24 décembre 2006

Aimez-vous les uns les autres

Le monde sera-t-il meilleur demain ?

Le 22 décembre, journée d'amour contre la violence. Faire l'amour pour la bonne cause, ça marche toujours.


C 'est l'histoire du type, assis derrière son bureau, et qui ne tient pas en place. Tout excité qu'il est. Son collègue lui demande pourquoi et le type répond que c'est parce qu'avec sa femme, ils ne font l'amour qu'une fois par an. « Ben y a pas de quoi se réjouir », dit l'autre. « Hooo si, dit le type. C'est demain ! » Et voilà. Pour le reste de la planète aussi, vous, nous, eux : c'est demain.
Demain, vendredi 22 décembre 2006, tous les êtres humains prendront leur pied. C'est un devoir, une obligation. Comme voter, mais en plus - comment dire - affolant. Parce que demain, c'est la journée du GlobalOrgasm, sans rire, le premier Orgasme mondial synchronisé.

Selon ses concepteurs, les Américains Donna Sheehan, 76 ans, et Paul Reffell, 55 ans, le fait qu'un maximum de personnes dans le monde aient des pensées positives à un moment donné (dans la journée, peu importe l'heure) devrait pouvoir modifier « le champ d'énergie de la Terre » et « réduire les dangereux niveaux actuels de violence et d'agression ». Et quel meilleur pourvoyeur d'ondes positives qu'un bel orgasme ?
Le projet des deux pacifistes - cofondateurs de l'organisation antiguerre Baring Witness dont on reconnaît les activistes à ce qu'ils manifestent toujours nus - invite les hommes et les femmes de tous les pays, mais « particulièrement ceux où il existe des armes de destruction massive », à avoir des relations sexuelles le jour du solstice d'hiver, et à avoir des pensées pacifistes... avant, pendant et après. Un petit remake du slogan soixante-huitard « Faites l'amour pas la guerre », en somme. Sauce 2006.
Sur leur site, un compte à rebours ; un blog ; une vidéo où de petits soldats de plastique succèdent au mot « Peace » écrit sur une plage, à une capote, à une poignée de main ; une boutique on-line avec des magnets, des autocollants et des tee-shirts « We came in peace » (le jeu de mot qui tue : « On est venus en paix » ou « On a joui en paix »)...
Sheehan et Reffel s'y disent aussi préoccupés par la guerre en Irak et les manoeuvres américaines dans le golfe Persique, alors que l'Iran persiste à défier les puissances mondiales au sujet du nucléaire.
Alors, contrer les effets néfastes du 11 septembre et du tsunami par une grande partie de jambes en l'air : un canular, une utopie ou une idée de génie ? Scientifiquement, ça rappelle la grosse blague du World Jump Day, où le monde entier devait sauter à jour et heure fixe, histoire de faire dévier légèrement l'orbite de la planète pour lutter contre son réchauffement.
Mais nos deux militants croient dur comme fer au sérieux de leur GlobalOrgasm et renvoient les incrédules vers un programme de l'Université de Princeton (New Jersey) intitulé Global Consciousness Project qui tente de mesurer l'effet d'événements mondiaux catastrophiques sur la conscience humaine. Restaurer par l'amour ce qui a été déséquilibré par la haine, rien de nouveau là-dessous.
Fin des années 60 déjà, John Lennon et Yoko Ono militaient pour la paix depuis leur lit et posaient nus dès qu'ils le pouvaient. Si internet avait existé, sûr qu'ils auraient été suivis dans la seconde. « Dans le cas de l'altermondialisme, tout se joue par l'intermédiaire d'internet, décrypte le professeur Bernard Francq, sociologue à l'UCL. C'est le Net qui donne une ampleur mondiale au processus. Le Time Magazine, qui consacre tous les ans l'homme ou la femme de l'année, a publié, cette fois, un miroir. Pour nous refléter et souligner ainsi la prolifération des blogs. Et puis à côté de la magie d'internet, on trouve, dans un événement comme le GlobalOrgasm, l'autre face du mouvement altermondialiste. Pas celle des intellectuels critiques qui réfléchissent, se pètent le nez dans les analyses, non, celle de la subjectivité. A côté de la raison, du sérieux, il y a le joyeux. Consacrons un moment à nos corps ! Cette culture tout à fait basique est très importante et quoi qu'il arrive, le monde ne s'en portera pas plus mal. On se sera envoyé en l'air, au moins se souviendra-t-on de ce jour-là... Ça me rappelle ma jeunesse, les situationnistes... »
Ceux dont est parti Mai 68. Ceux qui rêvaient de révolution permanente au quotidien et voulaient « rendre la vie passionnante ». Comme elle le sera demain, de minuit à minuit.
www.globalorgasm.org
http://noosphere.princeton.edu

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