18 juin 2008

Les 35 heures démantelées en France

Les entreprises pourront négocier leur volume d’heures supplémentaires. LE VERROU a enfin sauté, s’est réjoui le président français Nicolas Sarkozy. Mais à quel prix ? Le dialogue social en prend un coup.


Il y a dix ans, la réforme avait été votée en fanfare par le gouvernement Jospin. Celui de François Fillon vient de l’abolir en catimini. Les trente-cinq heures, c’est fini. Du moins dans l’esprit. La majorité n’a pas voulu prendre le risque de se mettre l’opinion à dos en exécutant sur la place publique une loi considérée comme un acquis social par une large majorité de Français. La durée légale du travail ne changera donc pas. Mais le texte adopté mercredi en conseil des ministres est sans ambiguïté. En autorisant les entreprises à négocier elles-mêmes leur contingent d’heures supplémentaires, le « verrou » si souvent dénoncé par Nicolas Sarkozy a fini par céder. « C’était la dernière étape pour réparer les dégâts des trente-cinq heures », a même commenté le président.
Toujours en délicatesse avec l’opinion, le chef de l’Etat trouve là l’occasion de renouer avec son électorat et de montrer qu’il fait ce qu’il dit. En campagne, en se présentant comme le « candidat du pouvoir d’achat » il avait promis aux Français de « travailler plus pour gagner plus ». Un slogan qui faisait mouche mais qui tarde aujourd’hui à produire ses effets alors que les ménages ont de plus en plus de mal à finir leurs fins de mois…
Au lendemain d’une mobilisation sociale très décevante pour les deux principaux syndicats – la CGT et la CFDT –, le gouvernement a choisi de passer en force. La voie lui semble d’autant plus libre que les socialistes eux-mêmes sont aux abonnés absents pour défendre la réduction du temps de travail, et que certains (l’aile la plus réformiste du PS) admettent même que les trente-cinq heures étaient une erreur. La nouvelle loi sera examinée en « urgence », c’est-à-dire en limitant les navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Objectif : mettre sans tarder tous les outils en place pour tenter de débrider la croissance. Car l’Elysée est convaincu que sa politique économique et sociale portera ses fruits pourvu qu’on laisse du temps au temps.
A peine treize mois après son arrivée aux affaires, Nicolas Sarkozy a donc lancé la plupart des grands chantiers qu’il projetait : service minimum en cas de grève, réforme des régimes de retraite avec l’allongement de la durée des cotisations et assouplissement des trente-cinq heures. Ajoutez à cela une réforme sur la représentativité syndicale adoptée elle aussi en conseil des ministres hier et vous aurez le « paquet social ». Les syndicats devront désormais peser au moins 10 % dans les entreprises pour être reconnus.
Pas d’euphorie
L’Elysée, pourtant, est loin de céder à l’euphorie. Car ces réformes ont un prix : la paix sociale. Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy avait su spectaculairement s’amadouer les syndicats. Leurs leaders étaient mieux reçus que jamais. Et le ministre du Travail, Xavier Bertrand, très apprécié de Nicolas Sarkozy au point d’être pressenti pour succéder à François Fillon à Matignon, avait même acquis le surnom de « negociator » tant il s’avérait habile dans la concertation. Mais l’humeur n’est plus à la détente. Parce qu’ils ont le sentiment d’avoir été trahis (la loi va bien au-delà de ce qu’ils avaient convenu), les syndicats se cabrent. Ils appellent déjà à la mobilisation pour la rentrée prochaine.
L’avenir des réformes pourrait alors devenir autrement plus compliqué… D’autant que la morosité économique (croissance molle et inflation record) ne crée pas vraiment de bonnes conditions pour exiger aux Français de nouveaux sacrifices…

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