28 avril 2007

Charles Picqué sonne l'alarme

entretien du 28 avril 2007
Picqué veut une négociation sur Bruxelles, sur deux choses : plus de moyens, et l'élargissement au-delà des 19 communes.


Rue Ducale, dans son fief de ministre-président, Charles Picqué (PS), s'attend, dit-il, à de dures attaques contre Bruxelles. Il prépare les prochaines négociations institutionnelles. Il nous dévoile sa stratégie. Candidat aux législatives (à la Chambre), il lance, du même coup, sa campagne.


Vous êtes candidat aux élections du 10 juin, ce n'était pas prévu.
En étant candidat en fin de liste, sans vouloir siéger, je montre, s'il le fallait, que je serai à la table des négociations ensuite.
Quoi, l'heure est grave ?
Je pensais que le thème de la régionalisation de la sécu et des soins de santé serait le pivot de la négociation institutionnelle. Mais je me rends compte que pour certains Flamands, ceux tentés par le démantèlement du pays, il est difficile d'arriver à cela sans régler, avant, le cas de Bruxelles. Qui reste l'obstacle, « la » pesanteur. Neutraliser Bruxelles, l'ancrage belge, c'est permettre de repartir dans un scénario de rupture à deux.
Vous n'exagérez pas un peu ?
La cogestion de Bruxelles, sa mise sous tutelle sont les thèmes qui reviennent au Nord. Il y a, dans la presse, des attaques incendiaires, qui confinent à l'insulte. Les Bruxellois sont qualifiés de « nains », d'inconscients...
Par une minorité...
Holà ! Tous les dossiers montrent bien quelle influence ont ces gens dans les appareils des partis flamands, via la N-VA dans le cartel avec le CD&V, ou Spirit, au SP.A. Elle est déterminante, par exemple, par rapport aux vols de nuit : si on ne règle pas le problème, c'est uniquement par leur faute. Ils veulent déstabiliser la troisième Région, pour créer les conditions d'une fracture du pays.
Mais qui défend ça au Nord ?
Je n'hallucine pas. Des journalistes, éditorialistes, des politiques... Une des mauvaises surprises de ces dernières années, c'est de voir une partie du patronat rallier les aventuriers institutionnels. Leur leitmotiv à tous : « Les Bruxellois ne sont pas capables de gérer Bruxelles... »
Selon Leterme, Bruxelles est mal géré.
C'est une donnée nouvelle, en tout cas dans son intensité : la désinformation, dans certains médias et chez certains politiques. Comment vous dire ma consternation et mon écoeurement ! Le chômage ? Bruxelles produit plus d'emplois que la Flandre, et en offre un gros paquet à ses navetteurs. En outre, comme les autres grandes villes, Bruxelles est le point d'entrée de flux migratoires, c'est une des explications de la sous-qualification d'une partie de la main-d'oeuvre. Tous les classements internationaux, en termes de taux d'emploi, de coût et de qualité de la vie, de contribution au PIB national, etc., nous situent en très bonne position.
Autre angle d'attaque : la mauvaise gouvernance. Trop de communes, d'élus, d'institutions...
Intox. Ou grossissement considérable des problèmes. Coût des communes ? Egal à celui des villes flamandes et wallonnes. Nombre d'élus ? Il y a plus de mandataires par tête d'habitant en Flandre qu'à Bruxelles. Complexité des institutions ? Elle a été exigée par les Flamands, pour des raisons d'équilibre dans la représentation politique.
Yves Leterme reste un « homme dangereux » ?
Il se livre à une démonstration purement dirigée par ses objectifs politiques. Dans ses rêves : mettre la Région sous tutelle, ou réduire ses pouvoirs, pour en faire une coquille vide... Et avec ça, ils font croire que nous ne voulons aucune simplification. Un exemple... Je dis : régionalisons le Selor, pour plus d'efficacité dans les examens linguistiques et de recrutement au service des Bruxellois francophones et flamands. Le veulent-ils ? Que les Flamands de Flandre fassent confiance aux Flamands de Bruxelles, avec lesquels on a démontré pouvoir travailler à un destin commun.
Mais s'ils veulent vraiment réformer le modèle bruxellois, alors ?
Je ne concéderai rien sur l'existence de la Région. Et j'irai à la table de négociations avec deux demandes. La première : renforcer les moyens octroyés à Bruxelles pour optimaliser son rôle international, et de plaque tournante économique pour le pays tout entier.
Plus de moyens, par quel biais ?
Je ne veux pas des techniques du type « effet retour », du type : récupérer une partie de l'impôt des sociétés, ou de notre contribution au PIB. On prêterait le flanc à des critiques sur la solidarité, les transferts. Je veux une dotation correctrice de la loi de financement, et avec préaffectation : l'on définirait à l'avance les domaines qui en bénéficieraient. D'une part : investir dans les équipements, infrastructures, la mobilité, pour assumer notre rôle international. Deux : lancer un programme concerté avec les deux Communautés sur l'éducation et la formation, afin de relever le niveau de qualification des populations, via l'octroi de moyens aux écoles, techniques notamment, ou encore la promotion du multilinguisme. Par cette « préaffectation », nous montrons que les moyens supplémentaires affectés à Bruxelles profiteront à toute l'économie du pays.
Deuxième exigence ?
La taille du bassin économique bruxellois est un problème. Notre stratégie de développement doit englober un territoire plus large que les dix-neuf communes.
Les Flamands disent non.
Je suis pétrifié quand j'entends certains comparer l'élargissement à l'Anschluss ! Alors que, simplement, c'est la meilleure façon d'optimaliser l'effet de levier économique de Bruxelles en faveur de tout le pays, et des deux autres Régions, dont la Flandre !
De toute façon, il y aura une discussion sur Bruxelles, même si elle devait être déconnectée des négociations qui auront lieu juste après le 10 juin. Cette négociation est nécessaire. Bruxelles a besoin de moyens, et de s'élargir. J'irai avec mes deux demandes.

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