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Le parquet revient sur le mécanisme de fraude utilisé
Le procureur du roi Erwin Steyls a rappelé ce mercredi le mécanisme de la fraude qui aurait permis de détourner quelque 2,2 millions d'euros au préjudice de la Marine, au cours d'un réquisitoire qui n'aura duré qu'une demi-heure, devant le tribunal correctionnel de Hasselt.
Les préventions sont celles de faux en écriture, usage de faux, détournement de fonds publics et appartenance à une organisation criminelle. "L'enquête a été lancée le 6 janvier 2000, après que Reginal Braet (le chef du service comptabilité de la Marine) a constaté des irrégularités. A la mi-1999, un grand nombre de factures émanant des sociétés LKT et LFE avaient été payées par la Marine, alors que les livraisons ou les prestations n'avaient que partiellement ou pas du tout été effectuées", a rappelé le procureur. "M. Braet a alors ordonné l'ouverture d'une enquête administrative, après quoi le dossier a été envoyé à l'auditorat de l'armée. Comme de nombreux entrepreneurs limbourgeois étaient impliqués, l'enquête a été confiée au parquet de Hasselt, qui a désigné un juge d'instruction", a-t-il poursuivi.
Depuis 1997, il existait, au sein de la Marine, un système consistant à mettre à l'abri des fonds, mis à disposition par l'Etat, pour éviter qu'il ne faille les rembourser. Il s'agissait de budgets de travail, qui devaient revenir à l'Etat s'ils n'avaient pas été dépensés. "En 1998 par exemple, des commandes ont été passées, mais les travaux n'ont été réalisés que l'année suivante. Vers la fin de l'année, des avances été accordées aux prestataires. Les factures étaient introduites auprès de la Marine et payées par celle-ci. Les budgets de travail étaient ainsi dilapidés de manière fictive.
Personne, au sein de la Marine, n'avait de contrôle sur la manière dont le contenu de la tirelire était utilisé", a expliqué le représentant du ministère public. "Une partie de l'argent à servi à des achats pour la Marine, mais le reste a été utilisé à des fins personnelles et a été versé à un certain nombre de sociétés. Noël Vaessen, Johan Claeys et An Vanden Abeele ont signé et tamponné des factures "bon à payer", pour lesquelles seule une partie des prestations avait été réalisée, ou même pas du tout", a-t-il indiqué. Ces trois personnes "ont reçu des dons en nature de Marc Luypaerts (le fondateur des sociétés LKT et LFE, ndlr) pour maintenir le système en place. Au total, un montant d'environ 2,6 millions d'euros (105 millions de francs belges) a été facturé. 500.000 euros (20 millions de francs) ont effectivement servis à la Marine, mais environ 2,2 millions d'euros (85 millions de francs) lui ont été soustraits", a-t-il ajouté. Pour le ministère public, "il n'est plus nécessaire de reconstituer de ce qui a ou non été livré. Les factures étaient libellées de manière très vague. Les fonds ont été détournés au moyen de factures ne dépassant pas 5.000 euros (HTVA), que les prévenus Vaessen, Claeys et Vanden Abeele ont pu signer. Ces libellés vagues étaient un moyen pour empêcher tout contrôle de l'authenticité des documents. Ce moyen a été utilisé délibérément pour commettre une fraude". (belga)
Laurent a livré son témoignage
Le prince Laurent ne connaissait pas l'origine frauduleuse des fonds qui ont servi à l'aménagement de sa villa, est-il ressorti de son audition par le tribunal correctionnel de Hasselt dans le cadre du procès sur les fraudes à la Marine.
Le témoignage, en personne, d'un prince royal devant un tribunal correctionnel dans une affaire de droit commun est une première dans l'histoire judiciaire belge.
L'audition, faite à la demande de la défense de son ancien conseiller, le colonel Noël Vaessen, a duré une quinzaine de minutes. Le prince a fait le serment de dire la vérité, rien que la vérité et a donné sa déposition en néerlandais. Il a autorisé la présidente, Christine Coopmans, à l'appeler "Monsieur" comme les autres témoins. Selon son ex-conseiller, le prince Laurent était au courant de l'origine frauduleuse des fonds qui ont servi à aménager sa villa Clémentine, à Tervuren, et à équiper sa Fondation pour le bien-être animal.
Le colonel Vaessen a vu lui-même qu'il y avait un problème avec l'ameublement, a répondu le fils cadet du roi à la présidente qui l'interrogeait. A la question de savoir s'il connaissait l'origine frauduleuse de l'argent, il a répondu: Je ne regarde pas dans la comptabilité de la Marine ou d'autres institutions. Je le croyais compétent. Il faisait ce qu'il voulait faire, a-t-il déclaré au sujet du colonel Vaessen.
C'était une relation de confiance, a-t-il ajouté à propos de sa relation avec son conseiller. Il ne m'a jamais dit explicitement que les frais étaient supportés par la Marine. Je ne peux pas dire beaucoup de choses à ce propos, a-t-il encore dit.
La présidente a posé plusieurs questions au prince, sur base des listes de questions qui lui avaient été transmises par écrit par les parties. Elle lui avait auparavant rappelé qu'il n'était pas obligé de témoigner contre lui-même ou de faire des déclarations qui pourraient l'exposer à des poursuites.
Le prince a confirmé que M. Vaessen avait sponsorisé son dispensaire pour animaux, à Bruxelles, par des livraisons en nature. Mais selon le prince Laurent, l'ex-colonel ne lui serait plus venu en aide après 1999, lorsque sa mission auprès de lui a pris fin. En outre, aucuns travaux n'ont été exécutés chez lui à partir de cette date, a-t-il assuré. Je confirme mes déclarations (recueillies lundi par la police fédérale de Hasselt; NDLR). Toutes les réponses à vos questions s'y trouvent. Je ne peux pas ajouter grand chose de plus, a fait remarquer le prince à la présidente, renvoyant régulièrement au contenu de sa déposition écrite en guise de réponse.
Avant de libérer le prince, la présidente l'a remercié pour son témoignage serein. Le tribunal apprécie que vous soyez venu, lui a dit Mme Coopmans. Geen probleem ("Pas de problème"), a répondu le prince Laurent. Il a quitté le Palais de Justice de Hasselt entouré d'une foule de journalistes et de curieux. L'audience a ensuite été suspendue, à 14h08. Elle devait reprendre vers 15 heures.
La défense de Noël Vaessen, l'ancien conseiller du prince Laurent, est très satisfaite du témoignage du prince à l'audience de mardi, au tribunal correctionnel de Hasselt où se tient le procès de fraude présumée à la Marine.
Le prince a indiqué à la présidente Christine Coopmans qu'il avait répondu à toutes les questions dans ses déclarations à la police. Le prince a maintenant affirmé clairement que Noël Vaessen, à partir de début 1999, n'était plus son conseiller et qu'il n'avait donc plus eu de contact avec lui. Nous allons intégrer son témoignage dans notre défense, a expliqué l'avocat de Noël Vaessen, Me Tom Van Maldergem.
Le tribunal s'enquiert du système de facturation
Trois témoins qui ont comparu à la suite du prince Laurent, lundi après-midi au procès des fraudes à la Marine, ont été invités à éclairer le tribunal correctionnel de Hasselt sur le fonctionnement du système de facturation au sein de la Marine. Il s'agit de l'amiral Michel Hellemans (55 ans), du commandant Reginald Braet (59 ans) et de Jean-Pierre Coucke (56 ans).
A l'époque des faits, l'amiral Hellemans dirigeait le service comptabilité de la Marine. Le commandant retraité Braet était le chef de ce service et le sous-directeur de M. Hellemans. M. Coucke se trouvait à la tête de la division Administration et Contrôle budgétaire.
La présidente du tribunal, Christine Coopmans, a interrogé les trois hommes sur les procédures en vigueur au sein de l'armée, et plus particulièrement de la Marine, en matière de paiement de factures. Elle a cherché à savoir aussi qui était habilité à signer les factures et quels étaient les liens entre le service comptabilité et la centrale d'achats de l'armée, où a été affecté le colonel Noël Vaessen à partir de 1999.
Le commandant Braet a expliqué qu'il était habituel, à l'armée, de payer en décembre des factures se rapportant à des livraisons qui ne seraient effectuées que plus tard. En décembre, les livreurs ont tellement de travail qu'il ne peuvent pas suivre, a-t-il déclaré.C'est lui qui, pour la première fois, en janvier 2000, a constaté des irrégularités dans certaines factures qui avaient été signées par M. Vaessen, alors que ce dernier n'exerçait aucune compétence au sein du service comptabilité. En janvier, j'ai commencé à faire des recherches. J'ai trouvé des factures que je n'avais jamais vues auparavant, et qui avaient toutes été émises par la même société, a raconté l'officier à la retraite. Quand j'ai demandé à M. Vaessen de s'expliquer, il m'a fourni une explication philosophique et m'a dit que des travaux devaient être réalisés chez le prince Laurent, a-t-il ajouté.
Jean-Pierre Coucke, qui exerçait alors un contrôle sur les dossiers de dépenses, a indiqué que toutes les factures signées par Noël Vaessen pour le service qui l'employait atterrissaient ensuite immanquablement au service comptabilité. En principe, il est donc possible que ce service ait traité des factures signées par M. Vaessen, selon le témoin. Au sein de la centrale des achats, le colonel Vaessen était responsable des achats de grands matériels, comme les bateaux.
De son côté, M. Coucke a dit ignorer l'existence d'un système par lequel les factures auraient été payées à l'avance. Il revenait au service qui avait passé une commande de contrôler si la livraison avait effectivement été effectuée, a-t-il indiqué.
Quel était alors le problème avec les factures qui ont fait l'objet de l'enquête? , a interrogé la présidente. Une même société avait adressé des factures pour plusieurs millions de francs belges, a répondu M. Coucke. Chacune de ces factures ne dépassait pas 200.000 francs, somme au-delà de laquelle un appel d'offres public doit être organisé. La loi sur les marchés publics aurait donc été contournée par le saucissonnage des factures. En outre, les factures ne se rapportaient pas à des livraisons ou des prestations réelles, a encore dit le témoin.
A Hasselt, il semble bien que l'annonce de la venue du Prince Laurent au procès ait attiré la foule. Quelque 200 personnes, des curieux comme des cameramans et des photographes, se sont rassemblées sur la Lombaardstraat. La police a d'ailleurs fermé la rue au trafic. Une classe d'enfants s'est même postée devant l'entrée du tribunal, certains d'entre eux munis de petits drapeaux belges.
Quelques royalistes ont cherché à s'introduire avec des photographes de presse pour pouvoir prendre des photos du Prince Laurent. Une fois celui-ci à l'intérieur, la presse a reçu cinq minutes pour prendre les photos avant que les caméras de télévision ne se voient accorder le même délai.
(Avec Frédéric Delepierre et Martine Dubuisson, envoyés spéciaux à Hasselt, Belga et AFP)
Zoom sur les 11 suspects
Procès "fraudes à la Marine": pour comprendre qui est qui dans cette affaire.
Outre la présence éventuelle du prince Laurent comme témoin à la barre prévue pour ce mardi si la présidente Christine Coopmans le juge nécessaire, retour sur les 11 suspects dans cette affaire de fraudes à la Marine. Affaire dont le procès débute ce lundi devant la 18e chambre du tribunal correctionnel d'Hasselt.
Les 11 officiers de la Marine et entrepreneurs sont poursuivis pour faux en écriture, association de malfaiteurs, détournement de fonds, corruption et escroquerie. Pas moins de 2 millions d'euros ont ainsi été détournés en fausses factures adressées à la Marine.
À commencer par Marc Luypaerts. L'ancien officier de la Marine et à la tête de l'entreprise spécialisée en électronique, LKT, est poursuivi pour avoir adressé des factures à la Marine pour un montant total de 1,9 million d'euros. 500.000 euros ont effectivement servi à la Marine. À 51 ans, le militaire et ex-entrepreneur est actuellement en congé maladie. Il vit aux Pays-Bas.
Noël Vaessen. L'ancien conseiller du prince Laurent était responsable du service d'achat de matériel à la Marine. C'est lui également qui signait les fausses factures. Il est aussi poursuivi pour avoir facturé 180.000 euros à la Marine. Montant qui a servi à restaurer sa ferme. À 55 ans, il est actuellement en congé maladie et réside à Ixelles.
Johan Claeys. Le capitaine est lui aussi poursuivi pour avoir signé de fausses factures. À 46 ans, il réside actuellement à Meise.
Lutgard Kleutghen. Elle n'est autre que l'épouse de Marc Luypaerts. La cuisinière est poursuivie pour avoir notamment été complice de l'entrepreneur. Elle gérait avec lui l'entreprise LKT.
Frank Alders. Commerçant indépendant, il est poursuivi pour avoir adressé une série de fausses factures à la Marine.
Rudi Theunis. À 46 ans, l'informaticien de Hasselt a lui aussi adressé de fausses factures à la Marine.
Anne Vanden Abeele. Secrétaire au sein de la Marine et originaire de Gand, elle est poursuivie pour avoir mis des cachets et ainsi approuvé les fausses factures.
Joseph Cuyvers. Indépendant, il a établi toute une série de fausses factures qu'il a envoyées à la Marine.
Hendrik Hendrickx, entrepreneur dans le domaine du jardinage et originaire de Lommel; Samuel Laga, 43 ans, architecte d'intérieur résidant aux Pays-Bas, et Jakobus Lukkesen, 69 ans, dans le secteur de la grande distribution, sont tous les trois également poursuivis pour avoir établi de fausses factures.
Le carrousel de la Marine
Ce lundi s'ouvre à Hasselt le procès des fraudes à la Marine. Une "affaire Luypaerts et Vaessen" dont d'aucuns ont fait "l'affaire Laurent".L'on saura ce lundi si le Prince sera appelé à témoigner dès demain.
BauweraertsC'est le 6 janvier 2000 que le pot aux roses était découvert à l'occasion d'une enquête interne au sein du service de facturations de la Marine : de très fortes présomptions de fraude émergèrent très vite d'un paquet de factures de dernière minute.
Le montage sautait aux yeux : plutôt que de rendre aux caisses de l'Etat des budgets annuels non encore imputés comme la loi recommande de le faire, des membres liés à ce service les avaient répartis en biens et services, de manière très "créative", à destination non pas de la plus petite composante de l'armée, mais plutôt de certains membres ou ex-membres de la "maison" et, selon ces bénéficiaires, aussi du prince Laurent de Belgique.
En soi, la pratique des dépenses de "queues de budget" ne serait pas exceptionnelle à l'armée - a fortiori dans la Force Navale - comme elle ne le serait pas davantage dans d'autres institutions publiques, même si l'on ne dispose pas de données étayées à cet effet : aucun établissement public n'aime voir son budget amputé l'année suivante et l'on ne dépense donc pas nécessairement à bon escient les fonds encore en caisse en effectuant moult commandes. Pour en revenir aux pratiques frauduleuses constatées à la Marine, il faut rappeler dès ce stade comment le prince Laurent s'est retrouvé dans ce dossier. Il se fait qu'un des responsables du service d'achat n'était autre que le colonel Noël Vaessen, qui fut son conseiller de 1993 à fin 1998 et qui vécut de près son installation à la Villa Clémentine à Tervuren - propriété qui avait été proposée par la Donation royale comme lieu de résidence princière.
Aux côtés de Vaessen, le capitaine Johan Claeys - présenté comme un compagnon d'études du Prince, ce qui ne signifie évidemment pas encore qu'ils étaient des amis, ni même des intimes... - et une secrétaire An(drea) Vanden Abeele.
Sur une période de 4 ans
Face à eux ou plutôt à leurs côtés, un couple (aujourd'hui séparé) d'entrepreneurs d'Eksel (Limbourg) - dont l'époux était aussi à la Marine - et une série de petites entreprises ou commerçants impliqués dans un carrousel qui ne datait pas de la seule année précédente. En effet, l'on trouva des factures qui remontaient aux trois années précédentes.
Les enquêteurs en ont dénombré quelque 418 pour un montant exact de 2 232 021,13 €. Une bonne moitié de cette somme a pu être identifiée, avec notamment des travaux et la fourniture de biens chez les militaires ou ex-militaires ou encore dans la villa du Prince voire au siège social de la Fondation Prince Laurent ainsi que dans ses dispensaires de Bruxelles (la place du Jeu de Balle) ou de Liège.
Selon le colonel Vaessen, non seulement le Prince mais aussi la hiérarchie de la Marine étaient au courant mais cette dernière l'a toujours contesté alors que Laurent de Belgique s'est tu dans toutes les langues nationales. Normal : le parquet a considéré qu'il n'était pas concerné et c'est aussi la raison pour laquelle il n'a jamais été entendu.
Un des enjeux du procès, pour les inculpés, est de savoir si le Prince connaissait ou non l'origine frauduleuse des fonds mais ce n'est là qu'un volet du dossier : via les officiers précités et un ex-sous-officier de Marine, Marc Luypaerts, des factures furent encore établies sans jamais donner lieu à des prestations pour la Marine.
Deux firmes s'y sont taillé la part du lion, appartenant à Marc Luypaerts et à Lutgarde Kleutghen qui était alors son épouse : LKT Light Solutions, spécialisée dans l'installation d'éclairages y apparaît à 150 reprises pour une somme de 817 500 €; la société LFE Tapijten faisait mieux encore avec 169 factures pour un montant global de 900 000 €.
Selon le dossier, l'ex-sous-officier a également fait tourner dans la combine une poignée d'entreprises limbourgeoises aux raisons sociales et aux objectifs bien éclectiques. On y trouve un autre entrepreneur général mais aussi une société spécialisée dans la vente d'ordinateurs, une petite entreprise vendeuse de hi-fi et de matériel électro, une quincaillerie et même une firme spécialisée dans la réparation d'accessoires automobiles. A des degrés divers, leurs responsables sont inculpés de détournements de fonds, de faux et usage de faux, d'escroquerie, de corruption, d'association de malfaiteurs. Ces derniers ont également permis à Marc Luypaerts d'empocher en passant des commissions allant jusqu'à 30 pc.
Loin de l'administration
Un constat : pratiquement toutes les factures étaient en dessous de 5 000 euros, TVA incluse. Logique : au service d'achats de l'armée, Noël Vaessen et Johan Claeys avaient toute latitude pour signer des factures dont le montant maximum y était légèrement inférieur. Pas besoin de passer par les filtres de l'administration... Si ce lundi, les débats de la 18e chambre correctionnelle d'Hasselt concernent 12 inculpés, il ressort de l'instruction que ce sont surtout le colonel Vaessen et Marc Luypaerts qui se seraient enrichis au détriment de l'Etat. Pour le premier, à travers la rénovation d'une ferme à Sourbrodt; pour le second via les fausses factures qui ont permis de transférer 322 000 € pour un hôtel qu'il avait acquis en Tchéquie. Ce n'est pas un hasard si lesdits inculpés sont sortis de l'ombre à quelques semaines et quelques jours du procès de Hasselt.
Un constat : l'affaire entre au prétoire pratiquement sept ans après avoir été dévoilée. Un long, un très long délai qui s'explique, sans doute, par le fait que l'affaire impliquait directement des militaires et indirectement le fils cadet du Roi. Le chef d'état-major général de l'époque, Willy Herteleer, avait déposé plainte auprès de l'auditorat militaire et une commission d'enquête avait débroussaillé le terrain. Mais lorsque celle-ci s'aperçut en cours de route que le dossier concernait majoritairement des civils, il fut envisagé de le faire traiter par la justice civile. Lorsqu'il était apparu que plusieurs entrepreneurs limbourgeois étaient directement concernés, l'auditorat militaire décida de transférer le dossier au parquet de Hasselt. Ce dernier l'instruisit jusqu'à son terme en étroite coopération avec la police fédérale et le Service central pour la lutte contre la corruption, le successeur de feu le Comité supérieur de contrôle.
Un dossier de longue haleine qui va enfin connaître son dénouement. De manière très médiatique pour les raisons que l'on sait...
Laurent entendu : comment et jusqu'où ?
Il doit parler mais ne risque pas grand-chose. A moins qu'une autre procédure...
entretien
Laurent de Belgique, appelé à la barre et témoin "ordinaire" ? Nous avons demandé au pénaliste bruxellois Pierre Chomé de baliser la piste.
Pourquoi Laurent n'a-t-il pas été entendu au préalable ?
C'est le juge d'instruction qui choisit qui il entend. Mais son choix peut être sanctionné par les parties au procès. Le parquet peut, au terme de l'instruction, dire au juge : "Vous avez oublié d'entendre un témoin clé". De plus, la loi Franchimont donne des leviers à ces parties, qui peuvent dire : "Je veux être confronté à Untel, je veux qu'il soit entendu..." Elles peuvent déposer une requête et aller en appel, en cas de refus. La chambre du conseil elle-même peut toujours déclarer qu'elle ne saurait statuer sur les renvois en correctionnelle sans un témoignage important. En retournant le dossier au parquet...
Mais je trouve un peu facile que des parties tirent tous azimuts à l'approche du procès, alors qu'elles avaient des moyens de tout corriger bien avant et que rien n'a été fait. De surcroît, dire, comme cela fut fait, que le juge d'instruction aurait fait taire une de ces parties surprend. Si cela avait été vrai, quelle belle opportunité pour cette partie de faire aussitôt remarquer que ses droits de défense étaient violés, récusation à la clé. Or ces armes n'ont jamais été utilisées et je pense que c'est parce qu'il n'y avait simplement pas nécessité.
Pourquoi a-t-il finalement été appelé à la barre ?
C'est le droit de toutes les parties de citer un témoin. Mais il faut toujours se demander pourquoi, en stratégie. Et là, pour vous dire mon sentiment, c'est un classique dans la bête délinquance : on veut charger un tiers pour estomper sa propre responsabilité.
Ce témoignage peut-il susciter une remise du procès ?
Qu'un témoin soit cité n'est pas une raison particulière de remettre un procès. Le juge statuera simplement sur la nécessité de son audition. Même si je le regrette, la jurisprudence admet en effet que le juge estime qu'il n'est pas utile à la manifestation de la vérité d'entendre un témoin dûment cité.
Peut-il se taire ?
Non. Il doit venir, si le juge le décide. Le refus de témoignage est passible de poursuites. Et le témoin sous serment doit dire la vérité, toute la vérité. Problème connu : il peut le faire au risque de s'incriminer lui-même et de vicier ainsi toute poursuite ultérieure contre lui. Car, précisément, nul ne peut être forcé à s'incriminer lui-même - c'est un problème récurrent des commissions d'enquête parlementaires. Néanmoins, un compromis est possible : entendre le témoin hors serment, à titre de renseignement. Ce qui suppose l'accord des parties, qui ne peuvent ensuite revenir là-dessus.
De toute façon et comme toute personne dans sa situation, Laurent aura plutôt intérêt à dissiper un maximum des reproches qu'on formulerait contre lui.
Risque-t-il une condamnation ? De la prison ?
Non. La cour juge seulement ce qu'on lui donne à juger, soit les faits et les prévenus, ce que le Prince n'est pas. Si des éléments apparaissaient faisant penser à sa mise en cause, le procureur du Roi, qui conserve l'opportunité des poursuites, pourrait initier de nouvelles actions. Mais elles seraient tout à fait séparées, avec une levée préalable d'immunité au Sénat. Le cas échéant, à supposer même qu'il soit un jour dit coupable, on parlerait au pire à mon sens non de prison, mais de peine avec sursis. Il n'a pas de casier... Mais pour en arriver là, il faudrait encore que soient démontrés des actes de corréité dans son chef, en incitant, en participant, en aidant à falsifier une facture ou un bon de commande. Ce dont il ne semble pas être question.
La donation royale, propriétaire de la "Villa Clémentine", peut-elle être inquiétée ?
Pas en procédure pénale. La responsabilité pénale, pour la personnalité juridique des sociétés, est limitée au domaine privé. Tout ce qui est public ne peut être poursuivi. C'est prévu pour éviter les paralysies. Il faut une permanence des structures publiques.
Trop seul sur une mer souvent agitée
Savait, savait pas ? La balle est désormais dans le camp du Prince.
Retour sur 15 ans qui ont propulsé Laurent de Belgique sur l'avant-scène médiatique.
ECLAIRAGE
Le prince Laurent, c'est un gars de la Marine... Le "chouchou", la mascotte royale dans la "grande muette". Pour ceux qui en doutent, il fallait voir comment le fils cadet du Roi se sentait "chez lui", il y a quelques semaines lors de l'inauguration officielle de l'exposition sur les 175 ans de la Marine (qui se poursuivra jusqu'à la fin mai) au musée royal de l'Armée, au Cinquantenaire.
Loin de se lasser de serrer des mains à des gradés d'hier ou d'aujourd'hui, le Prince a longuement écouté ses interlocuteurs après avoir souligné déjà combien il appréciait la mise en perspective de l'expo.
Normal : c'est "son" arme... Le Prince y a suivi son instruction militaire et est capitaine de vaisseau depuis le 26 juin 2004. Et il a toujours marqué un vif intérêt pour la plus petite composante de nos forces armées.
C'est donc tout naturellement qu'à l'inverse, la Force Navale a suivi sa progression sur la scène publique. Rien d'étonnant non plus que le Palais ait nommé des marins pour l'épauler dans ses activités publiques.
Après avoir eu dans son sillage le colonel Vaessen qui se retrouve dans le collimateur, le Prince peut se reposer aujourd'hui sur le colonel Georges Vanlerberghe qui le suit toujours à distance avec un regard très paternel. A distance ? Le Prince est très attaché à sa relative liberté d'action. Au sens propre : il n'aime guère être suivi par la sécurité du Palais. Il estime aussi pouvoir user d'une certaine liberté d'expression, ce qui lui a parfois joué des tours.
Cet individualisme a-t-il permis à d'aucuns de "l'instrumentaliser" à son insu dans le cadre du dossier de Hasselt ? Toujours est-il qu'il a toujours apprécié d'être soutenu par la Marine et qu'il lui voue une admiration qui aurait pu se muer en abus de confiance. Sans nous relier ici au procès, on ne peut comprendre le contexte sans se rappeler que Laurent de Belgique n'est sorti de la discrétion qui l'entourait - trop à ses yeux... - qu'après l'accession au trône de son père. Et surtout qu'il s'est affirmé à travers des activités plus "visibles" que celles octroyées sous le règne de Baudouin. Il avait trouvé une oreille favorable notamment auprès de Fons Verplaetse, alors gouverneur de la Banque nationale qui fut l'un des initiateurs de l'Institut pour la gestion durable des ressources naturelles.
A l'époque, le gouvernement rouge-romain dirigé par Jean-Luc Dehaene mit sur les rails, dans une étonnante discrétion, cet outil à gérer par les trois Régions. Le Prince en devint le président et fit montre d'un réel intérêt pour la protection de l'environnement. Normal, arguent ses adversaires : il entendait surtout recevoir lui aussi des fonds publics. Le raisonnement ne tenait pourtant pas la route à l'époque : des enfants royaux, seul le prince Philippe, héritier du trône en avait une et sa soeur Astrid n'obtint la sienne qu'en 1999. C'est alors qu'il apparut que le prince Laurent n'était pas traité sur le même pied.
Avec le recul, c'est dès août 1993 qu'on aurait dû y songer. L'on aurait évité bien des frustrations et des incidents. Reste à dire que le Prince a souvent dû naviguer à vue dans une mer où des requins peu scrupuleux guettaient les occasions, moins de le servir, que de se servir. Avec un entourage mieux choisi dans la société civile et prêt à l'encadrer, ses initiatives eussent été peut-être mieux reconnues.
Laurent, bouclier pour la Justice?
dimanche 07/01/07
Le prince peut être entendu comme témoin à Hasselt, mais rien ne l'oblige à venir témoigner. Par ailleurs, le colonel Vaessen accuse la Justice d'avoir utilisé Laurent comme bouclier pour masquer le fonds de l'affaire qui toucherait des personnalités à un autre niveau de pouvoir.
Tout s'est emballé : vendredi, Laurette Onkelinx, ministre de la Justice, prenait un arrêté royal rendant cette audition possible. Peu de temps après, le Roi, Albert II, père de Laurent, signait l'arrêté, permettant ainsi à la juge Christine Coopmans, présidente du tribunal correctionnel de Hasselt, de citer comme témoin le prince, durant le procès qui s'ouvre ce lundi 8 janvier.
A dire vrai, Laurette Onkelinx réagissait (aussi) à la requête de la défense du colonel Noël Vaessen, le principal prévenu du procès et l'ancien conseiller de Laurent. C'est lui qui demande que le prince soit entendu. Vaessen prétend mordicus que le fils cadet du Roi était au courant de l'utilisation d'une partie des sommes détournées à la marine : l'aménagement de sa résidence, la villa Clémentine.
Par son arrêté royal, ce vendredi, Laurette Onkelinx a éliminé les derniers doutes sur « une protection politique » du prince. D'autant que le Premier ministre, Guy Verhofstadt, demande, lui, que toutes les dotations royales soient désormais contrôlées par la Cour des comptes. Et que son propre parti, le VLD, réclame une Commission d'enquête parlementaire sur les revenus financiers du prince Laurent avant 2001 - et l'instauration d'une dotation royale à son bénéfice.
Albert II a sans doute signé, vendredi, en fin de matinée, l'arrêté royal le plus émotionnel depuis son accession au trône. Il autorise, au terme des articles 510 et suivants du Code d'instruction criminelle, la comparution éventuelle de son fils cadet, Laurent, comme témoin devant la 18 e chambre du tribunal correctionnel de Hasselt qui entamera, ce lundi 8 janvier, l'examen d'une vaste affaire de détournements de fonds (2,2 millions d'euros) commis au sein de la marine. Ces malversations auraient notamment servi à aménager la villa « Clémentine » du prince Laurent et à équiper les dispensaires de sa Fondation pour le bien-être animal, le tout pour un total de 175.000 euros.
Après avoir envisagé la comparution du prince comme témoin devant le tribunal correctionnel de Hasselt, la défense du capitaine de vaisseau (colonel) Noël Vaessen, conseiller de Laurent de 1993 à 1999 et principal suspect dans ce dossier de fraudes, avait indiqué avoir renoncé à cette requête, ainsi que nous l'avait indiqué son avocat principal M e Tom Van Malderghem. Elle s'est finalement ravisée ce jeudi 4 janvier. Les avocats de l'ex-officier de marine ont en effet déposé auprès de la ministre de la Justice, Laurette Onkelinx, une demande fondée sur l'article 510 du Code d'instruction criminelle visant à permettre la citation comme témoin au procès du prince Laurent. La ministre, qui a précisé vendredi n'avoir « pas à connaître du fond de l'affaire, ni à se prononcer sur le caractère opportun de pareille audition », a soumis (après en avoir conféré avec le Premier ministre, Guy Verhofstadt), comme le veut cette procédure rare, un projet d'arrêté royal « spécial » (qui ne sera pas publié au Moniteur, en ce qu'il ne serait pas « d'intérêt public ») que le « Roi a signé immédiatement », a précisé le cabinet Onkelinx. A quelques jours de son discours de Nouvel An dans lequel il exprimait que « personne n'est au-dessus des lois », le Roi a mis en adéquation ses actes et ses propos, largement approuvés par le gouvernement qui avait déjà fait montre de sa détermination à identifier tous les bénéficiaires d'une fraude au détriment des caisses de l'Etat.
Dès vendredi après-midi, un huissier de justice a signifié au prince sa signification à comparaître lundi à Hasselt. Mais il n'en résulte aucune obligation contraignante. Laurent pourrait tout aussi bien attendre (ce qui est probable) une convocation en bonne et due forme du tribunal, si celui-ci estime que sa déposition orale est « utile à la manifestation de la vérité ». La présidente décidera, mais la défense des inculpés n'a jamais fait valoir en cinq années d'instruction, pas plus que le parquet ou le juge d'instruction, l'impérieuse nécessité de faire témoigner le prince.
Un coup de bluff de dernière minute de Vaessen (soupçonné d'avoir détourné à son profit 185.000 euros) et sa défense ? A trois jours de l'ouverture du procès, la manoeuvre semble en tout cas procéder d'une distraction procédurière. Selon des sources proches du tribunal, cette demande tardive et la ratification de l'arrêté royal risquent en tout cas de provoquer dès lundi le report du procès, le tribunal devant statuer sur l'utilité de cette demande. Le parquet d'Hasselt s'y opposera. Surtout, la jurisprudence relative à l'application de l'article 510 du Code d'instruction criminelle relatif à l'audition des « personnes de sang royal » est quasiment vierge, ce qui devrait commander au tribunal la plus extrême prudence pour ne pas donner à la défense des instruments de nullité des poursuites.
L'article 510 trouve son origine dans le Code de 1808 (antérieur à la création de la Belgique et qui concernait donc la famille impériale). Modifié en 1967, il prévoit que « les princes ou princesses du sang royal ne pourront jamais être cités comme témoins, même pour les débats qui ont lieu en présence du jury, si ce n'est dans le cas où le Roi, sur la demande d'une partie et le rapport du ministre de la Justice, aurait, par un arrêté spécial, autorisé cette comparution ».
L'article 511 prévoit en outre une déposition écrite des enfants du Roi à recevoir entre les mains d'un premier président de cour d'appel, la comparution personnelle n'étant éventuellement autorisée par un arrêté que devant la cour d'assises où la procédure est orale. Un vrai casse-tête pour les juges de Hasselt.
"Le Prince a été utilisé"L'ancien conseiller du prince Laurent, le colonel Noël Vaessen, accuse la Justice, dans un entretien diffusé samedi midi par le JT d'RTL-TVI, d'avoir utilisé le prince Laurent comme bouclier pour masquer le fonds de l'affaire de fraudes à la Marine qui toucherait des personnalités à un autre niveau de pouvoir. Le procureur du Roi a utilisé un membre de la famille royale pour couvrir des opérations frauduleuses qui ont eu lieu à des niveaux supérieurs de l'Etat, a notamment déclaré Noël Vaessen. Selon RTL-TVI, l'ancien conseiller du prince Laurent estime que le procureur du Roi avait élaboré un plan destiné à protéger le Prince, l'armée, le cabinet du ministre de la défense et un membre du comité P.(D'après Belga)
Un inculpé dans la fraude au budget de la Marine est un ami de Laurent
Johan Claeys (45 ans), de Meise, qui comparaît dès le lundi 8 janvier à Hasselt dans l'affaire de fraude au budget de la Marine, a été un condisciple du Prince Laurent, révèle l'hebdomadaire Le Soir Magazine. AmisL'hebdo publie des copies de pièces du procès-verbal de synthèse du dossier d'instruction, dans lequel il apparaît noir sur blanc que le capitaine Claeys travaillait au service facturation de la Marine et qu'il était un condisciple du prince Laurent.
Le dossier concerne le détournement de 2,2 millions d'euros au moyen de fausses factures en 1998 et 1999. Une partie de l'argent (147.313 euros) a été utilisée pour des travaux d'embellissement de la Villa Clémentine à Tervuren, la maison du prince. L'un des prévenus principaux est Noël Vaessen (55 ans), un capitaine de la Marine à la retraite et ancien conseiller personnel du prince. Selon le magazine, Claeys et Vaessen sont responsables de l'investissement dans la Villa Clémentine.
Marine
Le duo assure que les deux patrons de la Marine, les amiraux Herteleer et Verhulst, étaient au courant, mais ceux-ci nient. Au même service facturation, on retrouve également l'employée An Vanden Abeele, 52 ans, de Deinze.Marc Luypaerts, 50 ans, originaire de Hoensbroek en Limbourg néerlandais, est un militaire à la retraite et un ami de Johan Claeys. Il était sous-officier à la Marine et a créé les deux entreprises LFE Tapis et LKT Light Solutions, au nom de sa compagne de l'époque Lutgardis Kleutghen (50 ans), de Peer.
Factures
Ces sociétés délivraient des biens et services. Des centaines de factures pour un montant total de 1,8 millions d'euros ont été envoyées à la force navale, où Johan Claeys les déclarait alors comme "prêtes à payer". Marc Luypaerts prélevait également 30% de commission sur les factures d'une demi-douzaine de ses sous-traitants. Des factures qui étaient elles aussi envoyées à la Marine.
La Fondation prince Laurent et deux cliniques pour animaux à Bruxelles et Liège ont reçu via les entreprises de Luypaerts et de ses sous-traitants 37.286 euros sous forme de sponsoring, de matériel informatique, de tables d'opération pour animaux et de matériel de bureau.
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