19 novembre 2007

"Dire non à tout, c'est faire exploser la Belgique"

Le propos n'est pas d'un Flamand, mais de Hervé Hasquin (MR). Les libéraux posent le geste demandé par le Nord.

C'était l'ambiance des grands jours, vendredi matin, au Mouvement réformateur, où se réunissait l'intergroupe parlementaire présidé par le député wallon Richard Miller. " Journée historique ", s'est même exclamé Hervé Hasquin, administrateur-délégué du Centre d'études Jean Gol.
Que s'est-il donc passé de si important ? Quelques heures avant la réunion des présidents de partis francophones, le président du MR, Didier Reynders, est venu présenter aux élus du Mouvement son regard sur l'évolution de la crise politique. "La Belgique de papa a vécu", a-t-il dit après la réunion, paraphrasant Gaston Eyskens, ancien Premier ministre CVP. Le président du MR (un mouvement qui au fil des ans a intégré une partie du Rassemblement wallon et les fédéralistes bruxellois du FDF) a précisé que sa formation politique devait accepter le principe d'une prochaine réforme institutionnelle, une position qu'il avait déjà défendue avant et après les élections et qu'il a tenu à réaffirmer vendredi matin, donnant ainsi aux partis flamands la garantie offerte par le MR quant à une prochaine réforme de l'Etat.


Hervé Hasquin résume ainsi son intervention : "Dire non à toute évolution de l'Etat, c'est faire exploser la Belgique. L'Etat stationnaire est un mythe. Je peux comprendre qu'il y a encore des nostalgiques de la Belgique unitaire et des personnes qui n'ont pas encore intégré l'existence des régions et des communautés. La Belgique telle qu'on la connaît aujourd'hui va devoir évoluer. C'est la condition sine qua non pour que la Belgique survive. Bien sûr, il faut que Bruxelles ait toujours son rôle et que notre Etat ait encore une visibilité suffisante et crédible à l'extérieur. Il ne faut pas confondre compromis et compromissions. Mais je pense qu'il faut faire à présent de la pédagogie. Cela ne sert à rien d'anesthésier les opinions publiques en n'osant pas leur expliquer les choses.."

Si le MR accepte le principe d'une réforme de l'Etat, elle doit, ont dit plusieurs intervenants à l'Intergroupe, être négociée, équilibrée et consensuelle. "Participer à une réflexion sur l'avenir de la Belgique ne signifie pas que l'on partage l'entièreté des demandes des autres partis, flamands en particulier", explique un élu MR. Toutefois, d'après les commentaires émis vendredi matin, il semble que les libéraux ne soient pas opposés à une certaine régionalisation de la fiscalité (société et personnes physiques). D'ailleurs, les soustractionnels actuellement autorisés (6,25 pc) ne sont toujours pas utilisés par les régions. Certains réformateurs sont aussi favorables à une régionalisation de l'emploi, l'activation des chômeurs par exemple.
Le président de séance, Richard Miller, a exceptionnellement fait procéder à un vote sur la ligne ainsi adoptée : unanimité.

Plus ouvert face aux partis flamands, dans la discussion sur la réforme de l'Etat que sur la scission de BHV, le MR a donc donné les gages attendus. On verra le résultat.

Si, si, on peut débattre en français
L'obligation d'utiliser le néerlandais dans les conseils communaux de la périphérie ne s'applique pas aux simples élus. Parole de Cour.
Ce sont des raisons juridiques et pas politiques qui poussent donc, à l'en croire, le ministre flamand des Affaires intérieures, Marino Keulen, à ne pas nommer trois bourgmestres francophones des communes à facilités... Voici une argumentation qui mérite à tout le moins d'être nuancée. A vrai dire, commente le constitutionnaliste Marc Uyttendaele (ULB), "il est difficile de sortir d'une logique qui n'est que politique, de part et d'autre. Chacun décale sur le terrain juridique sa propre musique politique". Reprenons chacun des griefs flamands principaux.
L'organisation des élections communales de 2006. On peut continuer à penser ce que l'on veut des circulaires Peeters, et plus encore de l'arrêt du Conseil d'Etat qui les a validées, en date du 23 décembre 2004 (pour rappel : son interminable attente, le dessaisissement tardif des chambres bilingues, l'avis de l'auditeur favorable aux thèses francophones...), mais elles existent et, formellement, imposent d'envoyer d'abord toutes les convocations électorales en néerlandais. Me Uyttendaele : "Depuis le premier jour, les circulaires me paraissent manifestement irrégulières. Mais elles s'appliquent et s'imposent au regard du droit applicable; les francophones devraient le dire."
De là à prétendre que le fait d'envoyer directement les convocations en français aux habitants francophones induit la non-nomination maïorale, c'est évidemment tout autre chose. Comme son confrère (de Saint-Louis) Hugues Dumont (nos précédentes éditions), Marc Uyttendaele pense aussi que la sanction est "disproportionnée"; à ce train-là, ajoute-t-il en substance, "il n'y aurait plus de bourgmestre en Belgique". Surtout, ajoutera-t-on, comment ne pas suspecter la tutelle d'une politique de "deux poids deux mesures", à se souvenir que lorsque des bourgmestres flamands de Hal-Vilvorde ont à nouveau boycotté l'organisation des élections du 10 juin (le gouverneur du Brabant flamand devant y suppléer), c'est à l'avance, courant mai, que le ministre Keulen a averti qu'il ne prendrait pas de mesures disciplinaires à leur encontre !
du 22 octobre. Provocation ou pas ? Restons-en au terrain où voudrait se cantonner la tutelle : juridique. Et bien, sur un point au moins, Marino Keulen a tort : il ne peut pas reprocher aux bourgmestres controversés de n'avoir rien fait pour empêcher l'utilisation du français au cours des débats.
C'était en réponse à une question préjudicielle du Conseil d'Etat, celui-ci saisi par la commune de Linkebeek d'un recours contre la décision de tutelle d'annuler plusieurs décisions prises en 1990 parce qu'elles avaient donné lieu à des échanges dans les deux langues. La Cour encore d'arbitrage, dans son arrêt du 10 mars 1998 (n° 26/98), stipula clairement que, facilités ou pas, la législation invoquée par les Flamands (l'article 23 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées en 1966) n'avait rien de discriminatoire lorsqu'elle interdit au bourgmestre ou à un échevin "d'introduire ou de commenter dans une autre langue que le néerlandais un point de l'ordre du jour de la séance du conseil communal ou de répondre dans une telle langue à des interventions de conseillers". En revanche, stipulait l'arrêt tout aussi clairement, l'obligation d'utiliser le néerlandais "ne s'applique pas aux autres membres du conseil communal".


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