Qui maîtrise la situation ?
Encéphalogramme plat pour les négociations
155 jours sans gouvernement. La recette Van Rompuy/De Decker ? Un grand forum institutionnel. Les deux présidents d'assemblée ont leur plan pour tenter de rapprocher les communautés, mais la table de réunion risque de comporter des places vides.
La semaine s'était achevée par un froid glaciaire. Le week-end n'a rien réglé. Le contact reste rompu entre les partis de l'Orange bleue. Le formateur Yves Leterme est au chômage technique depuis que CDH et MR ont décidé de suspendre la négociation. Et comme le laissait entendre Didier Reynders, hier, cela pourrait durer « quelques jours ou quelques semaines ».
Encéphalogramme plat.
MR et CDH continuent à demander que l'on engage un gouvernement socio-économique. Le cartel CD&V/N-VA, lui, réclame aux francophones un geste indiquant qu'ils sont prêts à engager une réforme de l'État.
Samedi, devant son parti, Bart De Wever, président de la N-VA, a lancé ce message aux MR et CDH : « Si ce pays doit continuer à exister, ceux qui appellent le plus fortement de leurs vœux la persistance de l'État belge doivent prendre leurs responsabilités pour une réforme de l'État. »
Traduction : le plus sûr moyen de faire éclater le pays, c'est d'empêcher la Flandre d'accroître son autonomie.
Voilà pour la température.
Si on ne perçoit aucun réchauffement, on sait au moins d'où il pourra venir. Chargés par le Roi de rétablir le dialogue, les présidents de la Chambre et du Sénat se sont mis au travail samedi. Herman Van Rompuy (CD&V) et Armand De Decker (MR) ont reçu les présidents des partis libéraux, centristes, socialistes et verts. Dimanche, ils ont livré un premier rapport au Roi.
Que préparent-ils ? Que proposent-ils ? Les deux pacificateurs travaillent à partir du « quasi-accord » institutionnel auquel était parvenu Van Rompuy au terme de sa mission d'explorateur. Que disait cet accord ? En gros : 1. on forme le gouvernement ; 2. on règle BHV dans les trois mois qui suivent ; 3. le débat institutionnel, piloté par les présidents de la Chambre et du Sénat, doit produire des résultats dans l'année.
Acceptée par MR, CDH et CD&V, ce préaccord calait sur l'exigence de la N-VA, résolue à notamment obtenir des régionalisations dans le domaine fiscal.
Van Rompuy et De Decker seraient en train de réaménager ce « quasi-accord », singulièrement dans son point 3.
Ils suggèrent ainsi d'organiser un grand forum en vue de clarifier une bonne fois pour toutes l'avenir institutionnel du pays.
Rassemblant tous les partis, et « délié » de l'Orange bleue, ce forum serait présidé alternativement par quelqu'un de la majorité et quelqu'un de l'opposition.
Capital – si l'on veut apaiser les Flamands : ce forum serait lancé très vite, avant même la mise sur pied du gouvernement.
Ses portes ne seraient pas verrouillées : ceux qui refusent d'y assister (ce sera sans doute le cas du PS et du SP.A) pourraient le rejoindre en cours de route, s'ils changent d'avis.
Cette proposition passera-t-elle la rampe ? À voir cette semaine. Les deux pacificateurs comptent revoir les présidents de parti dès mardi soir ou mercredi.
Autre étage du débat de l'heure : après cette semaine de crise, l'Orange bleue reste-t-elle l'option ? Ce week-end a offert aux uns et aux autres de rappeler les préférences/exclusives exprimées depuis le 10 juin… et d'en émettre de nouvelles.
Alors : une tripartite traditionnelle (libéraux/centristes/socialistes) ? La vigueur de la crise a réveillé cette hypothèse… aussitôt tuée par Reynders. « Pourquoi ramener à la table des partis désavoués par l'électeur ? », a-t-il dit dimanche, en visant PS et SP.A.
Un Olivier (rouges/verts/oranges) ? Le CD&V ne veut pas des socialistes et puis, bonne chance pour mettre le MR sur la touche.
Une Jamaïquaine (Orange bleue + verts) ? Douteux. Écolo et Groen posent des conditions élevées, sur le fond (pas de réforme fiscale, par exemple) comme sur le casting. Écolo refuse tout compagnonnage avec la N-VA et voilà que Groen, samedi, a jeté une exclusive du même type à l'égard du FDF. La Jamaïquaine imposerait donc d'exploser le cartel flamand et de démembrer la fédération libérale ? Difficile…
L'Orange bleue, donc ? Oui. Par choix ou par défaut. Envers et contre tout. Mais confirmer cette option, c'est (re)poser la question de l'appui à la réforme de l'État – l'Orange bleue n'a pas les 2/3 au Parlement. Étant dit que le CDH exclut que l'Orange bleue cherche de l'appui du côté de l'opposition flamande uniquement. Cela ramène la balle dans les pieds d'Écolo et du PS, peu enclins a priori à épauler l'Orange bleue dans son labeur institutionnel. Cela posé, l'on se dit que l'ampleur de la crise pourrait éventuellement « attendrir » ces deux partis sur lesquels le Palais (lundi ou mardi) devrait, dit-on, mettre la pression…
Reçus par le Roi, les deux réconciliateurs tentent de lancer un dialogue entre le Nord et le Sud du pays.Mais les présidents continuent à se déchirer.Les francophones tentent de s'unir, mais les rivalités MR-PS paralysent le dialogue.
Analyse
Morte et enterrée, l'orange bleue ? Pas encore. Agonisante ? Ça oui, même si on a connu des guérisons miraculeuses. Mais le problème, aujourd'hui, est sans doute plus fondamental que la survie ou la prolongation des négociations pour la formation du prochain gouvernement. En ce lendemain d'armistice, ce n'est pas la paix qui est en vue, c'est la guerre qui couve. Pas une guerre qui tue, qui fait couler du sang. Mais une guerre des tranchées, quand même, qui pourrait bien anéantir ce que les "poilus" d'il y a 90 ans ont préservé, à savoir l'unité du pays. Dès lors, les quelques hommes et femmes d'Etat qui restent se mobilisent pour tenter de sauver l'essentiel.
1 Comment comprendre ce qui se passe ? La difficulté, pour comprendre l'évolution de cette crise fondamentale de la Belgique, provient du fait que les principaux acteurs livrent une véritable partie de poker. Personne ne dévoile vraiment ses cartes ou son jeu. Le but recherché n'est pas celui qui est annoncé par son auteur. Les déclarations servent plus à sauver la mise, face à son opinion publique, à essayer de sortir la tête haute d'un échec annoncé, qu'à chercher réellement une solution à la crise. Il faut donc tant se méfier des ukases, des ultimatums, des coups de gueules que des sourires et des accolades. Autrement dit : l'orange bleue n'est peut-être pas encore au bord de l'implosion et le front des francophones n'est peut-être pas aussi uni qu'on pourrait l'espérer.
2 Qui a la main, pour l'instant ? Personne ! Avec le vote antifrancophone (la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde votée par les seuls députés flamands, extrême droite comprise) de mercredi dernier, on a atteint un paroxysme dans les tensions entre francophones et Flamands. Mais les partis du Nord ne s'attendaient pas à une réaction aussi musclée des francophones même si celle-ci, il faut l'admettre, a eu des ratés au début, les partenaires de l'orange bleu donnant le sentiment qu'ils poursuivraient sans encombre la mise sur pied du futur gouvernement sous l'autorité - c'est un bien grand mot - d'Yves Leterme. Donc les francophones ont demandé des gages de respect et de confiance et les Flamands continuent de réclamer les garanties d'une grande réforme de l'Etat, avant tout accord gouvernemental. Ce faisant, ils contredisent non seulement le Roi, qui leur a demandé de dissocier les deux discussions mais aussi Yves Leterme et peut-être Jo Vandeurzen (deux hommes que l'on dit K.-O. debout) lesquels avaient explicitement marqué leur accord pour une telle formule. Mais c'était sans compter la N-VA et son président Bart De Wever qui avait besoin de mâles promesses institutionnelles à la veille du bureau de son parti, samedi. Voilà, c'est fait. Mais qui va gérer la suite, au sein du cartel flamand ?
3 Et ce dialogue entre les communautés ? Ce week-end, les présidents de la Chambre et du Sénat, Herman Van Rompuy et Armand De Decker, ont reçu les huit présidents de partis démocratiques pour évaluer leur appétence à participer à un dialogue de communauté à communauté. Il ne s'agit pas, insiste Armand De Decker (voir ci-contre), de sauver l'orange bleue, mais bien de tenter, après l'agression politique dont ont été victimes les francophones, une grande réconciliation nationale, dans le respect des aspirations de chacun et de chaque communauté. Pour relever ce défi, il importe de mobiliser toutes les forces politiques afin de définir les conditions d'un nouveau vivre ensemble, d'un nouveau pacte entre tous les Belges.
4 Pourquoi les socialistes refusent-ils ? Mais curieusement, les partis socialistes, le SP.A et le PS ont - même si ce n'est pas encore très clair - décliné l'offre de service au motif qu'ils n'entendent pas jouer les sauveteurs de l'orange bleue. Est-ce pour tenter de les convaincre et d'insister sur le côté impartial du dialogue de communauté à communauté, que le Roi recevra ce lundi, à son tour, les présidents des huit partis démocratiques ?
Peut-être les socialistes quitteront-ils ainsi une position difficile à gérer sur le long terme. Comment, en effet, refuser de participer à une grande convention dont le but est d'empêcher (ou de retarder ?) l'implosion du pays ? En posant comme préalable à sa participation au dialogue la mort de l'orange bleue (c'est à cela que revient sa position), Elio Di Rupo se place dans un jeu politicien qui risque de se retourner contre lui. Car le PS aurait peut-être tout intérêt à y participer plutôt que d'en être exclu comme le seront les partis d'extrême droite, quitte à exiger que le rythme des travaux soit totalement indépendant de ceux de la majorité gouvernementale. Exiger pour "laver l'affront francophone" que les Flamands, dans la même commission de l'Intérieur, revotent un texte allant à l'encontre de ce qu'ils ont décidé en scindant BHV relève de la plus pure utopie. Il faudra, c'est certain, c'est indispensable, un "geste fort" démontrant que la confiance et le respect sont rétablis, empêchant même que ce genre de vote linguistique ne puisse se reproduire. Mais c'est bien à l'intérieur que ce dialogue entre les communautés, le nouveau dispositif institutionnel empêchant de nouvelles agressions, devra être conçu.
5 Dispersés les francophones ? Mais, avant cela, les francophones ne feront pas l'économie d'un grand débat sur leur espace politique. On peut d'ailleurs se demander pourquoi les travaux du groupe Wallonie-Bruxelles n'ont pas encore commencé. Il y a là, plus qu'une urgence, une nécessité absolue qui doit permettre aux francophones de venir unis à ce dialogue, unis et forts. Peut-être alors sera-ce plus aisé pour les francophones d'entrer dans une dynamique de réforme de l'Etat, pourvu qu'elle soit équilibrée et stabilisante.
6 Et Yves Leterme ? L'orange bleue, on l'a dit, n'est pas encore complètement condamnée même si ses négociateurs ressemblent de plus en plus à de pauvres bougres s'agrippant aux parois glissantes d'un chaudron en ébullition. Lorsque les francophones se seront concertés, lorsque le dialogue sera lancé (hypothèse optimiste, on l'admet), Yves Leterme pourrait reprendre ses négociations. Yves qui ? Ah oui, le formateur, on allait presque l'oublier, ce Tindemans avant l'heure, porté aux nues par 800000 électeurs le 10 juin dernier et voué aux gémonies, le week-end dernier, par les éditorialistes flamands qui le jugent à présent incapable de réussir à former un gouvernement. C'est bien la première fois que la presse flamande et Olivier Maingain se rejoignent... Reste à persuader les cadres du CD & V et de la N-VA qu'il y a dans ce parti d'autres personnes qui feraient mieux le travail que lui.
De Decker : "Dans l' intérêt du pays"
Le président du Sénat estime indispensable de fuir les attitudes partisanes.L'initiative, insiste-t-il, n'est en rien une tentative de sauvetage de l'orange bleue.
Les présidents du Sénat, Armand De Decker (MR) et de la Chambre, Herman Van Rompuy, (CD & V) ont été reçus, dimanche après-midi, pendant deux heures et quinze minutes par le roi Albert II. Ils lui ont présenté un état des lieux très complet de la situation, un aperçu détaillé de la position des présidents des huit partis démocratiques que le chef de l'Etat recevra, à son tour.
Nous avons interrogé Armand De Decker à sa sortie du Palais.
Comment rétablir la confiance entre le Nord et le Sud ?
Il est grand temps d'agir dans le seul intérêt supérieur du pays. Le dialogue entre les communautés est de la responsabilité de chacun. Et le moment est venu de ne plus réagir en termes électoraux ou postélectoraux. Cinq mois après les élections, l'enjeu doit supplanter les réflexes politiciens. Il est urgent de chercher des réponses aux grandes questions qui se posent, c'est-à-dire à la manière de rétablir la confiance entre les communautés et bien entendu la constitution par ailleurs, je dis bien par ailleurs, d'un gouvernement.
Votre initiative n'est donc pas un sauvetage de l'orange bleue ?
Pas du tout. Qui dit, d'ailleurs, que ce sera l'orange bleue ? Ce sera peut-être autre chose. Notre exercice va durer un certain temps. Quand on réfléchit à tout ce à quoi il faut penser... Ce qui doit voir le jour, c'est une forme de dialogue qui doit renforcer la confiance mutuelle et permettre une réflexion approfondie sur l'avenir de notre pays, la Belgique.
Condition de la réussite : que tous les partis démocratiques y participent. Or les socialistes semblent réticents...
Je ne vois pas très bien comment un parti démocratique pourrait refuser un dialogue politique. Cet exercice est, je le répète, totalement indépendant de la formation du gouvernement.
Quelle forme prendra finalement ce dialogue ?
C'est trop tôt pour vous le dire.
Certains avaient émis l'hypothèse d'associer des personnalités non-politiques, des représentants de la société civile...
Pas de réponse à formuler à cette question.
Peut-on vous appeler les "réconciliateurs" ?
(Rires)... Je trouve cela flatteur mais je ne pense pas la situation soit à ce point tragique qu'on doive parler de réconciliation. Il y a eu un moment terriblement blessant et regrettable, le vote unilatéral en commission de l'Intérieur de la Chambre, qui s'est retourné contre leurs auteurs, de manière très forte. Ils en sont punis.
Pensez-vous que les Belges veulent-ils encore vivre ensemble ?
Je crois que les Belges ont, depuis 177 ans, démontré qu'ils pouvaient fort bien vivre ensemble et je pense qu'ils sont totalement déterminés à le faire. Il est vrai que nous vivons un moment important de notre histoire, pour le pays et pour les 10 millions d'habitants. La Belgique connaît des problèmes communautaires. Tous les 20 ans, elle traverse des moments difficiles. Mais chaque fois, le dialogue permet de trouver des solutions. Il faut trouver la meilleure manière de lancer un dialogue, un vrai dialogue. C'est dans cet état d'esprit que nous allons travailler et dans l'espoir de moderniser la Belgique dans le respect de chacun et de chaque communauté.
Maingain : "Pour un pacte de dignité"
Le président du FDF appelle les francophones à rester unis et à définir une stratégie de défense de leurs intérêts.Il faut éviter la répétition de la gifle imposée par la Flandre.
Entretien
Meilleur défenseur des francophones ou boutefeu ingérable, il est, en tout cas, la bête noire des hommes politiques flamands. Rencontre avec le président du FDF, Olivier Maingain.
Vous demandez un geste de respect et de confiance des hommes politiques flamands. Concrètement, qu'attendez-vous ?
Il y a d'abord le respect strict de la mission qu'a donnée le Roi. Le Roi a clairement distingué ce qui relevait de la formation du gouvernement fédéral, qui sont des priorités socio-économiques, et ce qui relève de la mission confiée aux deux présidents des assemblées fédérales, qui tient en la définition d'un lieu de dialogue de communauté à communauté. Les deux missions sont totalement dissociées. Il ne peut être concevable que la formation du gouvernement fédéral soit conditionnée par le débat de communauté à communauté. Ce sont des temps opératoires distincts, des acteurs et des objectifs différents. Ceux qui veulent exercer un chantage à la formation du gouvernement fédéral méconnaissent la mission confiée par le Roi au formateur. Le formateur doit faire comprendre aux siens qu'il n'est plus chargé de mener quelque débat institutionnel que ce soit.
Après le vote de mercredi, comment "laver l'affront" ?
Nous ne pouvons pas vivre sous la menace de votes à majorités simples sur les dossiers institutionnels. Si les partis flamands retentent une opération comme l'on vient de vivre, mais centrée cette fois sur les aspects judiciaires de BHV, il n'y a plus de formation gouvernementale possible. Il doit y avoir un engagement explicite de renoncer à tout vote sur un sujet qui met en péril les intérêts de l'autre communauté. Il faut imposer une digue qui empêche la répétition. Si à chaque fois que les partis flamands souhaitent aller de l'avant sur un sujet institutionnel à majorité simple, ils nous disent qu'à défaut de les suivre, ils imposeront leur loi, c'est invivable.
S'il y a vote, on stoppe les négociations... vous le disiez déjà mercredi dernier avant le vote. Après...
Je n'ai pas été le seul à dire que ce vote signifierait la fin de la mission d'Yves Leterme. Je me souviens des déclarations de Charles Michel ou de Melchior Wathelet. Et je continue à penser qu'Yves Leterme n'a pas l'autorité d'un formateur ni la capacité d'un rassembleur. Le Roi a pris la décision de le maintenir dans une mission limitée aux priorités socio-économiques. J'en ai pris acte et je respecte la décision du chef de l'Etat. Tout le monde doit la respecter.
Avez-vous été poussé à nuancer vos propos, mercredi après le vote, ou pensiez-vous vraiment que le vote allait entraîner la fin des négociations...
... la fin de la capacité d'Yves Leterme à conduire un débat institutionnel. Je le confirme. La preuve est qu'il en est déchargé.
Estimez-vous qu'il faut poursuivre l'expérience orange bleue mais avec un autre formateur ?
Pour le moment, c'est Yves Leterme qui est chargé d'une telle mission. Il est contesté dans ses propres rangs par ceux qui veulent redonner une priorité institutionnelle à la formation du gouvernement. C'est à Yves Leterme de dire ce qu'il peut maîtriser dans son parti. On en est toujours au même stade. S'il en est incapable, il devra en tirer les conclusions. Nous n'en sommes pas là. Et avant de reprendre les négociations, il y a un préalable : que les Flamands posent un geste d'apaisement significatif.
Didier Reynders plaide pour la fin du cartel CD & V/N-VA...
Cela pourrait déjà changer le climat mais je ne sous-estime évidemment pas ce qu'est la tendance la plus nationaliste et en pointe du CD & V. La rupture du cartel entraînerait peut-être une minorisation de ceux qui se sont fait les alliés de la N-VA. Cela ne serait pas pire que ce que nous subissons aujourd'hui comme menace sur l'existence-même du pays. M. De Wever travaille à miner ce pays.
C'est le noeud. Les Flamands refusent de poser un geste d'apaisement. Et les francophones refusent de donner la garantie qu'il y aura bien une réforme de l'Etat substantielle...
M. Leterme doit dire s'il assume les conditions posées par le Roi à la poursuite de sa mission. S'il ne maîtrise pas ses amis politiques, prêts à saborder sa mission, qu'il le fasse savoir...
Ce sont vos déclarations qui ont mis le feu aux poudres...
Quand je lis la presse flamande de ce week-end, elle est encore bien plus sévère que moi à l'égard d'Yves Leterme. Un journaliste flamand m'a dit : "Vous insultez M. Leterme", tout cela parce que j'avais déclaré que M. Verhofstadt avait plus de talent que M. Leterme, ce que je continue à penser. Dire du bien d'un autre homme politique flamand, c'est insulter M. Leterme ?
Mais pour vous, les négociations gouvernementales ne pourront donc plus porter sur les questions institutionnelles ?
C'est la portée même de la mission qui a été donnée à Yves Leterme. Il faut accepter le rôle et l'autorité du chef de l'Etat. Il y a eu un affront envers les francophones, je n'ose imaginer qu'il y en ait un, à présent, à l'encontre de la personne du Roi. Certains hommes politiques flamands, je dis bien certains, refusent d'accepter le jeu des institutions.
Les négociations sont donc arrêtées. Le pays peut-il se permettre un vide total pendant quelques jours voire plusieurs semaines ?
Il est urgent de relancer la concertation entre les partis francophones. Je voudrais que le débat partisan s'efface devant la recherche d'un consensus indispensable. Les circonstances sont trop graves pour que les francophones étalent leurs divisions partisanes. Ce qui s'est passé au parlement de la Communauté française à l'initiative du chef du groupe socialiste, Léon Walry, était indigne. Il est temps de se ressaisir.
Sur quoi doit déboucher cette concertation ?
Il faut que l'on réfléchisse à deux choses. Qu'est-ce que les partis francophones considèrent comme étant leurs intérêts, ce sur quoi nous ne pouvons céder sous peine de menacer gravement notre avenir collectif ? La deuxième chose est de définir notre conception de l'Etat fédéral, le socle de base en termes de pouvoirs, de compétences et d'organisation.
Comme l'ont fait les partis flamands en 1999 ?
Il faut reconnaître que les francophones sont en retard par rapport à ce qu'ont fait les partis flamands en 1999. Je ne propose pas de voter des résolutions comme l'ont fait les Flamands. Mais les circonstances nous obligent à mener un débat en interne. Je ne parle pas d'un front mais plutôt de convergences, d'un discours commun de sorte que les partis flamands cessent de croire que si l'on change de partenaire francophone, ils pourront toujours faire avancer le débat institutionnel à leur guise et dans la direction qu'ils souhaitent. Ce travail doit être fait de commun accord. Les francophones doivent établir ensemble un pacte de dignité. Le débat sur BHV, on le retrouvera dans quelques mois. Il faut que nous préparions une réponse forte et unanime.
Ce dossier n'est-il pas le révélateur du malaise belge ?
Il révèle le sentiment qu'ont les partis flamands que les partis francophones ne peuvent plus s'opposer à l'évolution institutionnelle du pays. Le chantage qui est de dire que le pays n'existera qu'aux conditions fixées par les Flamands, est évidemment, comme l'a dit Didier Reynders, le début du confédéralisme.
Les socialistes semblent vouloir refuser de participer au dialogue entre communautés par crainte de participer à une entreprise de sauvetage de l'orange bleue ?
Ce serait une erreur que d'analyser, de manière partisane, la mission donnée par le Roi aux présidents des assemblées fédérales, surtout si cela est précédé par un travail entre francophones. Il ne s'agit pas d'un simulacre et d'un faux-semblant. Fuir les lieux de débat n'est pas la bonne manière de préparer l'avenir.
Un front francophone lézardé
A crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Le Palais lui-même innove. Il nous avait déjà donné un explorateur. Voilà qu'il nous propose deux réconciliateurs. Mission : "Entamer un dialogue sur la poursuite de l'élaboration équilibrée de nos institutions et un renforcement de la cohésion entre les communautés."
Leterme, pendant ce temps-là, poursuit sa mission sur tout le reste. A ceci près que la négociation est à l'arrêt. On ne se parle plus au sein de l'orange bleue. Non seulement le formateur est en chômage technique, en quelque sorte, mais, en plus, au Nord comme au Sud, tout le monde le trouve nul.
Quand à la mission des réconciliateurs elle s'assimile à un exercice de voltigeur de haut vol. C'est que la mission qui leur a été confiée par le Roi fait l'objet d'interprétations radicalement différentes selon que l'on est flamand ou francophone.
Pour le MR et le CDH, c'est clair, Yves Leterme ne peut plus se mêler de questions communautaires. Mieux, si les partis flamands de l'orange bleue s'engagent sans arrière-pensées dans ce processus, ils pourraient estimer qu'il s'agit-là du geste d'apaisement qu'ils attendent après la claque reçue lors du vote sur BHV.
Le CD & V/NV.A et l'Open VLD font une lecture fort différente du processus engagé. Non seulement ils exigent que Leterme poursuive sa mission, y compris sur le volet communautaire. Mais ils attendent des francophones qu'ils s'engagent sans retenue dans la voie d'une réforme institutionnelle de première grandeur. Et si les francophones traînent par trop des pieds, ils menacent de renouveler les passages en force comme ils l'ont fait pour BHV.
Devant une telle cacophonie, le Roi a décidé de reprendre la main et de voir, ce qu'il n'avait pas fait la semaine dernière, l'ensemble des partis démocratiques. Histoire que tout le monde comprenne la même chose. On verra alors si la mission des réconciliateurs a une petite chance d'aboutir.
En attendant, les francophones ont encore réussi à faire étalage de leurs divergences. Au parlement de la Communauté française d'abord : ils ont échangé des noms d'oiseaux et, sur les plateaux de télévision, ce dimanche, chacun a pu les voir s'étriper à qui mieux mieux. Il serait temps que les leaders francophones fassent passer leurs ambitions personnelles derrière l'intérêt commun.
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