01 août 2007

Les USA transforment le Golfe en poudrière

Condoleeza Rice et Robert Gates sont en tournée dans les pays arabes. Ventes d'armes et aides militaires US tous azimuts « pour contrer l'Iran », alors que Riyad joue solo en Irak.

L es Etats-Unis ont confirmé ce lundi l'élaboration de « nouveaux accords d'assistance (militaire) aux États du Golfe, à Israël et à l'Egypte » : 30 milliards de dollars sur dix ans pour Israël (Le Soir de lundi), 13 milliards sur dix ans pour l'Egypte, et des possibles ventes d'armes à l'Arabie Saoudite, pour un montant qui équivalent ou supérieur à 20 milliards (1).
Objectif déclaré : « Contrer les influences négatives d'Al-Qaïda, du Hezbollah, de la Syrie et de l'Iran » dans la région, affirmait lundi la secrétaire d'Etat US Condoleeza Rice, avant de s'envoler pour Charm el-Cheikh (Egypte) où elle rencontrait ce mardi, aux côtés du secrétaire à la Défense Robert Gates, les ministres des Affaires étrangères d'Egypte, de Jordanie et des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahrein, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar).


Cette nouvelle tournée américaine au Moyen-Orient, centrée sur l'Irak et la constitution d'un front « contre l'Iran », se prolongera en Arabie Saoudite, après quoi Condoleeza Rice poursuivra seule sa route vers Jérusalem et Ramallah.
Le sous-secrétaire d'État Nicholas Burns a précisé lundi soir les objectifs de ce plan : fournir aux pays alliés du Moyen-Orient des systèmes (en majorité) défensifs, dans un contexte politique visant à la stabilisation de l'Irak, du Liban, et qui puisse contrer « les tentatives iraniennes de développer ses propres intérêts stratégiques et étendre son influence dans la région ».
Israël. Selon Burns, le volume de l'assistance militaire à Israël serait aujourd'hui de 2,4 milliards de dollars par an en moyenne, conséquence d'un plan décennal lancé en 1998 sous Bill Clinton. Le renforcement aujourd'hui planifié serait compensé par une sortie, fin de cette année, du plan US de soutien économique. Notons que selon les chiffres collectés par le Center for Public Integrity de Washington, les montants réels de l'assistance militaire US annuelle à Israël de 1999 à 2004 étaient déjà tous légèrement supérieurs à 3,1 milliards de dollars (notre infographie).
Egypte. L'Egypte a d'ores et déjà accepté un plan décennal d'assistance militaire de 13 milliards de dollars qui devrait lui permettre de « maintenir son rôle régional ». À noter qu'au contraire d'Israël, Washington travaille en parallèle à un futur fond de soutien économique à ce pays, dont les détails devraient être connus dans le mois.
Arabie Saoudite. Là, c'est la bouteille à l'encre : le chiffre de 20 milliards de dollars a été avancé par la presse américaine, certaines sources parlant même de « chiffre plancher ». Selon Burns, les discussions doivent progresser en août et septembre, aucun chiffre n'est arrêté. Si l'Egypte et Israël ont toujours été les récipiendaires de fortes aides militaires américaines, ce n'est pas le cas de l'Arabie Saoudite : il s'agit probablement cette fois encore de ventes d'armes et non pas d'assistance militaire. D'autres pays du Golfe (Bahrein, Qatar, etc.) pourraient bénéficier d'assistance militaire.
Réactions. Celle d'Israël est remarquable : « Nous comprenons la nécessité pour les Etats-Unis de soutenir les pays arabes modérés, a déclaré le Premier ministre Ehoud Olmert, et nous devons faire front uni avec les Etats-Unis face à l'Iran. » Ceci alors qu'il semble que l'assistance promise à l'Egypte inclue des missiles air-air AIM-9X, missiles qu'Israël craignait de retrouver dans les mains de l'Egypte. Le fait d'armer l'Arabie Saoudite ne semble pas non plus inquiéter Tel-Aviv.
Fort adroitement, le ministre iranien de la Défense, le général Mostapha Mohamamd Najar, a pour sa part déclaré à l'agence Irna que « la république islamique ne s'inquiète pas du renforcement des capacités de défense des pays musulmans et amis ». Il a cependant critiqué le fait que la nouvelle donne « permette au régime sioniste de toujours préserver sa supériorité militaire », et décèle par ailleurs dans ces plans une course à l'armement artificiellement créée par l'Amérique « afin que leurs usines d'armements tournent à plein régime ».
Les critiques les plus féroces visent l'assistance à l'Arabie Saoudite : au sein du gouvernement allemand, Karsten Voigt a jugé ces livraisons d'armes « contradictoires » avec la promotion de la démocratie. Notre confrère Yossi Melman, du Haaretz (Tel-Aviv) : remarque : « Aujourd'hui, c'est la maison des Saoud. Demain, la maison des Ben Laden. Qui peut savoir ? »
Il existe des raisons de s'interroger sur ce volet du plan. Vendredi ont été révélées les tensions entre Washington et l'Arabie Saoudite sur l'Irak : c'est de ce pays que proviendraient la moitié des combattants qui rejoignent chaque mois l'insurrection. Riyad considère par ailleurs que l'occupation de l'Irak par les Américains est « illégitime », et que le Premier ministre irakien, le chiite Nouri al-Maliki, est un « agent de l'Iran ». Dans quelle mesure Riyad soutient-il le gouvernement irakien aujourd'hui en place ?
(1) À titre de comparaison, le total des acquisitions et mises à niveau de matériels purement militaires de la Belgique était en 2006 de 1,2 milliard de dollars.

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