11 février 2007

La Cour des comptes ne compte pas pour du beurre

A 175 ans bien sonnés, cette vénérable vieille dame a encore toutes ses dents.Mais on lui a ôté une de ses armes les plus redoutables : le visa préalable.


C'est la première des institutions qu'a compté l'Etat belge, après la proclamation de l'indépendance en 1830, puisqu'elle fut établie par décret, le 30 décembre de cette même année. La Cour des Comptes, qui a fêté en décembre ses 175 ans d'existence, a pourtant perdu une part de son autonomie, avec la disparition du "visa préalable" qui lui permettait, après analyse, de refuser purement et simplement le paiement des factures de l'Etat fédéral, des communautés, des régions, des organismes publics qui en dépendent, ainsi que des provinces.
En réalité, seule la Région bruxelloise a publié ces arrêtés royaux d'exécution, mais la Cour des comptes s'est d'elle-même adaptée à la modification de la loi et a cessé de bloquer les paiements. Et d'être ce grain de sable capable d'enrayer les mécanismes de dépenses inconsidérées des deniers de l'Etat ? Non, la Cour continue de répondre aux demandes d'enquêtes ou d'études émanant de la Chambre des représentants et des Parlements régionaux. Mais dans les couloirs de cette vénérable institution peuplée de quelque 550 membres, souvent universitaires, sélectionnés au terme de concours pointus, on chuchote que beaucoup n'auraient plus grand-chose à faire. Est-ce pour cela que la Cour des comptes n'engage plus ? Le président de cette institution n'a pas estimé utile de nous éclairer sur ce point, refusant un entretien avec "La Libre".
C'est que la Cour des comptes est un peu assise entre deux chaises, animal curieux dans un paysage belge qui découpe ses institutions au gré des velléités de régionalisation. On la jalouse dans l'administration : les salaires y sont élevés, et le statut de ses membres tout particulier, comme sa dotation, et sa direction. Et, financée par le Fédéral, la Cour s'active aussi au niveau régional... Ce qui ne manque pas d'étonner car dans d'autres pays, comme la France, il existe des chambres régionales des comptes, chacune étant compétente pour la collectivité publique dont elle relève.
Mais relever de la Chambre des représentants constitue un atout indéniable : la Cour des comptes est indépendante du gouvernement fédéral, ainsi que des exécutifs des collectivités fédérées. Elle examine donc les comptes de façon tout à fait indépendante. Ses membres sont nommés par la Chambre pour un mandat de six ans, renouvelable. Pour assurer leur indépendance et leur impartialité, la loi du 29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes prévoit plusieurs incompatibilités. Ainsi, les membres de la Cour ne peuvent être parents ou alliés entre eux et ce, jusqu'au quatrième degré. De plus, au moment de leur première nomination, ils ne peuvent être parents ou alliés au quatrième degré d'un ministre. Il leur est aussi interdit d'être parlementaires. Et ils sont soumis à une incompatibilité encore plus générale : ils ne peuvent remplir aucun emploi auquel est attaché un traitement ou une indemnité payée par l'Etat ni être directement ou indirectement intéressés ou employés dans aucune entreprise ou affaire sujette à comptabilité envers l'Etat. Enfin, il leur est interdit de participer à la direction ou à l'administration de toute société ou établissement industriel.
Comment fonctionne la Cour des comptes ?
Composée de deux chambres, l'une francophone et l'autre néerlandophone, la Cour siège toute l'année et tient séance chaque semaine. Chaque chambre est constituée de quatre conseillers, d'un greffier et d'un président. Actuellement, le président de la chambre néerlandophone, Franki Vanstapel, est aussi le premier président, soit le "patron" de la Cour. Chaque chambre prend des décisions à la majorité absolue et en cas de parité, la voix du président prévaut. Et que font-ils concrètement, les membres de la Cour ? Ils examinent les recommandations des auditeurs, lesquels chapeautent les différents services de la Cour des comptes. Ces services réalisent des analyses budgétaires, des audits relatifs au système comptable, etc. À cette fin, la Cour peut se faire communiquer tout renseignement utile par les services et organismes soumis à son contrôle, lesquels sont tenus de répondre dans un délai maximum d'un mois. Concrètement, les services de la Cour exercent une mission de contrôle budgétaire, contrôlent la légalité et la régularité des recettes et des dépenses publiques et effectuent des audits sur la bonne gestion des deniers publics. Mais la Cour est aussi une juridiction : en cas de manquement d'un comptable public, elle est le lieu d'un procès contradictoire et public. Mais le moment où la Cour des comptes est le plus sous les feux de la rampe, c'est quand elle remet son cahier annuel d'observations aux assemblées parlementaires. Un outil important, parfois trop peu lu par les parlementaires...


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