16 février 2007

Libéralisation : où ça coince

MAJ 16/02/07


Electricité : pétard au parlement wallon
La libéralisation du marché de l'électricité est décidément un thème de combat au parlement wallon. Grogne des consommateurs, inquiétude budgétaire des communes, le terreau est fertile pour des affrontements politiques comme ceux menés une nouvelle fois au Parlement Wallon, mercredi, saisi de 8 interpellations sur la question.

Malgré le choix possible du fournisseur, la baisse des tarifs qu'on liait généralement à la libéralisation est un rêve déjà oublié après 45 jours de marché ouvert à la concurrence ! Pire, certaines régions de Wallonie paient désormais, à consommation inchangée, des factures gonflées de 20 à 30%.

Parallèlement, les communes ont perdu une partie des revenus que leur procuraient les intercommunales d'électricité et ont vu en même temps leur coût électrique enfler jusqu'à mettre en péril certains budgets.
Voilà en résumé les propos entendus tant sur les bancs de l'opposition que sur ceux de la majorité, unis pour dénoncer les effets de la libéralisation. Les députés, pour beaucoup municipalistes, ont donc plaidé pour des diminutions de charge, cherchant des solutions dans les allégements fiscaux ou les économies d'énergie.

Face à ces questionnements convergents, les ministres wallons n'ont pu que compatir et expliquer qu'ils ont hérité d'une situation et de décisions prises à l'Europe ou au Fédéral. Le ministre Antoine insistant pour sa part sur l'impossibilité de fait d'une véritable concurrence alors qu'il n'y a pratiquement qu'un seul producteur d'électricité capable de fournir les différents opérateurs : Electrabel tenant paradoxalement toujours dans sa main un quasi monopole.


La fusion de Nuon et Essent coûtera 1500 emplois
Les deux producteurs d'électricité néerlandais bien présents en Wallonie, Nuon et Essent, se sont mis d'accord pour leur fusion. C'est le "Volkskrant" d'Amsterdam qui l'annonce mercredi matin.


Ce mariage entre Nuon et Essent n'est pas une surprise, il était même envisagé depuis quelques mois, et cela alors que les deux sociétés publiques se sont lancées chacune sur le nouveau marché libéralisé de l'électricité en Wallonie. Cette fusion ne devrait pas avoir de conséquences directes pour les nouveaux clients de ces deux sociétés hollandaises qui n'en feront plus qu' une demain. Par contre il y aura une facture sociale aux Pays-Bas : la fusion entraînera la perte d’au moins 1.500 emplois.

Les conseils des commissaires des deux producteurs d'énergie se sont mis d'accord la semaine dernière sur les modalités de cette fusion qui doit encore être soumise à l'approbation des actionnaires, les provinces et les communes propriétaires. Le nouvel Etat-major et les divisions commerciales seront installées à Amsterdam où se trouve déjà le producteur Nuon. Et c'est à Den Bosch, siège de Essent que seront installés tous les services de vente aux consommateurs. Et pour couronner le tout, c'est le patron de Essent, Michiel Boersma qui sera le premier président du nouveau groupe fusionné qui compte plus de 4 millions de clients et pour un chiffre d'affaires de 11 milliards d'euros aux Pays-Bas.

Cela fait un mois que les marchés bruxellois et wallon du gaz et de l'électricité sont ouverts à la concurrence.
Et cela crée beaucoup de mécontentement. En cause, notamment, les délais d'attente et un service clientèle déficient.

La libéralisation complète du marché du gaz et de l'électricité à Bruxelles et en Wallonie, qui a débuté le 1er janvier 2007, ne fait pas que des heureux. Les raisons du mécontentement sont nombreuses.
Pour le moment, ceux qui veulent faire jouer la concurrence doivent être patients. S'ils ont signé un nouveau contrat en décembre ou début janvier, ils devront attendre le 1er mars pour qu'il s'applique alors que la période normale de mise en oeuvre est d'un mois environ. Ce délai supplémentaire avait été accordé pour permettre à la libéralisation de se mettre en place.
Et on peut penser que même après, le délai d'un mois ne sera pas facile à tenir. Chez un fournisseur comme Essent qui réalise une belle percée en Wallonie, ceux qui ont signé après la mi-janvier, devront sans doute attendre le 1er avril pour obtenir le transfert. "Après, on reviendra à une procédure normale", rassure Annemarie De Vreese, marketing manager chez Essent Belgium.
Le consommateur doit-il dès lors craindre un important manque à gagner ? De façon générale, les tarifs appliqués par les fournisseurs par défaut aux clients "dormants" sont les moins avantageux. Mais, les différences avec les offres concurrentielles varient très fort.
Selon certains experts, à Bruxelles où Lampiris est le seul concurrent à Electrabel, le manque à gagner sur un an de consommation d'électricité s'élève à quelques euros.
En Wallonie, en revanche, le consommateur peut être fortement perdant. Il apparaît que le tarif de Luminus en tant que fournisseur par défaut (dans la région de Liège) est particulièrement peu avantageux.
Deuxième source de mécontentement : des services clientèle déficients. Même une société comme Electrabel a été débordée et a dû renforcer les effectifs de son call center. "Les gens ont été submergés d'informations en une seule fois. Ils se sont inquiétés de ce changement", explique Lut Van de Velde, porte-parole d'Electrabel. Mais, selon elle, c'est en train de se normaliser. Electrabel a conclu un partenariat avec la Poste, qui entrera en vigueur début février. Des nouveaux contrats pourront ainsi être signés dans certains bureaux de poste.
Tracasseries
Une autre difficulté de la libéralisation est le changement d'interlocuteur. L'intercommunale a été remplacée par le fournisseur. Un exemple : "Nous sommes submergés d'envois d'attestations pour le tarif social spécifique", raconte Philippe Massart, porte-parole de Sibelga, le gestionnaire de réseau de distribution à Bruxelles. Autrement dit, les gens n'ont pas compris qu'ils devaient envoyer ce type de document à leur fournisseur et non pas à l'intercommunale. Ils sont aussi, paraît-il, nombreux ceux qui regrettent le temps où ils pouvaient payer en cash leur facture auprès de leur intercommunale.
Les tracasseries liées à un déménagement suscitent également beaucoup d'inquiétudes. D'ailleurs, l'IBGE (Institut Bruxellois pour la Gestion de l'Environnement) est en train de préparer une brochure explicative. Une de plus, diront certains...


Fournisseurs juridiquement à l'abri

En pratique, la libéralisation de l'énergie semble engendrer certains contretemps.Y remédier par la voie juridique ? Difficile.
Conclure un contrat de fourniture d'électricité ou de gaz est une chose. Encore faut-il qu'il entre effectivement en vigueur. Et dans de nombreux cas, il semble que cette entrée en vigueur soit retardée pour diverses raisons (fournisseur submergé de demandes, procédures prenant plus de temps que prévu, etc.). Il y a aussi la situation dérangeante du fournisseur qui, sachant que son client va le quitter, lui applique le tarif le plus élevé possible, comme pour le sanctionner. Que peut faire le consommateur face à ces problèmes ? Tout dépend du cas de figure. Mais dans la plupart des cas, le fournisseur aura pris le soin de se couvrir par le biais de conditions générales où il s'exonère au maximum de sa responsabilité.
1 Retard dans l'entrée en vigueur de la fourniture d'électricité ou de gaz. Depuis l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, de nouveaux fournisseurs proposent leurs services. Mais ils ont été surpris par l'ampleur de la demande. Résultat : des listes d'attentes et des délais pouvant aller jusqu'à plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Que peut faire le consommateur ? Tout dépend des conditions générales du fournisseur. Chez Essent, par exemple, il est précisé que "la fourniture commence au moment où le fournisseur (Essent, ndlr) figure comme fournisseur sur le point de fourniture (le domicile concerné, ndlr) dans le registre d'accès du gestionnaire de réseau (Elia, ndlr) ". Le problème, c'est qu'en concluant le contrat, le consommateur donne mandat à Essent de mener à bien toutes les démarches pour que cette inscription comme fournisseur devienne effective. Et aucun délai n'est spécifié. Le fournisseur précise tout au plus qu'il est tenu de respecter les délais de résiliation du contrat en vigueur...
En fait, tout dépend du moment où l'entreprise est considérée comme le fournisseur du particulier dans les registres d'Elia. Ainsi, chez Nuon, "sauf stipulation contraire écrite, la fourniture prend cours le premier jour du mois suivant le mois de l'acceptation par le gestionnaire de réseau du changement de fournisseur".
Face à ces délais d'attente, que peut faire le consommateur ? A priori, pas grand-chose. Comme les conditions générales ne prévoient pas une exécution dans un délai minimum, le client n'est susceptible d'agir qu'en cas de durée d'attente manifestement abusive de la part du fournisseur.
2 Sachant qu'un de ses clients a choisi de se fournir en électricité chez un concurrent, un fournisseur profite des délais d'attente pour sanctionner ce client en lui appliquant le tarif le plus élevé. "Le fournisseur d'énergie est en droit d'adapter ses conditions tarifaires, à condition qu'il respecte la procédure prescrite par le contrat de fourniture", nous explique un juriste. "En général, ce contrat prévoit un délai minimum à respecter avant d'appliquer une nouvelle grille tarifaire". Ainsi, le fournisseur "historique" belge, Electrabel, peut, selon ses conditions générales, modifier les prix à condition d'en informer le client au moins deux mois à l'avance. Toutefois, cette information peut se présenter sous des formes diverses, susceptibles de passer inaperçues pour le consommateur. Ainsi, Electrabel se réserve le droit de communiquer de nouveaux tarifs via son magazine "Entreprendre avec Energie", par le biais d'un courrier, d'un e-mail ou encore par une publication sur son site Internet. Si le client ne refuse pas explicitement les nouvelles conditions dans le mois, on considère qu'il les accepte. Que se passe-t-il si le fournisseur applique un nouveau tarif sans passer par la procédure contractuelle prévue ? "Dans ce cas, le client devrait pouvoir obtenir remboursement du montant excédant l'ancien tarif", explique notre interlocuteur. "Mais cela vaut-il la peine d'ester en justice pour une somme très petite ?". D'autant plus que, selon ce juriste, le client risque fort de se voir opposer son paiement comme une preuve de son acceptation du nouveau tarif, acceptation qui couvrirait alors le vice de forme dans la procédure d'information relative à ce tarif...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'énergie électrique est loin d'être un banal produit de consommation comme certains semblent le croire. C'est un vecteur énergétique d'une importance stratégique essentielle pour les sociétés industrialisées. Celles-ci présentent, actuellement et pour très longtemps, une fragilité de plus en plus prononcée en la matière. La sûreté et la disponibilité permanentes de l'alimentation en énergie électrique exigent la mise en oeuvre coordonnée et constamment mise à jour de dispositions strictes aux trois niveaux : production, transport et distribution. Cette coordination doit déborder largement le cadre de la Belgique et s'étendre au grand réseau européen. Les pannes spectaculaires qui ont affecté récemment de nombreux pays et plusieurs millions d'Européens ont failli conduire à un effondrement d'une grande partie du réseau européen.



Le fait d'avoir vécu durant cette dernière décennie sur les acquis des systèmes régulés, avec des surcapacités en production, a conduit à ne pas étudier suffisamment les effets sur les systèmes électriques des nouvelles externalités et de leurs conséquences. Et à sous-estimer systématiquement la situation !

La décision politique initiale de libéraliser le marché de l'énergie électrique a été adoptée sans prendre en considération les problèmes techniques et organisationnels, en donnant la primauté aux principes de libre concurrence, contenus dès l'origine dans le traité de Rome. La complexité du secteur s'en est trouvée considérablement augmentée, entre autres par la multiplication des acteurs du marché de l'électricité. Certains d'entre eux se focalisent sur les transactions commerciales qui ont une influence directe et immédiate sur le fonctionnement physique du système électrique. L'obligation de séparation des activités de transport de celles de production s'est traduite par une transformation radicale de la structure des sociétés d'électricité, avec passage de la structure à intégration verticale des activités à une structure éclatée assortie d'un découpage en entreprises juridiquement indépendantes.



L'assemblage au niveau européen des systèmes électriques nationaux est à optimiser. Il exige d'importants efforts en R & D et des innovations. Il en est de même de la mise en oeuvre du grand marché européen de l'énergie électrique, qui pose encore de nombreuses interrogations économiques. Le niveau actuel des efforts en R & D est très insuffisant.