13 février 2007

Les Balkans, artilleurs du grand banditisme

Plusieurs saisies récentes ont mis au jour des trafics d'armes lourdes qui aboutissent en France.

Explosifs acheminés de Serbie, lance-roquettes, fusils d'assaut et grenades. Les armes de guerre utilisées par le grand banditisme proviennent en masse des pays de l'Est, comme les montrent les saisies réalisées en France. Dernier exemple, le 6 février, trois intermédiaires d'une telle filière, en possession d'un petit stock d'armes, ont été interpellés en banlieue parisienne par la brigade de répression du banditisme. Leur chef supposé, Patrick, 40 ans, recelait dans son pavillon de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne) un «lance-roquettes de calibre 64 mm, prêt à servir avec la roquette à l'intérieur», un fusil d'assaut AK 47, un pistolet automatique 38 Spécial et huit grenades actives à fragmentation, tous ces engins en provenance des Balkans.
«Facile». Selon la direction centrale de la police judiciaire, sur quelque 2000 armes saisies l'an dernier, 47 % étaient des «armes lourdes», surtout des kalachnikovs de l'ex-Yougoslavie. Depuis 2000, quinze lance-roquettes ont aussi été découverts lors de perquisitions. «C'est relativement facile de faire rentrer en France des armes et des explosifs en provenance de l'Est, explique un commissaire. Vu les conflits passés dans l'ex-Yougoslavie et les milliers d'armes en circulation, les trafiquants n'ont qu'à se baisser pour les ramasser. Ils les ramènent ensuite, planquées à bord d'autocars, de camions, ou de véhicules privés.»
Mi-janvier, l' «une des plus grosses découvertes d'armes vivantes [pas de collection, ndlr] » a eu lieu dans le Var et les Bouches-du-Rhône, lors de l'arrestation d'une vingtaine de caïds du Sud-Est et de trafiquants d'Europe de l'Est. L'enquête, qui visait au départ des importateurs de stupéfiants, a abouti à la saisie de plus de quatre kilos de cocaïne mais surtout à celle de près de 200 armes de guerre pour la plupart, pistolets-mitrailleurs et kalachnikovs, réparties en trois caches.
L'une des planques recelait aussi du matériel pyrotechnique (détonateurs, retardateurs et minuteurs). Un enquêteur a évoqué une «sorte d'alliance entre des trafiquants de drogue et des vendeurs d'armes». Un tuyau a permis à la police judiciaire de Toulon de démanteler cette filière d'approvisionnement en armes à destination du milieu, organisée par des ressortissants de pays de l'Est.
Un commissaire de l'Office central de lutte contre le crime organisé souligne l' «importance des filières venant de l'Est» mais la «rareté» de la mise au jour de ce type d'affaires, à cause de la «difficulté à remonter les réseaux, faute de coopération policière efficace, avec les Balkans par exemple».
Hasard. Il arrive cependant que la police «tombe par hasard» sur un camion rempli d'armes lourdes ou sur des transactions, dans les grandes villes françaises. Deux Serbes, âgés de 41 ans et de 58 ans, ont été ainsi arrêtés à Paris, début janvier, «en flagrant délit d'échange de quatre kilos d'explosifs destinés au banditisme». Les suites de l'enquête, menée à Belgrade, ont permis de saisir sept autres kilos de penthrite: un explosif militaire de type plastic, très destructeur. L'un des deux trafiquants ­ chauffeur de bus d'une compagnie européenne de transports publics ­ «profitait de son métier» pour importer des explosifs de l'ex-Yougoslavie vers l'Europe occidentale.
Réseaux. La penthrite sert souvent à percer des fourgons de transport de fonds ou des portes des prisons. Ainsi, elle avait été utilisée pour faire évader Antonio Ferrara de Fresnes en 2003. Rattrapé depuis, il a été condamné à onze ans de réclusion criminelle en décembre par la cour d'assises de Paris. Il était jugé pour l'attaque en 2000, et avec dix comparses, d'un fourgon de la Brink's à Gentilly (Val-de-Marne), au moyen d'un cadre d'alu rempli d'une petite dose de penthrite apposé sur sa porte arrière.
Selon un policier de la BRB, «25 grammes de penthrite judicieusement utilisés suffisent à ouvrir un fourgon blindé.» «Une kalachnikov achetée dans les Balkans 100 à 150 euros, explique ce commissaire spécialisé, peut être revendue en France dix fois plus», à des «voyous, petits ou grands, des collectionneurs, des fondus et des réseaux terroristes, corses notamment» qui s'en procurent facilement en France, en Belgique ou en Italie : «C'est le bouche à oreille qui fonctionne, il y en a même en banlieue.»

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