12 mai 2007

Michel attend le « signal »

MAJ12 mai 2007
Le Commissaire européen déboule dans la campagne : « Si l'électeur pense qu'on a besoin de moi en Belgique, qu'il me le fasse savoir. J'ai confiance. » La barre : plus de 100.000 voix. Entretien.
Quatrième étage, siège du MR, avenue de la Toison d'Or à Bruxelles, vendredi : Louis Michel est de retour. En congé de la Commission européenne, il entre en campagne...
Tous au MR se réjouissent de la victoire de Sarkozy en France. Et vous, l'homme du « libéralisme social » ?

Nicolas Sarkozy incarne à peu près toutes les valeurs du libéralisme qui sont aussi les miennes : il est favorable à l'économie de marché ; il veut remettre au goût du jour la valeur travail ; il n'a pas peur de poser des problèmes comme l'insécurité, et d'y répondre « aussi » par la répression. Nous avons des points de désaccord. Lui s'oppose à l'adhésion de la Turquie à l'Europe. Mais je peux me retrouver dans l'essentiel de son programme.
Il y a ceci fondamentalement : si l'on veut préserver et amplifier les protections sociales, financer les conditions de l'épanouissement individuel et collectif, il faut créer de la richesse. Et cela ne se fait pas par des incantations, mais en étant compétitifs, en soutenant les PME, en récompensant ceux qui veulent travailler plus.
Sarkozy en France, c'est la « droite », qui se revendique comme telle. Le MR est de droite ?
Il est libéral, humaniste et progressiste. Chez nous, il y a les réformateurs, qui veulent faire coller l'Etat à l'évolution de la société et du monde, et ceux qui s'arc-boutent sur un arrêt sur image civilisationnelle... Les socialistes. Ils ne forment plus un parti d'action. Ils parlent de rénovation depuis 20 ans et ils n'ont rien fait. En plus, ils ont un énorme problème par rapport à l'occupation du pouvoir. Ils sont devenus des « pouvoiristes ».
C'est l'angle d'attaque de votre campagne électorale ?
Il faut faire comprendre aux francophones que tant qu'ils ne changeront pas le centre de gravité politique, ils devront souffrir le conservatisme socialiste. Je le dis sans haine. Mais je me dois de dénoncer une sorte d'abus de position dominante du PS, qui ne lui permet pas de se rénover en interne ni d'offrir une perspective au peuple francophone.
Mais on est là dans une élection fédérale, les majorités francophones vont demeurer...
Jusqu'en 2009. C'est demain. J'ajoute que si le MR devenait la première force politique francophone, la Wallonie redeviendrait aussitôt un élément de consolidation de l'Etat belge. Aujourd'hui, le séparatisme de certains courants flamands est nourri par le comportement désastreux des socialistes au sud.
Vous ne dites pas qu'il faut renvoyer le PS dans l'opposition...
Je ne vais pas avoir l'arrogance insultante d'un Philippe Moureaux. Aux électeurs de décider.
Les sondages ne sont pas très favorables au MR...
On peut faire la différence en trente jours. La campagne sert à ça : faire comprendre aux francophones que s'ils veulent sauver la Wallonie, sauver Bruxelles et l'unité du pays, il faut sanctionner le PS, pour le MR.
Vous pouvez faire la différence ?
On me reconnaît quelques qualités de meneur de campagne.
Concrètement ?
Je vais écrire une « Lettre aux citoyens de mon pays », pour expliquer ce que les libéraux ont fait en termes de performances économiques, pour les indépendants, etc. Un livret tiré à 100.000 exemplaires. Et je serai partout sur le terrain, les marchés, dans les gares, les meetings...
Vous prenez ça comme une respiration par rapport à votre charge de Commissaire européen ?
Non. Je suis passionné par mon mandat européen. Mais je fais campagne comme on rend un service à son parti. Et à son pays. Je me sens un compatriote total des Flamands. Quand leurs intérêts sont en cause à l'étranger, j'y ai toujours été très attentif, comme je l'ai été pour les francophones. Je me sens profondément belge. Je défends avec une résistance tranquille les francophones, mais sans gesticulation communautaire ou linguistique.
Charles Michel, votre fils, a lancé qu'Elio Di Rupo était « onaanvaarbaar », inacceptable, comme Premier ministre...
Je ne prononce jamais d'exclusion contre personne. Mais il faut replacer ça dans le contexte du Premier mai. C'était une formule de style, qui exprime notre préférence pour Guy Verhofstadt ou pour tout libéral.
En déboulant comme ça dans la campagne, vous embarrassez Didier Reynders, non ?
Pas du tout. Didier est le patron du parti. Chaque fois que je fais une démarche, je l'appelle, je m'assure que cela ne gêne pas sa stratégie. Je suis parmi ses ouailles celui qui lui est le plus loyal.
Mais vous attirez les médias, vous allez donner, vous, le tempo de la campagne...
Je serai le répétiteur parfait de ce que Didier dira. Je suis son meilleur allié. Son soldat.
Vous maintenez qu'il vous avait proposé de tirer la liste du Sénat, la première place ?
Il m'a sollicité en me disant : « Serais-tu prêt à mener la liste du Sénat ? » J'ai refusé. Dans ce cas de figure, quel que soit le résultat que j'aurais fait, j'aurais dû par avance quitter la Commission européenne.
Quand on demande à Didier Reynders, il ne confirme pas.
Peut-être par déférence pour l'excellent Armand De Decker, qui mène l'équipe. Et vous croyez vraiment que si j'avais voulu être tête de liste, quelqu'un au MR aurait pu m'en empêcher ? Sauf, évidemment, si Didier avait choisi d'y aller. Sachez que je serai tête de liste aux Européennes en 2009. Qui va contester ça ?
En menant la liste du Sénat, vous ne laissiez aucun doute sur votre volonté de revenir sur la scène intérieure. En la poussant, vous laissez le jeu ouvert...
Non. Je ne le laisse pas ouvert. Je dis que ce que je souhaite, c'est que l'électeur m'envoie un signal clair : s'il pense que l'on a besoin de moi en Belgique, qu'il me le fasse savoir. Et j'ai confiance en lui.
Si le signal arrive, vous repartirez quand même à l'Europe ?
Non. Alors, je verrais avec Didier Reynders et avec mes amis comment il faut interpréter ce résultat. Ce qu'il implique comme prise de responsabilités. Je veux d'abord voir les résultats, et si l'électeur considère que je peux être plus utile en Belgique.
Vous pouvez situer ce résultat ?
Je me rends bien compte qu'en étant dernier effectif, je ne peux pas rééditer les exploits antérieurs, comme tête de liste. A partir de quel moment dirais-je que je suis content ? A 100.000 voix, j'estimerai que j'ai été très utile au MR. Si c'est nettement au-delà de ça, alors je commencerai à interpréter les choses, comme je vous l'ai dit, en termes de prise de responsabilités.
Pour quoi faire ?
Tout le monde connaît ma capacité à réunir les gens, les rapprocher, ma créativité, ce que j'avais réussi au gouvernement.
Vous n'excluez pas le 16.
Pourquoi voudriez-vous que quelqu'un dont tout le monde à peu près s'accorde à dire qu'il est Premier ministrable dise : « Non, ça, non... » Je n'exclus rien.
Donc vous l'envisagez.
Oui. Dans mon parti, nous avons une grande chance, deux personnalités peuvent accéder au « seize », et le premier choix du parti, c'est Didier Reynders. Si maintenant, pour certaines raisons, ce n'est pas possible, nous sommes deux, je l'ai dit.
Votre gouvernement idéal pour la Belgique ?
Je garde un bon souvenir de la coalition arc-en-ciel (libéraux, socialistes, écolos, NDLR).
Vous êtes parti en 2004 sur un tout gros différend avec Elio Di Rupo, qui a évincé le MR des majorités en Wallonie et à Bruxelles après les régionales, alors qu'il y avait un pacte entre vous...
Je ne suis pas un homme rancunier. J'ai été très déçu. Je croyais qu'il y avait avec lui une certaine proximité humaine. Souvent, j'essaie de comprendre pourquoi il a fait ça. Je ne comprends toujours pas. J'ai été un peu naïf.


"Les électeurs choisiront" (12/05/2007)
Lire aussi
"J'ai peur pour la Belgique" "J'irai où je suis le plus utile" http://www.dhnet.be/infos/belgique/article/172703/les-electeurs-choisiront.html


Depuis ce matin, Louis Michel est un commissaire européen en congé. Il est déjà entré dans la bagarre des législatives

Malgré les apparences, malgré la distance, Louis Michel, commissaire européen en congé depuis ce samedi et pour un mois, pense qu'il est demeuré un poids lourd de l'échiquier politique belge.
S'il ne l'avoue que du bout des lèvres, l'arène politique belge lui manque. Alors, il a décidé de remonter sur le ring. Le temps d'une campagne et puis s'en va ? Pas sûr.
"Je ne ferme aucune porte. Je ne veux pas me bloquer au lendemain du 10 juin. A priori, le 11 au matin, je retournerai à la commission. Mais, si je me présente aux élections législatives, c'est pour connaître l'avis des électeurs. Si je réalise un score appréciable, si la situation le demande, on verra..."
Un score appréciable ? "Il ne faut pas me demander de réaliser plus de 400.000 voix comme lorsque j'étais premier effectif. Je ne donnerai d'ailleurs pas d'indication chiffrée."
Si la situation le demande ? "Oui, si on devait se retrouver face à une forme d'embourbement. Si la situation demandait une valeur ajoutée particulière que je pourrais offrir ."
Bref, Louis Michel avance ses pions et fait offre de candidature... "si l'électeur le veut, si le parti le demande et si le pays en a besoin. Je veux aller là où je serai le plus utile".
Au 16 rue de la Loi ? "On n'est pas candidat au poste de Premier ministre", martèle-t-il.
D'autres n'ont pas hésité à déclarer ouvertement leur candidature... "C'est leur problème. Moi, ce que je veux, c'est que le MR réussisse un bon score. Je pense que nous pouvons vraiment le faire. Avec ce résultat, on pourra faire changer le centre de gravité de la Wallonie et de Bruxelles. En modifiant ce centre de gravité, on pourra condamner le PS à une vraie rénovation qu'il promet depuis 20 ans sans qu'on n'en voit jamais le début du commencement".
Ça y est, la bête politique est relancée. Prêt à rendre tous les coups, à en distribuer aussi quelques-uns le premier. "Je pense en effet qu'il serait intéressant que le PS sente qu'il y a une alternative à son abus de position dominante. D'ailleurs, cette alternative existe déjà aujourd'hui. Il faut pulvériser cette certitude du PS. "
Une manière de fermer la position à un futur accord avec les socialistes ? "Ce sont les électeurs qui définiront les contours de l'après 10 juin. Je n'ai jamais été partisan de la politique d'exclusion. Je laisse cela à Monsieur Moureaux qui lui décrète urbi et orbi ce qui peut ou ne peut pas être".
Le commissaire en vacances se lance alors dans un laïus sur les bienfaits du libéralisme qui "n'a rien à voir avec le capitalisme". Et ne lui dites pas que ce discours paraît plus axé qu'à droite aujourd'hui qu'hier. "Pas du tout. J'ai passé l'âge des calculs vulgaires. Je me répète, je veux aller là où je serai le plus utile et, non, je ne change pas de discours. J'ai toujours été convaincu que le libéralisme était porteur de bien-être pour le monde. La Belgique a progressé depuis notre arrivée au pouvoir en 1999. J'ai été, je suis et je resterai en accord avec le libéralisme historique, celui qui, de tout temps, a fait avancer le droit humain."
Pas de doute, Louis Michel n'est pas revenu pour faire de la figuration.
Hubert Leclercq
© La Dernière Heure 2007

Aucun commentaire: