailles pour son père qui, selon lui, "s'était totalement engagé pour le pays et l'avait sorti d'un chaos indescriptible".

La fille de Salvador Allende, Isabel, a applaudi la décision de Mme Bachelet de refuser les obsèques nationales en rappelant que Pinochet était un "dictateur" qui s'était proclamé président en manipulant la Constitution. "Le général a trahi son serment, a trahi le président Salvador Allende et a toujours affiché son incapacité à se repentir", a-t-elle déclaré. Le général Pinochet avait été nommé chef de l'armée par le président socialiste Salvador Allende trois semaine avant son coup d'Etat. Près de 30.000 Chiliens ont été torturés sous la dictature, tandis que 3.000 sont morts ou disparus.

La dépouille de l'ex-dictateur sera remise à la famille pour être incinérée au crématorium du Cimetière du Parc du Souvenir. Les cendres seront ensuite transportées jusqu'à la propriété familiale de Los Boldos sur la côte chilienne, un endroit où le vieux général passait l'été austral.

L'ancien dictateur est mort dimanche matin à la suite de multiples crises cardiaques. Il avait été admis à l'hopital une semaine auparavant après un infarctus du myocarde et un oedème pulmonaire.

Le fils cadet du dictateur refuse présence du gvt aux funéraillesLe fils cadet de l'ex-dictateur Augusto Pinochet s'est dit opposé lundi à une présence gouvernementale aux obsèques mardi de son père, décédé dimanche à l'âge de 91 ans, pour éviter "des actes hypocrites".Marco Antonio Hiriart a demandé, sur la radio Agricultura, que "par respect pour (sa) famille, le gouvernement ne participe" pas aux funérailles de l'ancien président auto-proclamé.Le plus jeune des cinq enfants de Pinochet a souligné que "si les gens le veulent, ils peuvent" assister aux cérémonies funéraires. "Mais je ne souhaite pas d'actes hypocrites, par respect pour ma mère et ma famille", a-t-il ajouté.Les sympathisants du général pourront rendre pendant toute la journée de lundi un dernier hommage à la dépouille de Augusto Pinochet et une veillée funèraire est prévue jusqu'à la cérémonie d'incinération et l'enterrement mardi matin

Violents incidents après la mort de Pinochet


Les violents incidents qui ont éclaté à Santiago et dans sa périphérie ainsi que dans d'autres villes du Chili dimanche soir après l'annonce de la mort d'Augusto Pinochet, ont fait 43 blessés au sein des forces de l'ordre, a indiqué lundi la police.
"43 carabiniers ont été blessés, dont 42 à Santiago", a déclaré le directeur général de la police, Alejandro Bernales.
Le chef de la police n'a pas précisé le nombre de personnes ayant été arrêtées à la suite de ces violences.
A Santiago, les opposants à Pinochet sont descendus par milliers dans la rue pour célébrer la mort de l'ancien dictateur, à l'âge de 91 ans. Des incidents, qui ont duré jusqu'à l'aube, ont éclaté dans la soirée à proximité du palais présidentiel lorsque la police a voulu arrêter une colonne d'un millier de manifestants qui célèbraient sa mort.
La police a utilisé des canons à eau et des grenades lacrymogènes tandis que les jeunes manifestants lançaient des bouteilles et des pierres sur les forces de l'ordre.
Puis les violences ont gagné des quartiers périphériques de Santiago, où les manifestants ont incendié des barricades et à au moins trois véhicules, selon des sources policières, qui ont fait état de coups de feu.
Des violences ont également été enregistrées dans une dizaine de villes du pays, dont Valparaiso.

Pinochet : 1915-2006

L'ex-dictateur chilien s'est éteint à 14h15, heure de Santiago, dimanche. Ses opposants ont célébré sa mort dans les rues de la capitale.Se pose aujourd'hui la question de ses funérailles : militaires ou nationales ?

Le général Augusto Pinochet est mort dimanche à 14h15 à Santiago à l'âge de 91 ans. Son décès tourne une page noire de l'histoire de son pays, auquel il a imposé l'un des régimes militaires les plus répressifs d'Amérique latine. L'ex-dictateur est décédé à l'hôpital militaire de la capitale où il avait été hospitalisé dimanche dernier après avoir été victime d'un infarctus du myocarde et d'un oedème pulmonaire. Il y avait été admis à nouveau hier, avant d'y mourir peu de temps après, entouré de sa famille.
Ses opposants, en apprenant son décès, sont descendus dans la rue pour célébrer sa mort. Des voitures se sont mises à klaxonner et une centaine de personnes se sont réunies sur la place d'Italie à proximité du centre de Santiago, lieu traditionnel des rassemblements dans la capitale. Agitant des drapeaux et sautant de joie, les manifestants - pour la plupart des jeunes - dansaient, chantaient et festoyaient au nom de la "libération du Chili", pendant qu'une vingtaine de sympathisants du dictateur éclataient en sanglots aux abords de l'hôpital. "Je suis très triste, bouleversée. Il nous a épargné une guerre civile", estime ainsi Gloria.
En Espagne, les partis de gauche et de droite ont regretté dimanche que l'ex-dictateur soit "mort dans l'impunité". "La mort de Pinochet est comme une métaphore de l'impunité des dictatures", a déclaré Gaspar Llamazares, coordinateur général de la coalition Izquierda Unida (communiste). Le porte-parole du Parti Populaire d'opposition (droite) pour les affaires internationales au Congrès, Gustavo de Aristegui, a qualifié Pinochet de "fléau pour son pays" et de "dictateur sanguinaire qui ne va pas être regretté".
En France, Me Sophie Thonon, qui défend des familles de disparus français, a exprimé dimanche sa "frustration". Pinochet "semblait aller mieux et [...] je m'étais dit qu'il pouvait encore vivre quelques mois voire quelques années", le temps d'être jugé. Mais "c'est aussi un très grand sentiment de colère contre cette justice française, chilienne, et celles d'autres pays qui n'ont pas pris la mesure du temps et jugé Pinochet avant son décès".
Quelles funérailles ?
C'est à présent la question des funérailles qui se pose. La semaine dernière, la présidente socialiste Michelle Bachelet avait fait savoir que l'ancien dictateur aurait des funérailles militaires et non pas des obsèques nationales comme le réclamaient ses derniers partisans. Elle-même a été emprisonnée avec sa mère sous la dictature de Pinochet en 1975 et son père, un général d'aviation, a été torturé à mort par la police politique. (AFP et AP)

Pinochet nous a tous meurtris

Jean-Paul MarthozDirecteur éditorial de la revue « Enjeux internationaux »
L e 12 septembre 1973, au lendemain du coup d'État du général Pïnochet, j'étais à l'Escorial, alors que Franco régnait encore sur l'Espagne. La nouvelle était tombée comme un obus sur cette bourgade endormie proche de Madrid.
Dans un bar étrangement silencieux, un enseignant qui, la veille, m'avait offert la revue d'opposition Triunfo, feuilletait nerveusement la presse franquiste en se pinçant le nez. En face du palais municipal, les gardes civils plastronnaient comme s'ils avaient de nouveau gagné la guerre civile. Sur un banc, un passant avait abandonné le quotidien conservateur ABC sur lequel il avait griffonné : « Fascistas ! »

Dans les jours qui suivirent, des photos vinrent illustrer le drame d'un pays brusquement assujetti : Pinochet, la moue arrogante, le regard masqué par des lunettes noires, entouré de ses généraux factieux ; Allende, casqué, la mitraillette en bandoulière, scrutant le ciel. Ces clichés en noir et blanc allaient s'inscrire pour toujours dans ma mémoire, avec autant de force et d'émotion que l'assassinat de John Kennedy à Dallas en 1963 ou l'entrée des chars soviétiques à Prague en 1968.
Les années précédentes avaient été lourdes en Amérique latine. En 1968, à la veille des Jeux olympiques de Mexico, des centaines d'étudiants avaient été abattus par l'armée sur la place des Trois Cultures, fauchant les épis de la liberté. À Cuba, les dissidents et les mal-pensants étaient condamnés à de lourdes peines de prison. Ce 11 septembre 1973, dans le fracas des avions Hunter bombardant le palais de La Moneda, dans le vrombissement des chars sur l'asphalte, de nouveau, un espoir se fracassait.
C'est dans ce télescopage tragique entre une génération avide de changement libertaire et le coup de massue dictatorial que s'explique en partie le caractère emblématique de Pinochet. Dictateur brutal, militaire félon, fraudeur et menteur, il aurait pu se fondre dans l'histoire mouvementée de l'Amérique latine, se gommer comme Trujillo ou Stroessner de la mémoire mondiale de l'infamie. Or, s'il a moins tué que ses émules argentins Videla et Massera, il est devenu, pour tous les démocrates, la figure du Mal.
Le Chili est en bas du bout du monde, mais il est, depuis longtemps, comme le chantent Isabel et Angel Parra, « au centre de l'injustice ».
Dans les années 60, il avait suscité un intérêt inédit en Europe car il était devenu le « laboratoire du mouvement » dans une Amérique latine redécouverte par des intellectuels et des militants en quête d'un impossible rêve, lassés de la social-démocratie à la Guy Mollet et de l'Église à la Pie XII. Ses partis ressemblaient aux nôtres ; Santiago, avec ses deux Prix Nobel de littérature - Pablo Neruda, Gabriela Mistral - et ses cafés enfumés, ses fruits de mer et son tinto, ses loges maçonniques et ses curés rouges, semblait si proche et surtout bien plus excitante.
En 1964, le Chili avait élu le premier président démocrate-chrétien du continent. Eduardo Frei promettait « une révolution dans la liberté », avec l'appui des Etats-Unis et du PSC/CVP. Six ans plus tard, la victoire de Salvador Allende fut vécue avec intensité par la gauche européenne, en France surtout où François Mitterrand s'efforçait de rassembler les mêmes formations, socialiste, communiste et radicale, qui avaient constitué l'Unité populaire.
Durant les trois années d'Allende, l'expérience chilienne fut suivie comme un événement de proximité, comme si de la réussite ou de l'échec de la « voie légale vers le socialisme » allaient dépendre la victoire de la gauche en France, la chute de Franco en Espagne et le rassemblement des progressistes en Belgique.
Allende portait les espoirs de tous ceux qui voulaient réconcilier la lutte pour la justice sociale et la défense des libertés. Il prônait une diplomatie multipolaire et non alignée.
Il était dès lors beaucoup plus dangereux pour les milieux conservateurs latino-américains que Fidel Castro qui, par son autoritarisme et son alignement prosoviétique, avait perdu une bonne part de son attrait. L'hostilité hargneuse de l'administration Nixon, déshonorée par son cynisme et sa corruption, ne fit qu'accroître le prestige d'Allende et l'enjeu de son pari de transformer son pays par la voie démocratique.
En Europe, le Chili se convertit en un affrontement par procuration entre progressistes et conservateurs, Olof Palme contre Margaret Thatcher. Ses tumultes provoquèrent même des conflits à l'intérieur de chacun de ces camps : les démocrates-chrétiens se divisèrent entre complices du coup d'État et partisans de la légalité ; la gauche se polarisa entre les modérés qui voulaient transar (négocier) et les radicaux qui voulaient avanzar (accélérer sur la voie de la révolution).
Aux Etats-Unis, où Henry Kissinger s'était exclamé : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester passifs et regarder un pays passer au communisme à cause de l'irresponsabilité de son propre peuple », les démocrates « libéraux », Edward Kennedy, Frank Church, s'opposèrent aux complots de leur gouvernement car ils y voyaient, comme dans le scandale du Watergate, une remise en cause de valeurs essentielles de l'Amérique.
Les liens qui se tissèrent à l'époque entre les milieux progressistes européens et leurs « correspondants chiliens » créèrent une intimité exceptionnelle avec la tragédie qui frappa en septembre 1973.
À Paris et Bruxelles, les socialistes, la gauche chrétienne, les communistes, les libéraux-démocrates, vécurent le coup d'État non seulement comme l'assassinat d'une immense espérance mais aussi comme une attaque contre des compañeros.
À côté de la sinistre photo de Pinochet, beaucoup gardent aujourd'hui encore dans leur mémoire meurtrie des images tristes d'amis persécutés ou disparus. Et leur regard se brouille quand ils repensent à ces rencontres fortes dans une taverne de Santiago, autour d'une mélodie de Violeta Parra. Lorsqu'ils pouvaient encore chanter avec elle : Gracias a la vida, que me ha dado tanto. Merci à la vie qui m'a tant donné, le rire et les pleurs, des plages et des déserts, des montagnes et des plaines, et la voix si tendre de mon bien-aimé...

Négus rouge coupable de génocide

L'ancien dictateur éthiopien Mengistu Haïlé Mariam, reconnu par contumace coupable de génocide par la justice de son pays, a été à l'origine de milliers d'assassinats lors de la période dite de la Terreur rouge, de 1977 à 1978.
Agé de 69 ans, celui qui est entré dans l'Histoire sous le sinistre surnom de "Négus rouge" a quitté l'Ethiopie en mai 1991 pour le Zimbabwe, où le président Robert Mugabe lui a accordé l'asile.
Le colonel Mengistu, qui risque la peine de mort, a été reconnu coupable mardi de génocide, homicide, détention abusive et confiscation de biens. La sentence définitive pourrait être prononcée le 28 décembre. Il avait pris la tête du régime militaro-marxiste éthiopien, le 3 février 1977, lors d'un coup d'Etat sanglant qui lui assurait le contrôle du Conseil militaire d'administration provisoire (DERG), groupe d'officiers dirigeant le pays depuis la chute de l'empereur Hailé Sélassié, en 1974.

Les deux années qui suivirent (1977-1978), connues sous le nom de "Terreur rouge", furent marquées par de nombreuses arrestations et des milliers d'assassinats dans le pays.
Depuis 1994, les responsables au pouvoir pendant cette période sont jugés en Ethiopie, nombre d'entre eux en leur absence. Chef de l'Etat, chef des Forces armées, secrétaire général du Parti des travailleurs d'Ethiopie (PTE), Mengistu fut officiellement confirmé en tant que président de la République démocratique populaire éthiopienne en septembre 1987, après avoir quitté l'armée.
Sérieusement menacé en février 1991 par une offensive coordonnée des rebelles du Front populaire du Tigré (FPLT) et du Front populaire de libération de l'Erythrée (FPLE), il avait offert sa démission en avril, si son départ pouvait sauvegarder l'unité du pays. Né en 1937 à Wallayata, Mengistu Haïlé Mariam sort en 1966 de l'école des cadets d'Holetta. Militaire de carrière comme son père, il fait un bref stage aux Etats-Unis.
Après avoir participé, dès 1960, à une révolte contre l'Empereur, il devient délégué au comité de coordination des forces armées d'Addis Abeba, quand éclate la révolution, en février 1974. Il a la peau sombre, la moustache drue. Nombre d'Ethiopiens se souviennent de ses harangues sur la place de la Révolution (redevenue aujourd'hui Meskal Square, la place de la croix), au coeur d'Addis Abeba, et des défilés militaires interminables qu'il y organisait.
Considéré comme le cerveau de la révolution, membre dirigeant du DERG dès le début, il renverse en 7 mois le plus vieil empire du monde. Pour parvenir au pouvoir, il fait preuve d'une redoutable habileté politique et d'une intransigeance brutale envers ses opposants. Après l'assassinat du chef de l'Etat éthiopien, le général Teferi Bante, en février 1977, Mengistu est président du conseil des ministres et du Conseil militaire.
De fait, il est le chef de l'Etat. Soutenu par le camp pro-soviétique dans le conflit avec la Somalie dans l'Ogaden (est), puis confronté à la rébellion nationale érythréenne, il signe une alliance avec l'URSS en 1978 et crée le parti marxiste-léniniste PTE en septembre 1984. De 1983 à 1984, il préside l'Organisation de l'unité africaine (OUA), basée à Addis Abeba.
En mai 1989, il réprime une tentative de coup d'Etat en faisant exécuter 12 généraux. En 1990, il annonce de nouvelles orientations libérales destinées à sortir l'Ethiopie du désastre économique et de la guerre civile. Il tente, parallèlement, un rapprochement avec les pays occidentaux, après avoir renoué les relations diplomatiques avec Israël.
Le président Mugabe, un proche de longue date, lui a accordé l'asile politique en 1991 et a refusé son extradition vers l'Ethiopie. L'ancien chef d'Etat éthiopien, marié et père de famille, a échappé à une tentative d'assassinat en 1996 à Harare.
(D'après AFP)

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