24 avril 2007

Onkelinx suggère de re-fédéraliser l'aide à la jeunesse

MAJ 25/04/07

Laurette Onkelinx veut refédéraliser

Vu les moyens limités de la Communauté française, on ne sait pas aller assez loin dans la prévention, dit la ministre.Qui défend bec et ongles le "stage parental" si contesté.
Entretien
De tous les dossiers que la ministre PS de la Justice, Laurette Onkelinx, a traités en 4 ans, c'est la réforme de la loi de protection de la jeunesse qui lui tient le plus à coeur.
"Cela faisait longtemps qu'on essayait. On a réussi grâce à un dialogue d'un an, alors qu'il y avait une culture très différente, plus sanctionnelle au nord et plus protectionnelle au sud. Il a fallu trouver des équilibres. La loi en tant que telle est saluée par tout le monde, même si certains n'aiment pas certaines mesures..."
Mais on ne donne pas les moyens à cette réforme.
C'est le gros problème. Les magistrats de la jeunesse veulent beaucoup plus de moyens. Ils ont raison. Pourquoi la manifestation est-elle francophone ? Parce que les moyens de la Communauté française sont limités. En matière de protection de la jeunesse, il y a un éclatement des compétences. Moi, je ne peux pas, au nom du gouvernement fédéral, investir dans tout ce qui est justement plus que nécessaire, en amont, pour réagir dès le premier acte commis. Cette réponse, ce n'est pas l'enfermement, mais le rappel à la loi, l'éducateur de référence, la médiation, la conciliation réparatrice, l'aide à la parentalité... Ce qui est du ressort des Communautés. C'est pour ça que je plaide pour la refédéralisation ! Pas parce que la Communauté ne ferait pas bien son boulot, mais parce qu'elle n'a pas les moyens pour investir. Alors, soit on refinance la Communauté, soit on refédéralise, mais il faut trouver une solution. Comme ça, on ne sait pas aller assez loin dans la chaîne de prévention.
Pour le stage parental, il y a des moyens. Mais les acteurs de terrain refusent de l'appliquer, estimant qu'il s'agit d'un gadget politique qui rassure à bon compte et qui ne sert à rien. Vous persistez à dire que c'est une mesure utile ?
On la dénature souvent. Si on la présente en disant : chaque fois qu'il y a un problème avec un gosse, on met les parents en stage, je comprends qu'on s'y oppose. Les parents qui n'en sortent pas, qui sont dépassés - ça arrive à tout le monde -, ce ne sont pas des mauvais parents : il faut évidemment être à leurs côtés et les aider. Mais il ne s'agit pas de ça ! Je m'attache à être aussi du côté des jeunes et des jeunes délinquants quand leur problème, c'est que leurs parents n'en ont strictement rien à faire de leurs gosses. Ils s'en désintéressent tout à fait, ne viennent à aucune réunion, ne répondent à aucune convocation. A cause de ça, parfois, des ados commettent des actes de délinquance. On fait quoi, alors ?
Ce ne sont tout de même pas des cas fréquents.
Ça n'existe pas ? Ce n'est pas vrai ! Il s'agit, heureusement, d'une infime minorité, mais il faut donner un signal clair à ces parents. Quand on a un gosse, ça ne va pas de s'en laver les mains.
Qu'est-ce qu'un stage de 50 heures va y changer ?
C'est une aide à la parentalité, nom d'une pipe ! Pourquoi croyez-vous que j'ai demandé aux Communautés de l'organiser ? J'aurais pu proposer un camp fédéral d'entraînement... Ces parents ne sont pas condamnés à balayer, mais à avoir un dialogue avec des spécialistes pour qu'ils se rendent compte que, parfois, les actes de délinquance de leurs gosses, c'est à cause de leur désintérêt caractérisé. Cette mesure ne fait pas l'unanimité, je le sais bien, mais j'y tiens.

"Le Fédéral doit prendre ses responsabilités"
Les Institutions Publiques de Protection de la Jeunesse manquent de places pour accueillir tous les mineurs délinquants en Communauté française, ce n'est pas nouveau. Pour régler le problème, la ministre de la Justice Laurette Onkelinx suggère avec insistance de re-fédéraliser l'aide à la jeunesse. Pour Catherine Fonck, c'est non !

Tout le monde est pourtant d'accord, le système est vicié. La Justice est fédérale, les magistrats appliquent la loi aux mineurs délinquants, c'est logique. Sauf que ce sont les Communautés qui doivent en assumer les financements. Or la Communauté française est désargentée. Conséquence les magistrats prennent des décisions qui ne sont pas toujours appliquées.


Pour Catherine Fonck, ministre de l'Aide à la jeunesse « - Ce n'est pas seulement un problème de place, c’est un problème de prise en charge des mineurs délinquants » Car pour Catherine Fonck il a non seulement le suivi éducatif a assurer si le jeune n’est pas placé en IPPJ mais il aussi le suivi après l'IPPJ. Sans oublier le travail a assuré avec les familles des ces jeunes ; Pour la ministre doit rester une compétence communautaire. Catherine Fonck inverse donc la proposition Onkelinx. Elle suggère que le Gouvernement fédéral mette des moyens supplémentaires à la disposition des Communautés. Et pourquoi pas dit-elle sous la forme de droits de tirage spéciaux.

MAJ 24 avril 2007
Le désarroi des juges de la jeunesse

Les juges de la jeunesse manifestent ce mardi matin, à Bruxelles, devant le palais de Justice. Ils dénoncent un système devenu kafkaïen et un manque chronique de moyens. Le plus ancien magistrat de la jeunesse du pays, le juge juge Brosens, manifeste avec ses confrères.
Voilà, dit Antoine Brosens en désignant quelques dizaines de chemises qui s'égaillent en piles multicolores aux quatre coins de son petit bureau : là, là, là et là, ce sont les jugements rendus cette semaine par le tribunal de la jeunesse. » Pas loin de septante, au bout du compte.
Ainsi matérialisée, la charge de son office a quelque chose d'accablant : désormais, le tribunal de la jeunesse de Tournai traite bon an mal an quelque 800 dossiers civils et 150 dossiers de délinquance correspondant à autant de mineurs d'âge. Lorsqu'en 1982, Antoine Brosens est devenu juge de la jeunesse à Tournai, le tribunal gérait annuellement 80 dossiers civils et une septantaine de délinquants. La seule chose qui n'a pas changé dans l'intervalle, c'est le nombre de magistrats commis au traitement de toutes ces affaires : on ne recense toujours que deux juges de la jeunesse à Tournai.

Ce qui n'a pas varié non plus, c'est l'enthousiasme du juge Brosens, que vingt-cinq années de carrière - c'est le plus ancien magistrat de la jeunesse en fonction en Belgique - n'ont pu altérer. Il y a de la bonhomie dans cet homme jovial dont les propos sont marqués au sceau du plus solide bon sens. « J'ai 64 ans », dit-il. « J'aurais pu prendre ma retraite mais je ne l'ai pas fait parce que j'aime ce métier. Je vis de loin en loin dans ce bureau des instants magiques qui rachètent amplement les déconvenues qui sont souvent le lot de ceux qui exercent cette fonction. »
Malgré quoi, le juge Brosens figurera au nombre des magistrats de la jeunesse qui manifesteront, ce mardi, à Bruxelles. Lui, c'est d'abord la situation ubuesque dans laquelle l'a plongé l'abrogation de l'article 53 de la loi relative à la protection de la jeunesse qu'il entend dénoncer. « Cet article, explique-t-il, autorisait un juge de la jeunesse à envoyer un mineur de plus de 14 ans en prison pour une durée maximale de quinze jours. Je n'aime pas la prison. Et je n'y ai jamais laissé un mineur plus de cinq jours. Mais l'abrogation de cet article de loi devait être assortie de mesures propres à augmenter les capacités des sections d'accueil en milieux ouvert et fermé. Ces promesses-là n'ont jamais été tenues et je me retrouve presque invariablement dans la situation de devoir, faute de place, renvoyer chez lui un mineur dont je viens d'ordonner le placement. Cette semaine encore, on m'a présenté un gamin que j'ai déjà dû sermonner dix fois - et pas pour des broutilles. Vous comprendrez que ça le fait rigoler quand je brandis la menace d'un placement. Cette fois encore, j'ai dû le laisser repartir après lui avoir sérieusement remonté les bretelles. Alors quoi ? Beaucoup de ces jeunes entrent dans ce bureau en étant parfaitement conscients que la gravité des faits qu'ils ont commis - il y a des violeurs, des
braqueurs, des tabasseurs... - appelle une sanction. Ils en ressortent avec une réprimande. Quel message leur donne-t-on ? Et à leurs victimes ? »
Antoine Brosens croit aux vertus de la prévention, de l'encadrement, de la médiation. « Mais il arrive que, parvenu sans succès au bout de ce travail-là, il faille sévir », dit-il. « Et, la plupart du temps, nous n'avons pas les moyens de le faire. Pas de place ! Ma greffière et moi passons notre vie au téléphone, à faire vainement la tournée des institutions. Imaginerait-on un juge d'instruction réduit à appeler toutes les prisons du royaume avant de décerner un mandat d'arrêt ? »
Alors le juge Brosens fait antichambre, comme tous les autres, sur des listes d'attente. « La demande que vous introduisez pour un mineur doit être renouvelée tous les trente jours, faute de quoi elle devient caduque. Les délais d'attente sont interminables : récemment, j'ai obtenu une place en IPPJ pour un jeune dont j'avais ordonné le placement le 17 juillet 2006. Quelle peut encore être la portée pédagogique d'une sanction dont l'application survient si longtemps après les faits qui l'ont suscitée ? »
Il arrive aussi qu'une place sollicitée depuis belle lurette se libère alors que le mineur, laissé en liberté, s'est manifestement amendé. « Cela m'est arrivé voilà peu avec un jeune Athois qui battait sa mère. Toutes mes sources confirmant qu'il s'était assagi, j'ai renoncé en bonne logique à lui imposer ce placement. Mais sans pouvoir, pour autant, revendiquer cette place pour un autre dont la demande poireaute en 74 e position sur une liste d'attente : ces places sont nominatives. C'est un système kafkaïen. »
Le juge Brosens prône une refédéralisation de la politique de l'aide à la jeunesse aujourd'hui financée par la Communauté française - sans ignorer que la plupart de ses confrères ne souscrivent pas à ce point de vue. « J'ai le sentiment, dit-il, qu'on reviendrait à davantage de cohérence. »

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