Bien loin de l'Armistice
Chaque camp reste sur ses positions. La sortie de crise se fait attendre
L'édito de Christian Carpentier
Les francophones méritent mieux
Il y a un temps pour chaque chose. Et l'intelligence, en politique, est de savoir le choisir. On a donc de quoi être profondément inquiet, suite aux agressions à répétition survenues depuis vendredi, entre partis francophones. À l'heure où la crise n'a jamais semblé aussi profonde ni le pays autant exposé à la menace d'éclatement, on serait en droit d'attendre de leaders politiques dignes de leur mandat qu'ils dépassent leurs divergences cyniques et intéressées pour faire bloc. C'est d'autant plus indispensable à l'heure où la Flandre vient, pour la première fois, de montrer jusqu'où elle était prête à aller pour imposer ses vues.
Le piètre spectacle - parce que, hélas, c'en est un - offert depuis vendredi est pourtant d'une tout autre nature. Il était légitime, pour le PS, de s'interroger sur les coulisses du fait majeur survenu mercredi en commission. Mais le faire en pleine séance de vote de la riposte à l'agression flamande relevait plus que de la faute de goût. Le tir nourri de ce dimanche entre MM. Di Rupo et Reynders, entre lesquels le divorce est définitivement consommé et qui préparent déjà, tous deux, le retour aux urnes de 2009, n'a guère été mieux placé.
La colère du PS, à l'évidence, se trompe de cible et fait preuve d'une bien mauvaise mémoire. Car si un vote est survenu à propos du dossier BHV, c'est aussi parce que le gouvernement sortant n'a jamais réussi à le solutionner, malgré une longue tentative en 2005. Et dans ce gouvernement sortant, libéraux et socialistes étaient représentés à parts égales.
En attendant, la Flandre doit bien rigoler de voir ces francophones décidément infichus de trouver le consensus minimal en leur sein pour faire bloc. Et elle a déjà compris que si, même dans un contexte aussi dramatique que l'actuel, ses pairs ne sont pas capables de s'unir autour d'une riposte, ses vues indépendantistes ont encore de beaux jours devant elles. Il lui suffira de jouer PS contre MR pour obtenir, demain, satisfaction sur ses revendications.
Les francophones méritent mieux que ces petits jeux. Mais ils sont surtout en droit d'attendre de leurs leaders qu'ils leur donnent d'autres perspectives que celle d'un pays dans lequel plus aucun dialogue, gage indispensable d'un avenir, ne semble possible. © La Dernière Heure 2007
Le duBus du jour
La sortie de crise n'est pas pour demain. Et le Palais, ce dimanche, a compris qu'il devait de nouveau entrer en piste. Il l'a annoncé au terme de l'entrevue d'Albert II avec les présidents de la Chambre et du Sénat, Herman Van Rompuy (CD & V/NV-A) et Armand De Decker (MR).
Jeudi, après avoir reçu un sixième rapport d'Yves Leterme (CD & V/NV-A), Albert II avait annoncé sa décision de les recevoir durant le week-end pour les charger de déminer le brûlot institutionnel. Pourquoi pas dès vendredi ? En coulisses, on l'explique par une indisponibilité du Roi, invité à une activité privée.
Bref, les deux hommes, face à l'urgence, n'auront pas attendu l'audience pour se mettre à la tâche. Dès samedi, les présidents des partis démocratiques ont défilé dans les salons feutrés du Sénat. Avec pour fait majeur le refus socialiste de voler au secours de l'Orange bleue.
Elio Di Rupo (PS) l'a confirmé ce dimanche, en plaçant la barre très haut. Il met désormais comme exigence à la Flandre de "retirer l'affront " de mercredi sur BHV par un autre vote en sens inverse.
Inutile de dire que c'est aux antipodes de la position du CD & V/NV-A qui, lui, exige la certitude d'une réforme de l'État avant de s'engager dans tout accord de gouvernement. Or, sans passer par les voix des extrémistes, cette réforme est impossible à réaliser sans l'apport socialiste, du moins pour les sujets à voter aux 2/3 que le CDH, de surcroît, persiste de toute façon également à rejeter.
Bref, c'est calé de chez calé. Et le Roi revient en piste pour sonder (et apaiser ?) à son tour les âmes, ce que certains lui reprochaient de ne pas avoir fait dès le vote de mercredi.
Albert II consacrera donc ses journées de ces lundi et mardi à recevoir les présidents des partis démocratiques. Avec eux, il jaugera la marge de manoeuvre, très mince.
Seule voie possible
Consistera-t-elle à s'éloigner de l'Orange bleue ? On avait cru le comprendre des propos tenus ce dimanche en télévision par Didier Reynders (MR), rappelant, en parlant de la NV-A, que "personne n'est incontournable " (lire par ailleurs).
Sa porte-parole sera forcée de corriger le tir en fin de journée : il ne s'agissait nullement de fixer pour ultimatum au CD & V de se séparer de son partenaire. De fait, tout indique que le cartel survivra à la crise, à 20 mois des élections régionales.
Alors, quel sera l'apport des entrevues du Roi ? Et si c'était tout simplement de démontrer, une fois de plus, qu'aucune réforme de l'État n'est possible et que la seule voie de salut est la formation rapide d'un gouvernement Orange bleue axé sur le socio-économique ?...
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