08 janvier 2007

Vers une guerre entre Palestiniens

Fatah et Hamas gonflent leurs forces respectives et se procurent des armes. La violence fratricide n'en finit pas de monter, au gré des rapts et des assassinats.
AP
Les divisions interpalestiniennes ont franchi un pas supplémentaire vers la guerre déclarée. Guerre entre la présidence de Mahmoud Abbas (Fatah) et le gouvernement d'Ismaïl Hanyé (Hamas), qui n'opposera plus seulement des activistes et milices partisanes, mais deux armées : d'une part, la Force exécutive du gouvernement, d'autre part, la Garde présidentielle qui pourrait être renforcée par d'autres branches de sécurité de l'Autorité palestinienne restées loyales au Raïs.
M. Abbas a, en effet, ajouté aux tensions, dimanche, en réitérant son intention de tenir des élections anticipées afin de tirer le gouvernement des mains islamistes. Or, il avait déjà accentué la pression sur le Hamas, samedi, en décrétant la Force exécutive "hors-la-loi" et en ordonnant son démantèlement.
Le Hamas avait établi cette force spéciale peu après son arrivée au pouvoir, l'an dernier. Précisément comme contrepoids aux branches de sécurité existantes dont M. Abbas gardait le contrôle à titre de "commandant suprême" des forces palestiniennes.
Une source de violence
Alors déjà, M. Abbas avait qualifié la Force exécutive d'illégale, parce qu'elle était créée sans décret présidentiel. Mais il avait permis de l'intégrer aux services de police chapeautés par le ministère de l'Intérieur. Ainsi, elle est devenue la force centrale du gouvernement Hanyé, à la différence du bras armé du Hamas (les brigades Ezzedine El Kassame) qui n'obéit pas à la direction politique. Aujourd'hui, toutefois, M. Abbas reproche à la Force exécutive d'être source de violence sur le terrain.
Défiant M. Abbas, M. Hanyé a riposté au décret en ordonnant immédiatement une conscription volontaire pour doubler les effectifs de la Force exécutive et la faire passer de 5 500 à 12 000 hommes.
M. Hanyé en a les moyens. Jeudi dernier, à son retour du pèlerinage de la Mecque, il aurait réussi - selon des sources égyptiennes - à ramener 20 millions de dollars avec lui à Gaza. Avec l'approbation des douaniers égyptiens dans le Sinaï, mais à l'insu des contrôleurs européens au poste frontière de Rafah, désormais bien embarrassés.
Parallèlement, selon des sources palestiniennes, le Hamas est en train de stocker des armes qui proviennent de Syrie et d'Iran, via les tunnels de contrebande du Sinaï. Ces armes s'achètent actuellement à Gaza au prix fort : 10 000 dinars (environ 10000 euros) pour un fusil M16.
L'argent de Bush
Mais M. Abbas est lui aussi en train de consolider ses "troupes", notamment sa Garde (la Force 17) qui compte 3 700 hommes. M. Abbas voudrait l'agrandir à 5 000, voire 10 000 hommes. Et lui aussi en a les moyens. Le président Bush compte débloquer prochainement 86 millions de dollars pour renforcer les services de sécurité de M. Abbas. Il s'agira d'équiper surtout la Garde présidentielle en uniformes et véhicules. Mais l'Egypte et la Jordanie fournissent aussi, ces derniers temps, des armes et munitions aux forces de M. Abbas, avec l'aide américaine et la bénédiction israélienne.
Notons que les services de sécurité de l'Autorité palestinienne réunissent au total quelque 80 000 hommes, la plupart appointés sous les gouvernements Fatah qui tenaient les commandes jusqu'à la victoire électorale du Hamas.
Entre-temps, la violence fratricide s'étend. Rien qu'au cours de la semaine écoulée : 32 rapts, 23 morts (de 14 à 45 ans) et 135 blessés. Ce week-end, pour la première fois, trois enlèvements de notables du Hamas en Cisjordanie : le maire adjoint de Naplouse, le directeur du ministère de l'Intérieur à Ramallah et un fonctionnaire à Jénine.
Dimanche, dans la ville de Gaza, des dizaines de milliers de partisans du Fatah ont manifesté leur soutien à M. Abbas. Selon des témoins, c'était la plus grande démonstration de force du mouvement depuis 1994.
En fin de soirée, on apprenait la libération du photographe péruvien de l'Agence France-Presse, Jaime Razuri, enlevé à Gaza le 1er janvier dernier.

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