Le prince Philippe supporte mal la critique
Yves Desmet, rédacteur en chef du Morgen, a essuyé des critiques sur la couverture de la mission du prince en Afrique du Sud. "Je n'ai rien écrit personnellement à ce sujet, mais le prince trouve qu'il est inopportun d'écrire des comptes-rendus négatifs sur un prince royal. Je lui ai dis gentiment mais résolument que notre devoir est d'avoir un avis critique", explique Yves Desmet.
"Le prince m'a alors encore une fois répété: 'Vos articles négatifs ne m'empêcheront pas de mener à bien ma mission'. Je crains donc que nous ayons affaire à un missionnaire", a ajouté le rédacteur en chef du Morgen.
Après ce fut le tour de Pol Van Den Driessche, rédacteur en chef politique chez VTM: "Le prince m'a dit que j'avais raconté toutes sortes de choses à son propos et qu'il exigeait du respect envers les institutions. Je lui ai répondu que j'étais très critique à l'égard de toutes les institutions, y compris la monarchie. Et quand je commets des fautes, je rectifie. Je l'ai toujours fait. Le prince est alors revenu sur la mission en Afrique du Sud. J'avais dit dans mon commentaire dans Royalties que le prince avait donné une mauvaise image. 'Comment savez-vous cela? vous y étiez même pas', a-t-il dit. 'Et vous croyez à ce point ce que vos journalistes racontent?' En 25 ans de carrière, je n'avais jamais vu cela", a expliqué M. Van Den Driessche.
Une réaction déplacée
Lors de son entretien avec des rédacteurs en chef, le Prince Philippe a voulu dire que les comptes-rendus sur ses activités par certains médias ne se font pas toujours de manière objective, alors que le Palais n'est pas en mesure de se défendre.
C'est ce qu'a précisé le porte-parole du Palais royal en réaction aux informations parues dans certains journaux. Le porte-parole a admis qu'"il est possible que le ton ait été désagréable".
Interrogé sur le fait de savoir s'il est possible que le Palais cesse d'inviter un rédacteur en chef, le porte-parole a précisé que "le Palais n'invite pas des personnes mais des fonctions". Le porte-parole a encore confirmé que les services du Premier ministre ont contacté le Palais. Il n'a pas fait de commentaires sur le contenu du message transmis par ces services.
De son côté, le Premier ministre Guy Verhofstadt a qualifié de "déplacée" la réaction du prince Philippe à l'encontre de deux rédacteurs en chef. "Le premier ministre a transmis ses griefs au Palais et a exprimé son inquiétude face au comportement du prince à l'égard de la presse", a confirmé son porte-parole.
Le président du VLD, Bart Somers, estime pour sa part que le comportement du prince Philippe envers la presse doit encore être amélioré. Il y a encore du pain sur la planche pour son entourage, assure-t-il ce jeudi, tout en se raliant à la position du premier ministre, Guy Verhosfstadt. Il est clair qu'il a encore beaucoup à apprendre dans le cadre des ses relations avec la presse, ajoute le président des libéraux flamands, insistant toutefois sur le fait que le débat sur le rôle de la monarchie doit se dérouler dans la sérénité et non pas sur base d'un incident.
Le président de la N-VA, Bart De Wever, estime par contre que cette nouvelle sortie du prince Philippe prouve qu'il est temps d'ouvrir la discussion sur le pouvoir de la monarchie. Il demande ainsi que tous les articles de la Constitution traitant du pouvoir du Roi soit intégrés dans les articles à réviser et a d'ailleurs introduit une proposition en ce sens. Le comportement du prince est inacceptable. Sa conduite trahit une réel mépris pour la liberté de la presse et donc pour la démocratie, explique-t-il.
Pour Pol Deltour, secrétaire national de l'AGJPB, si le prince Philippe veut faire des commentaires ou apporter des critiques sur les médias, c'est son bon droit. Mais le Palais ne peut pas décider lui-même qui peut être invité à des événements et qui ne peut pas entrer au Palais, estime .
Comme tout citoyen, le prince Philippe peut critiquer les médias, a ajouté M. Deltour. "Nous pouvons cependant nous poser la question de savoir ce qui est raisonnable de faire dans une réception. Et aussi de quelle manière nous pouvons poser des questions", a-t-il précisé. Le coaching "media" du prince reste un problème difficile, selon M. Paul Deltour.
"Nous pouvons nous interroger sur le moment choisi pour poser des questions. Je constate encore que le prince communique difficilement". La Belgique dispose d'une solide liberté dans le domaine de la presse, selon Deltour.
Le fait que la Palais pourrait interdire l'accès à des journalistes professionnels, ce serait aller trop loin. "Ou alors, on ne trouve plus qu'une presse loyale et fidèle au pouvoir et on assiste au musellement de la presse indépendante", ajoute M. Deltour.
(D'après Belga)
Le système actuel se veut le plus contraignant possible. Mais entre la théorie et la pratique, il y a de la marge.
Éclairage
Retour obligé, donc, sur l'article 195 (ex-131) de la Constitution, celui qui fixe la procédure même de la révision de la charte juridique fondamentale. A cet article, on n'a jamais touché depuis 1831, quoiqu'il ait été déclaré révisable deux fois, en 1919... et en 2003.
1 Que dit l'article 195 ? Deux choses. D'abord, ce casse-vitesse : la révision se fait en 3 temps. 1° Le pouvoir législatif peut déclarer des articles révisables. 2° La déclaration dissout automatiquement Chambre et Sénat. 3° Les Chambres suivantes peuvent réformer. Ainsi, tout article ne peut être révisé que s'il a été déclaré révisable, mais tout article déclaré révisable ne doit pas être révisé pour autant.
Ensuite, ce garde-fou : si la déclaration peut être adoptée à la majorité simple, toute révision impose une majorité des deux tiers. Curiosité : les lois de réformes institutionnelles imposent en plus une majorité simple de chaque groupe linguistique, ce qui revient à les rendre (encore) plus rigides que la Constitution, voire à leur conférer une légitimité supérieure.
2 Pourquoi, toutes ces contraintes ? On invoque classiquement trois raisons : il faut rendre le texte fondateur le plus stable possible, surtout en notre heureux pays ; la césure entre deux législatures calme le jeu politique et attire l'attention sur l'importance de la démarche; le scrutin requis entre déclaration et révision permet à l'électeur de se prononcer.
On convient généralement que les deux dernières raisons ne tiennent plus la route. L'électeur ne vote certes pas en fonction d'une liste d'articles, et l'histoire des réformes institutionnelles démontre assez qu'il n'a jamais eu guère à dire à leur égard. Quant au parlementaire qui vote la déclaration, comment l'interpeller par des décisions que d'autres que lui (peut-être) prendront plus tard (éventuellement) dans un sens qu'il doit ignorer (quoique les juristes divergent sur l'autorité que le déclarant peut avoir sur le constituant) ?
Le souci de stabilité reste autrement pertinent. Mais le système actuel est-il le mieux à même de le rencontrer ? Pas forcément, à considérer que : 1° des réformes avérées fondées et urgentes n'ont pu être accomplies parce que les articles qui portent leur sujet n'étaient pas révisables ; 2° des réformes plus controversées ont à l'inverse été opérées alors même que la déclaration ne paraissait pas les autoriser ; 3° on peut détricoter des pans entiers de l'Etat sans devoir toucher à la Constitution.
3 Comment réformer , le cas échéant ? Les modalités de précaution sont légion. Outre les quorums spéciaux, toute révision pourrait nécessiter deux adoptions (sans déclaration ni dissolution), à étaler sur deux législatures ou (plus probablement) sur une seule. On pourrait accélérer dans certains cas (ainsi, les traités internationaux), freiner dans d'autres, voire décider que certains articles ne sont pas révisables (on pense à l'article 1 : "La Belgique est un Etat fédéral"), etc.
La révision de l'article 195 de la Constitution pourrait permettre la modification de la fonction royale.Sous la pression des partis flamands, les francophones pourraient s'y résoudre.On protégerait la Sécu et l'emploi. Simple hypothèse ?
BELGA
Réduira-t-on les pouvoirs du Roi des Belges lors de la prochaine législature ? A intervalles réguliers, les partis flamands remettent l'idée sur le métier. Ces dernières semaines encore, ils ont utilisé les remous autour de l'aménagement de la villa du prince Laurent et la discussion musclée du prince Philippe avec deux rédacteurs en chef flamands pour réclamer un toilettage de la Constitution qui enlèverait au chef de l'Etat ses prérogatives "politiques". Le rôle de la monarchie serait limité à la représentation. Dans les partis de l'actuelle majorité fédérale, il semble que ce soit la voie choisie.
Tabou
Il y a peu, la réduction des pouvoirs politiques du Roi était encore un sujet tabou. Sous l'influence des partis extrémistes flamands, l'idée a fait son chemin en Flandre et elle a rejoint les convictions de ceux qui, parmi les francophones, "républicains de coeur mais monarchistes de raison", souhaitent soit mettre la Constitution en conformité avec les usages actuels soit aller plus loin encore et limiter son rôle à de la simple figuration.
Comment s'y prendre ? Pour changer les pouvoirs du Roi, il faut modifier les articles de la Constitution qui précisent son rôle. Et pour procéder à une telle révision, il faut, avant les élections, déclarer révisables les articles en question. C'est le vote de cette liste (le 27 avril prochain) qui entraîne automatiquement la dissolution des Chambres.
Les partisans du maintien du système monarchique actuel avaient toutes les raisons d'être apaisés car des contacts entre partis, il apparaissait qu'il n'y aurait pas de consensus pour inscrire, dans la liste des articles à réviser, tous ceux qui règlent le "métier" de Roi.
Toutefois, ces changements pourraient avoir lieu en deux temps. Le scénario le plus vraisemblable est que le gouvernement propose au Parlement de reprendre la même liste d'articles à réviser que celle de 2003. Dans celle-ci, les articles concernant la fonction royale ne figurent pas. Mais, interrogé par "La Libre" en début de semaine sur le fait de savoir si les dispositions constitutionnelles concernant la fonction royale seraient soumises à révision, le Premier ministre, Guy Verhofstadt (VLD), avait eu cette réponse elliptique : "La liste de 2003 nous permet de mener à bien toutes les réformes".
Sans délai
Qu'est-ce que cela signifie ? La liste de 2003 comporte tout simplement l'article 195 de la Constitution, lequel régit... la manière de modifier la Constitution. A l'exception notable des élus CDH, nombreux sont ceux qui sont favorables à un allégement du processus de révision de la Constitution (lire ci-dessous), qui permettrait de modifier la charte fondamentale au cours d'une même législature (actuellement il en faut deux). Ainsi, la simplification du processus de révision de la Constitution permettrait à la prochaine majorité de changer, sans délai, le fonctionnement de la Monarchie.
Oseront-ils le faire ? Evidemment, tous les partis francophones jurent que telle n'est pas leur priorité et qu'il y a bien d'autres urgences. Mais plusieurs sources francophones le confirment : s'il faut accorder des concessions aux partis flamands, la modification des pouvoirs du Roi sera l'une d'elles. Autrement dit : mieux vaut, pour les francophones, protéger le caractère fédéral de la Sécurité sociale et de l'Emploi, plutôt que de maintenir un fonctionnement monarchique qui, de toute façon, ne correspondrait plus à la réalité.
Exemples : le rôle politique le plus visible que le Roi remplit encore, outre son rôle d'influence, s'exerce lorsqu'il désigne un formateur ou un informateur après les élections fédérales. Or, même ce pouvoir, le Souverain l'a quasiment perdu : en 1999, on a prêté (simple rumeur ?) à Albert II l'intention de nommer Annemie Neyts et François-Xavier de Donnea comme co-informateurs. Sous la pression des partis, c'est Louis Michel qui s'est finalement chargé de la tâche. En 2003, le Palais voulait directement nommer Guy Verhofstadt formateur. Elio Di Rupo s'est imposé informateur avant de céder le flambeau à Guy Verhofstadt.
Ce rôle (d'ailleurs non inscrit dans la Constitution) lui serait ôté. Certains vont jusqu'à imaginer de retirer dans la Constitution toutes les mentions attribuant au Roi un rôle politique (la sanction des lois, notamment) et de le remplacer, chaque fois, par l'expression "pouvoir exécutif". Il ne s'agirait pas, ce faisant, de s'en prendre à la personne du Roi actuel, Albert II, dont on loue unanimement le rôle exemplaire. Mais bien de prémunir le système belge contre les excès éventuels de tout successeur.
Bien sûr, ces changements auront des adversaires, au CDH, au MR et au PS. Mais la voix du changement semble à présent dessinée.
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