18 décembre 2006

LE docu-fiction, la prépa

Qu'est-ce qui était vrai? Qu'est-ce qui était faux?

Toute l'émission a été diffusée dans les conditions du direct. Ce qui était véritablement du direct, c'était le plateau avec François de Brigode et Alain Gerlache, les réactions recueillies par le standard téléphonique évidemment, Christophe Deborsu devant le Parlement flamand et Frédéric Gersdorff, qui se trouvait devant le Palais royal, et le débat final.
Avec Deborsu, il y avait des figurants, agitant des drapeaux flamands. Ils ont été bientôt rejoints par des vrais extrémistes flamands. A ce sujet, la Sûreté de l'Etat avait appelé la RTBF mardi: elle avait intercepté des mails échangés entre groupes extrémistes flamands qui se fixaient rendez-vous mercredi soir « pour un évément lié à la RTBF ».
L'autre duplex direct, celui de Frédéric Gersdorff, au Palais royal, prévoyait 20 personnes, en arrière-fond: des figurants, censés exprimer leur soutien à une Belgique unitaire. Rapidement, eux aussi ont été rejoints: 200 vrais manifestants, qui expliquaient: « Nous avons bien compris qu'il s'agit d'une fiction mais nous estimons que voilà une belle conscientisation de la part de la RTBF. Nous venons donc parce qu'il faut se battre pour la Belgique. »

Gersdorff, lui, a vécu une situation extordinaire: « Je suis journaliste mais je faisais de la fiction. Or, un moment, devant ces vrais manifestants, je vois leur émotion. Une émotion véritable. Alors,j'ai pris l'antenne en disant: La réalité dépasse la fiction. J'ai fait de la réalité dans un programme de fiction. J'ai véritablement expliqué ce qui ce passait, en sortant de mon rôle de fiction. On était dans le faux? On a basculé dans le réel. »
Tout le reste de l'émission, c'était des séquences enregistrées, des faux directs. Aucun des hommes politiques interviewés n'a été piégé. Ils savaient tous dans quelle pièce ils jouaient. On peut en déduire que leurs propos reflétaient leur opinion. En situation réelle, ils n'auraient pas dit l'inverse. Le contexte était de fiction, les propos étaient réels.
Les modalités: toute la direction de la RTBF avait vu les différentes séquences enregistrées. Tous ses membres disent donc qu'ils n'ont pas vu le produit fini. Les partis politiques n'ont pas été informés de manière officielle mais tous les président étaient au courant et tous les partis avaient des représentants sur le plateau et dans les reportages. Donc, tous étaient au courant. Ce n'était pas le cas de la ministre de tutelle, Fadila Laanan. Furieuse, elle a convoqué Jean-Paul Philippot, administrateur de la RTBF, ce jeudi, pour des explications. Philippot, précisément, réunissait tout son état-major, hier soir, tard, pour tirer les enseingements de l'affaire. Marqué par les événements, il lâchait à ses proches: « On reproche toujours à la RTBF de ne pas faire de l'information dérangeante. Ce soir, ce n'est pas le cas. » Philippot a visionné l'émission dans la nuit de mardi, le go définitif a été donné alors.
Le président de la Société des journalistes de la RTBF, Alain Vaessen: « Nous avons reçu d'abord beaucoup d'appels de journalistes, outrés. Au fil de la soirée, les réactions étaient moins négatives. » La Société des journalistes n'avait pas été consultée - son président bien - pour des raisons de confidentialité. En cours de soirée, une téléspectatrice a expliqué par téléphone que son mari était en mission économique en Bulgarie avec le prince Philippe. Averti du contenu de l'émission, il aurait crier à la cantonnade que « la Belgique, c'est terminé. » Philippe aurait « eu l'air de blémir ». Le reportage dans le tram de la Stib, arrêtant sa course à la frontière linguistique et obligeant ses passagers à poursuivre leur trajet via un bus De Lijn, a été réalisé façon caméra cachée.
La bandelette « Ceci est une fiction » était prévue. Mais la décision de la faire apparaître à l'écran, et à quel moment, devait être prise par Yves Bigot, directeur des antennes, et Jean-Paul Philippot en cours d'émission. Le critère : le taux de réaction des téléspectateurs. Ils croyaient en fait la faire apparaître bien plus tard dans la soirée. Mais le nombre de réactions dans le premier quart d'heure de l'émission notamment a été tellement élevé qu'ils ont décidé de l'afficher beaucoup plus tôt.
Par ailleurs, Bel-RTL a dû lancer des appels au calme, devant, là aussi, le nombre de réactions, et leur teneur. Avenue Ariane, on a dû expliquer le concept de l'émission de... la RTBF.

JEAN-FRANÇOIS LAUWENS

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