12 mai 2007

Electrabel, une vérité qui dérange

Si l'on en croit du moins ses messages publicitaires, le principal producteur belge d'électricité semble soudain vouloir agir en faveur de l'environnement. On est évidemment loin de la réalité...
Alexis Haulot
Electrabel lance cette semaine une nouvelle offensive de charme. Avec le "soutien vert d'Electrabel", un grand hebdo télé offre gratuitement une copie du film "An Inconvenient Truth" ("Une vérité qui dérange"), un film qui a largement contribué à sensibiliser l'opinion publique belge à la problématique des changements climatiques. Le sponsor de ce sympathique cadeau n'est autre qu'Electrabel ! Si nous étions un mois plus tôt, on aurait pu croire en un poisson d'avril. Mais non ! Le principal producteur belge d'électricité semble soudain vouloir agir en faveur de l'environnement, si l'on en croit du moins ses messages publicitaires.
Si l'on regarde de plus près la réalité du marché belge de l'énergie, on se rend compte qu'Electrabel ne doit sa position de force qu'à ses centrales alimentées au charbon et au nucléaire, particulièrement peu respectueuses de l'environnement. Environ un dixième de l'électricité belge provient de centrales au charbon et plus de la moitié est produite à partir du nucléaire. Toutes ces centrales sont aux mains d'Electrabel. Le charbon est la source d'énergie la plus polluante : il émet deux fois plus de CO2 que le gaz et contribue donc largement au réchauffement de la Terre. Le nucléaire quant à lui est source de dangers (accidents...) et de problèmes environnementaux pour lesquels il n'existe tout simplement pas de solution à ce jour, comme les déchets radioactifs.
Dans le Benelux, les énergies renouvelables représentaient à peine 1,1 pc de la production d'Electrabel en 2005 et en Belgique, le courant vert d'Electrabel provient essentiellement de la biomasse. En Flandre, cette dernière est tout simplement brûlée dans des centrales fonctionnant essentiellement au charbon... Il n'empêche, la Flandre octroie des certificats verts pour cette forme de biomasse ! Le courant vert d'Electrabel ne provient donc pas tant du soleil ou du vent, mais bien de déchets (noyaux d'olives, marc de café, boue) qui sont co-brûlés avec le charbon. Ce courant "vert" permet donc en fait de prolonger la durée de vie des centrales au charbon en Belgique.
En Wallonie, la co-combustion (biomasse dans les centrales au charbon) n'est heureusement pas reconnue comme étant une source de courant vert. C'est pourquoi Electrabel a transformé sa centrale au charbon aux Awirs en une véritable centrale de biomasse. Mais ici aussi nous sommes en droit de nous poser des questions. Les centrales au charbon vieillissantes ont un rendement faible d'environ 36 pc, ce qui fait que presque deux tiers de la précieuse biomasse sont perdus sous forme de chaleur via la cheminée. Il serait beaucoup plus logique de brûler la biomasse dans des installations de cogénération efficaces, qui produisent et utilisent à la fois chaleur et électricité. Le rendement y est d'ailleurs beaucoup plus élevé et atteint 85 à 90 pc.
La principale motivation d'Electrabel pour la (co)-combustion de biomasse est purement d'ordre financier, à savoir l'obtention de certificats verts pour la production d'électricité "verte". Mais produire du courant vert dans des installations amorties de longue date a un effet contre-productif sur le marché des renouvelables : cela décourage la construction de nouvelles centrales électriques à rendement élevé, fonctionnant exclusivement sur base de sources d'énergies renouvelables. Le gaspillage d'énergie et la production d'électricité polluante sont donc les vrais visages d'Electrabel.
Entre-temps, Electrabel fait d'énormes profits et abuse de sa position dominante sur le marché belge pour bloquer les investissements dans les énergies renouvelables. Tant les centrales au charbon que les unités nucléaires permettent aujourd'hui une production d'électricité à bas prix, ces centrales ayant été amorties de manière anticipée, avant la libéralisation du marché. Pendant des années, le consommateur a payé trop pour son électricité et aujourd'hui que le marché est libéralisé, il est difficile pour les nouveaux producteurs d'électricité de rivaliser avec une électricité produite à bas prix dans les centrales d'Electrabel.
Electrabel n'a donc clairement pas fait le choix d'orienter sa production d'électricité vers plus de durabilité. Une véritable occasion manquée donc ! Parallèlement, elle fait tout son possible pour se donner une image verte via ses messages publicitaires et le sponsoring. En tant qu'acteur important sur le marché de l'énergie, Electrabel porte clairement une lourde responsabilité dans le réchauffement de la Terre. Si elle veut agir, elle doit commencer aujourd'hui à remplacer ses centrales alimentées au charbon et au nucléaire par des centrales efficaces fonctionnant sur base d'énergies renouvelables. En y associant les économies d'énergie, les renouvelables peuvent contribuer dans une large mesure à la production d'énergie. C'est sur le terrain, et non sur la pochette d'un DVD, qu'Electrabel doit prouver qu'elle veut véritablement s'engager sur la voie d'une production d'énergie plus durable. Que tous ceux qui ont reçu gratuitement le DVD profitent pleinement du film qui en vaut vraiment la peine. Mais surtout, qu'ils n'hésitent pas à agir pour contrer le réchauffement de la terre : pourquoi ne pas choisir dès aujourd'hui un fournisseur de courant véritablement vert ?

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