Sarkozy et Kouchner, un équilibre délicat sur la scène internationale
Après trois mois de travail en commun, le président Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner se veulent complémentaires, mais ce dernier apparaît souvent contraint de s'effacer ou de chercher ses marques face à l'activisme du chef de l'Etat. Le président de droite et son ministre, recruté à gauche au titre de "l'ouverture" et désormais cible de ses anciens amis socialistes, sont apparus au fil des dossiers en harmonie, ou en rivalité à peine masquée. "Quand un président de la République, élu au suffrage universel et avec quel score, veut prendre en mains un dossier, il le prend", reconnaît M. Kouchner dans le journal Le Parisien de dimanche. "Moi, des dossiers, je n'en manque pas", ajoute-t-il toutefois. Tous deux auront lundi l'occasion d'afficher leurs ambitions en politique étrangère lors de l'ouverture de la 15ème conférence des ambassadeurs de France. L'Elysée annonce un "discours important" de M. Sarkozy dans la matinée, le premier consacré à la politique extérieure dans son ensemble depuis son élection le 6 mai. M. Kouchner de son côté, dans une allocution en début d'après-midi, entend lui aussi affirmer sa volonté de faire évoluer son ministère, en appelant les diplomates à "s'interroger" sur l'action extérieure de la France et à savoir "penser différemment", indique-t-on au Quai d'Orsay. La tradition française qui fait de la politique étrangère le "domaine réservé" de la présidence, devrait néanmoins être bien respectée. "Les grands enjeux seront fixés par le président, et le ministre s'inscrira dans ce cadre", promet un diplomate. Mais M. Sarkozy, qui déploie une intense activité pour s'imposer sur la scène extérieure, et M. Kouchner, ancien "french doctor", figure depuis 35 ans de la scène humanitaire et médiatique internationale, devraient aussi affirmer leurs tempéraments respectifs. "Le président a sa personnalité, son style, le ministre aussi", fait-on valoir au Quai d'Orsay. "Au Darfour ou à Bagdad, on a vu leur complémentarité", relève Dominique Moïsi, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), en référence à l'action de M. Kouchner dans le conflit inter-soudanais et à son récent voyage en Irak, le premier d'un haut responsable français dans ce pays depuis le début du conflit en 2003. Sur ces deux sujets, M. Sarkozy a apporté un soutien marqué à son ministre. En revanche, "sur la Libye, on a vu la rivalité", fait observer M. Moïsi en allusion au rôle très en retrait réservé à M. Kouchner dans la libération des infirmières bulgares, tandis que les projecteurs étaient braqués sur M. Sarkozy et son épouse Cécilia. Pour Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Bernard Kouchner parvient à s'affirmer face à l'activisme de M. Sarkozy en se consacrant prioritairement à certains dossiers qu'il connaît bien en raison de son long engagement humanitaire, mais au détriment d'autres sujets. "Il donne le sentiment d'être le ministre des crises, des dossiers chau ds" comme le Liban, l'Irak, le Darfour ou le Kosovo, mais sur la question capitale du nucléaire iranien "on attend toujours qu'il s'exprime" de manière substantielle et "on attend aussi toujours une expression forte sur des régions importantes, comme l'Asie". Quant à la concurrence de M. Sarkozy pour lui ravir les feux de la rampe, "c'est un problème auquel il est exposé, mais ni plus ni moins que tous les autres ministres. C'est le mode de fonctionnement de la présidence Sarkozy, en tous cas pour l'instant", estime M. Tertrais.
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