Exception pour les ASBL politiques !
Le gouvernement a accepté des modifications légales sur les comptes des ASBL. Elles exemptent les partis politiques du dépôt obligatoire de leurs comptes. Une option maladroite à quelques semaines des élections...
BELGA
Les ASBL liées aux partis politiques et dont les comptes sont "consolidés" avec ceux-ci bénéficient depuis le début du mois d'avril d'une exonération relative au dépôt de leurs comptes, contrairement aux autres associations sans but lucratif.
C'est le résultat d'une modification de la loi sur la comptabilité des ASBL "passée" en 13 jours seulement, incluse dans un train de modifications techniques liées à une discussion sur le financement des partis. Le texte a été publié au "Moniteur belge" du 28 mars dernier. Veut-on opacifier les comptes de ces associations ? "Ce n'est sans doute pas le but de cette opération, mais c'est en tout cas très maladroit" , nous explique Fernand Maillard, réviseur d'entreprises, qui s'apprête à publier dans la revue "ASBL Actualités" un article détaillant cette modification de la loi sur la comptabilité associative. Celui-ci nous explique, en outre, que "cette modification de la loi est manifestement intervenue sans l'aval de l'Institut des Réviseurs d'entreprises et de la Commission des normes comptables, ce dernier organe ayant compétence légale d'avis en la matière. Cela intervient à un moment où le législateur tend à établir un régime comptable commun pour tous et où la Commission des normes comptables prêche pour des dérogations limitées à des cas vraiment particuliers. En plus il faut noter que la modification législative soustrait ces associations de l'application du droit comptable ASBL pour les rattacher au droit comptable des sociétés et ce avec effet immédiat, alors que les associations avaient entre-temps adapté leur comptabilité depuis 2006 au nouveau droit des ASBL... Cela fait pour le moins un peu désordre !".
Cette modification est passée inaperçue, dans les dernières lignes d'un texte très technique, au sein des "dispositions transitoires et finales", dans l'article 19 modifiant la loi du 27 juin 1921 sur les associations. Les motifs ? "Ils sont peu convaincants , nous assure encore ce spécialiste des comptes des associations. On a évoqué la difficulté pour les partis concernés de synthétiser l'information relative à une série d'associations - plusieurs dizaines quelquefois - pour l'établissement de comptes consolidés, et le coût, mais c'est le cas de toutes les associations !" La loi sur la comptabilité des ASBL résulte elle-même d'un long travail d'affinage législatif qui avait abouti en mai 2002. On se souviendra que les ASBL doivent, depuis l'exercice 2006, établir une comptabilité et déposer leurs comptes, soit au greffe du tribunal de l'arrondissement dont elles dépendent, soit à la Banque nationale, selon leur chiffre d'affaires, leur bilan, ou le nombre de personnel employé. L'application de cette loi avait d'ailleurs été reportée d'un an en 2005 par la ministre de la Justice pour laisser le temps aux associations de mettre en ordre leurs statuts et de modifier leur organisation comptable. Mais jamais il n'avait été prévu d'exonérer certains secteurs d'activité de leurs obligations légales. Or, c'est maintenant chose faite ! Veut-on cacher quelque chose de gênant sur le financement des partis ? "Je ne crois pas , explique encore Fernand Maillard. En effet, les comptes de ces ASBL doivent de toute manière être soumis à un réviseur d'entreprises, et les comptes consolidés font l'objet annuellement d'un dépôt auprès de la Commission de contrôle des dépenses électorales."
Deux poids, deux mesures ?
C'est Herman De Croo (VLD), président de la Chambre, auteur de la proposition, qui a ajouté cette disposition modifiant la loi sur les ASBL à l'ensemble portant sur les dépenses électorales et le financement des partis.
Celui-ci justifie son intervention en évoquant que la loi du 4 juillet 1989 offre déjà une transparence satisfaisante sur les comptes des partis.
Il est vrai que cette loi s'applique aussi aux associations de fait, forme préférée par certains partis politiques à l'ASBL.
Il assure aussi que "l'exclusion des partis politiques du champ d'application de l'article 17, paragraphes 2 et 3, n'est pas synonyme d'un régime plus souple et plus avantageux pour les partis politiques et leurs composantes, mais soumet au contraire ces derniers à une réglementation plus sévère" .
Pour l'avocat Christophe Boeraeve, auteur de plusieurs ouvrages sur les ASBL, "la loi de 2002 sur les ASBL prévoit le principe d'une éventuelle comptabilité équivalente imposée par un pouvoir public, pour qu'il n'y ait pas de double comptabilité. Mais en laissant ce choix aux administrateurs pour certains secteurs d'activité. Ici, le législateur décide pour une catégorie bien spécifique. En outre, les modifications excluent aussi l'obligation de dépôt des comptes à la BNB, alors que ces ASBL dépendent de l'argent public !".
Mais la loi est passée... " Imposons alors la présence d'administrateurs indépendants dans ces ASBL, pour que le public ait un droit de regard indirect sur ces comptes !", propose maître Boeraeve...
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