Parachutes dorés
Le ferment du poujadisme
Albert Frère 5,54 millions, Jean-Paul Votron (Fortis) 4,47 millions, Carlos Brito (InBev) 3,94 millions : les euros tombent dru et, face à ces déluges dorés qui chaque année gagnent en intensité, même les cadres finissent par se sentir prolétarisés. Que dire alors du travailleur de base qui doit trimer durant plusieurs siècles avant d'accumuler pareils montants et peut-être se souvient que Henry Ford jugeait «immoral» un patron qui gagne 40 fois plus que ses ouvriers ?
Certes, en regard du salaire d'un patron de Novartis (21 millions) ou de Nestlé (14 millions), nos «riches» restent «pauvres», mais il est des gourmandises qui ne passent pas. Antoine Zacharias, flamboyant PDG du groupe français Vinci, cumulait à lui seul, selon les calculs de notre confrère L'Expansion, «le quart des plus-values sur stock-options de tous les PDG du CAC 40», soit quelque 170 millions d'euros de gains potentiels en cinq ans. Même la patronne du MEDEF s'en est sentie «écoeurée».
Logique : l'histoire enseigne en effet que nombre de conflits puisent leur origine dans une trop grande inégalité, réelle ou ressentie. Et, prudent, un libéral pur jus comme Karel De Gucht est dans notre pays parti en croisade contre les rémunérations excessives afin «d'éviter qu'elles n'alimentent les courants populistes».
Difficile, certes, d'expliquer au bon peuple qu'il doit se serrer la ceinture alors qu'à l'étage supérieur, tout se débride et que, pour la première fois dans notre histoire, l'ensemble des salaires est inférieur à la somme du bénéfice des entreprises et des revenus des indépendants. Qu'il se sente, dans ces conditions, exclu de la croissance et manifeste sa grogne en «votant mal», quoi de plus normal ?
Comment se sortir de pareille situation ? En attaquent le problème par les deux bouts. Nos travailleurs coûtent cher mais, pris en étau entre une fiscalité hallucinante et des charges sociales abracadabrantes, ne gagnent pas assez. Une réforme fiscale est néanmoins intervenue. Mais même ainsi, nous restons solides premiers au hit-parade européen du malheur fiscal.
Et si diverses mesures ont été prises en faveur des revenus les plus bas, rien n'a été fait pour apaiser la frustration des classes moyennes qui, à tort ou à raison, se sentent injustement sacrifiées. A la fin des années 1980, le gouvernement danois a remplacé quasi toutes les cotisations patronales par une augmentation de trois points de la TVA. Depuis, les entreprises y sont compétitives et le taux de chômage peu élevé.
L'Allemagne vient d'emprunter partiellement la même voie en compensant par une hausse d'un point de TVA une baisse d'un tiers des cotisations d'assurance-chômage, et la France envisage de faire de la TVA «la pierre angulaire de la politique destinée à redonner de la compétitivité à son économie». La mesure est simple et peut, chez nous, être mise immédiatement en pratique dans la mesure où l'Europe n'impose aucun taux maximal. Reste l'obstacle idéologique : taxer le produit plutôt que la production n'est paraît-il «pas social».
A l'autre bout, comment justifier la démesure de certains salaires ? Par le talent ? Son impact est indéniable mais moins important qu'on ne l'imagine. Le PDG de la première entreprise américaine gagne nettement plus que celui de la 250e en termes de capitalisation boursière.
Une étude aussi mathématique qu'iconoclaste («Why has CEO pay increased so much ?») estime toutefois que, si l'on remplaçait le premier par le second, la valeur de l'entreprise ne s'en trouverait affectée que de 0,016 % !
En l'absence de critères objectifs, pourquoi ne pas laisser décider le propriétaire, c'est-à-dire l'actionnaire ? Les Etats-Unis sont en train de mitonner une loi qui permet aux actionnaires de voter les rémunérations des cadres et dirigeants. A titre consultatif, certes, mais passer outre implique le risque de ne pas être reconduit comme administrateur.
La démocratie économique en quelque sorte, facilitée par le vote à distance, banal depuis des décennies aux Etats-Unis où il a même enfanté une activité nouvelle : les «proxy sollicitation firms» qui se chargent, pour le compte des entreprises, de récolter les voix des actionnaires. Aux Pays-Bas, tout actionnaire d'une société cotée peut, depuis cette année, voter via l'Internet. Démocratique et rentable : les économies réalisées sont en effet estimées à 70 millions d'euros.
Dans notre pays, une proposition analogue vient d'être déposée sur le bureau du sénat par deux élus du VLD. Peut-être serait-il urgent de l'examiner ?
Johnny Thijs a reçu quelque 100.000 euros de plus en 2006
L'administrateur-délégué de La Poste, Johnny Thijs, a, semble-t-il, réalisé du bon boulot au cours de l'année 2006. En guise de récompense, son salaire est passé en un an de 800.000 € à 900.000 € brut (si l'on en croit le rapport annuel 2006 de l'entreprise publique, diffusé hier sur son site Internet), et ce, alors que Johnny Thijs nous avait confié au début de l'année que son salaire serait moins important.
Avec quelque 0,9 million d'euros - le rapport ne donne pas plus de détails -, Johnny Thijs reste le second patron d'une entreprise publique belge le mieux payé après Didier Bellens, le boss de Belgacom, qui a reçu aux environs de 1,4 million d'euros brut en 2006. Par ailleurs, Johnny Thijs a obtenu 174 options au cours de l'année écoulée.
Pour ce qui est de son staff, c'est-à-dire du comité de direction de La Poste qui compte six personnes, c'est un montant global de 2,8 millions qui lui a été attribué, contre 3 millions au terme de l'année 2005.
Enfin, le conseil d'administration, qui regroupe les représentants des actionnaires à savoir l'État fédéral, d'un côté, La Poste danoise et CVC, de l'autre, les rémunérations pour 2006 ont été les suivantes : 29.747 euros brut pour la présidente Martine Durez et 14.875 euros à se partager entre les autres administrateurs, au nombre de neuf.
Ces rémunérations ainsi que l'ensemble des résultats annuels 2006 ont été approuvés hier par le conseil d'administration de La Poste. Le chiffre d'affaires consolidé de l'entreprise est en progression de 5 % rapportant 2.230,5 millions d'euros, par rapport aux 2.123,7 millions d'euros de 2005. Les résultats opérationnels progressent également, atteignant 135,9 millions d'euros alors que 2005 s'était soldé par une perte de 18,6 millions. Par contre, en termes de bénéfice après impôts, La Poste passe de 154,6 millions à 96,1 millions, cette baisse étant due à l'obligation pour La Poste de s'acquitter désormais de l'impôt des sociétés.
Le rapport précise en revanche d'autres données plus positives comme la satisfaction du personnel qui, alors que des grèves se multiplient, s'établit à 73 % (67 % en 2005) et celle de la clientèle qui s'améliorerait de 4 points (de 78 à 82 %).
K. F.
© La Dernière Heure 2007
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