Une majorité au bout de la nuit
TERRIBLE BRAS DE FER ce mardi entre MR et PS, avant que Didier Reynders ne cède : ce sera une tripartite francophone, avec le CDH.
La crise politique, qui dure depuis le 10 juin, a atteint son paroxysme ces dernières vingt-quatre heures. Non pas que les tensions, en soi, furent supérieures à celles dans l’Orange bleue, communautaires notamment (la N-VA, souvenez-vous…), mais parce qu’elles étaient cette fois toutes concentrées dans le camp francophone. Très gênant.
Le film de la journée…
Au « seize », Guy Verhofstadt échoue lundi soir (Le Soir d’hier) à mettre les partenaires CD&V, VLD, MR et PS d’accord pour composer à eux quatre un gouvernement intérimaire (lire à cet égard en page 3). Elio Di Rupo veut une coalition francophone large, avec le CDH, voire avec Écolo ; Didier Reynders, en revanche, ne veut pas du CDH dans le cadre d’une tripartite. Seulement dans l’Orange bleue. Tout le monde se quitte vers 21 h 30 sur ce constat d’échec.
Mardi matin, Joëlle Milquet se rend chez Guy Verhofstadt, celui-ci évoque devant elle la possibilité d’intégrer le gouvernement via une personnalité… « extérieure » au parti, et confirme le veto du MR à la participation pleine et entière du CDH à la coalition. Joëlle Milquet est outrée, elle réunit son comité directeur, prend acte du refus du MR, et déclare que dans ces conditions, le CDH se retire du jeu.
L’après-midi, le PS réaffirme que lui ne participera à aucun gouvernement sans le CDH, maintient l’idée d’une majorité large, qui aurait au moins les deux tiers des sièges au parlement, en vue de la réforme de l’État. Remarqué : le PS précise bien que Guy Verhofstadt garde l’initiative, il le sollicite même pour une dernière tentative de rabibochage. Elio Di Rupo jouera les entremetteurs toute la journée. Auprès de Guy Verhofstadt. Également entre le CD&V et le CDH…
Avant cela, une réunion avait eu lieu au « seize », autour de Guy Verhofstadt à nouveau, vers 13 heures, entre les quatre partis présents la veille au soir, où l’on avait constaté que le blocage demeurait, à ce stade.
En fin d’après-midi, Yves Leterme et Jo Vandeurzen, pour le CD&V, demandent à être reçus par Guy Verhofstadt. Ils lui expliquent que leur parti ne montera pas au gouvernement sans le CDH. Les chrétiens-démocrates savent que dans l’hypothèse où le parti de Joëlle Milquet est tenu à l’écart, la famille libérale (MR et VLD) sera toute-puissante dans la coalition. Le CD&V met un point d’honneur à ramener le CDH dans le circuit.
Une position qui ne laisse plus d’échappatoire à Didier Reynders. Le président du MR est isolé. Dès cet instant, la pression sur lui est maximale…
Au Nord, la majorité est prête : ce sera le cartel CD&V/N-VA et le VLD. Au sud ? Rien n’est plus possible sans le CDH depuis qu’après le PS, le CD&V en a fait une condition à sa participation au gouvernement.
Alors ? La tripartite MR-PS-CDH est sur les rails. La répartition des portefeuilles ministériels serait la suivante : 3 PS, 3 MR, 1 CDH, 5 CD&V (il n’y aurait pas de ministre étiqueté N-VA…), 2 VLD (+ le Premier ministre intérimaire).
La tripartite est sur les rails, disait-on, mais à 20 heures, l’on attendait toujours l’arrivée du train, lorsqu’au Boulevard de l’Empereur, le PS réunissait ses troupes au complet, pour un « bureau politique » exceptionnel.
Quelques heures auparavant, un « G9 » (le groupe des leaders socialistes) avait marqué son soutien à Elio Di Rupo : il faut tenir bon sur l’intégration du CDH.
Au Boulevard de l’Empereur le soir, les ministres socialistes arrivent « détendus ». L’on pressent l’accord politique, le « consensus francophone retrouvé »… C’est le mot d’ordre : pas de déclaration blessante à l’égard du MR. Les visages sont ouverts. Un mot : apaisement. Le MR ? « Ce n’est pas le moment de jeter de l’huile sur le feu », glisse Laurette Onkelinx. « La situation politique est tellement grave que l’on ne peut plus réfléchir qu’en termes d’union », dit Rudy Demotte.
À ce moment, vers 20 h 30, certains s’inquiètent toujours du revirement possible du MR. Même s’il se confirme que Didier Reynders aurait dit officieusement « oui » à Guy Verhofstadt. Et puis, un peu de tenue : c’est au formateur, de prendre l’initiative, de « dire » l’accord, par ordre de préséance. À tout seigneur…
Le bureau du PS s’achève vers 21 h 20. Elio Di Rupo livre une courte déclaration : « Notre espoir, c’est que les contacts que Guy Verhofstadt a entrepris puissent se couronner d’un succès. Une discussion est en cours actuellement avec Guy Verhofstadt et Joëlle Milquet. Si le CDH accepte ces propositions, on peut dans un délai très court mettre en place un gouvernement. S’il dit non, alors il faudra que les partis francophones se voient immédiatement pour prendre attitude. »
À l’autre bout de la ville, à la rue des Deux-Églises, siège du CDH, les centristes-humanistes ont rendez-vous eux aussi, après 21 h 30. Joëlle Milquet revient d’une entrevue avec Guy Verhofstadt. Ils ont mangé ensemble. Le CDH aura un ministre – Josly Piette ? – qui aurait rang de vice-Premier (il participera au kern), sans en porter le titre. Le CDH pense à un gros département à orientation sociale, comme l’emploi, les pensions ou les affaires sociales. Seul problème : Joëlle Milquet, nous confie-t-on, serait très affectée par les attaques du MR. Trop pour dire oui ? Non.
Par ailleurs, les familles politiques au gouvernement garderaient au maximum leurs compétences actuelles (Didier Reynders aux Finances, Laurette Onkelinx à la Justice, etc.). On ne touche pas aux présidences d’assemblées. Yves Leterme serait voué à un superministère transversal, qui préparera les réformes institutionnelles.
Nous voilà donc partis pour un gouvernement intérimaire jusqu’au 23 mars, dirigé par Guy Verhofstadt, avant le définitif, présidé par le chrétien-démocrate flamand.
Nos politiques manquent d’air
Deux semaines : voilà le temps qu’il a fallu à Guy Verhofstadt pour fixer le casting du gouvernement provisoire qui prendra la barre du pays jusqu’au 23 mars. A priori, on peut s’étonner des tensions qui auront entouré le casting de cette équipe de transition. Elles ont été extrêmes, du côté francophone. Elles paraissent incompréhensibles. Elles sont explicables.
Fût-il de transition, ce gouvernement, disposant des pleins pouvoirs, va devoir prendre des mesures importantes. On songe surtout à la confection du budget 2008 de l’Etat. Un budget est un acte politique essentiel (pour ne pas dire : essentiellement politique) et les partis souhaiteront bien sûr lui imprimer leur marque, tout préoccupés qu’ils sont par les régionales de 2009.
Ah, ces régionales… Elles ont pollué la négociation de l’Orange bleue. Elles auront empoisonné la mission de Verhofstadt…
C’est « la » leçon de la crise que nous vivons depuis six mois : il est temps de rétablir la simultanéité des scrutins – juin 1999 a été la dernière élection à la fois fédérale et régionale. C’est sous Dehaene que le Constituant à décidé de distinguer les élections régionales du scrutin fédéral (autrefois un parlementaire fédéral était aussi parlementaire régional). Dehaene a supprimé ce système de double casquette. On a voulu que le pouvoir régional ait sa vie propre et, même, son propre calendrier électoral – on vote désormais tous les 4 ans au fédéral, 5 ans au niveau régional. Depuis 1999, la Belgique est donc en campagne permanente.
Le courage politique est directement proportionnel au nombre de mois qui vous séparent d’une élection. C’est humain. Mais le système est tel que les partis ne disposent plus de temps utile pour « faire de la politique ». Exercice qui suppose de chercher à imposer son point de vue, en admettant aussi, à l’occasion, la blessure du compromis.
On parle de rétablir la simultanéité des scrutins ? Bien. Mais le plus tôt possible, alors. Voilà donc le menu : un gouvernement provisoire (Verhofstadt 3) jusqu’en mars 2008. Et un gouvernement définitif (Leterme I) appelé à s’arrêter en juin 2009, au lieu de 2011. Singulier ? Oui. Mais capital pour redonner du temps, de l’air, à ceux qui nous gouvernent.
Verhofstadt contre-attaque, le CDH attendu
192 jours sans nouveau gouvernement. Le formateur Guy Verhofstadt a formulé une nouvelle proposition permettant d'intégrer le CDH au gouvernement intérimaire. Cette proposition ferait l'objet d'un compromis auquel a également souscrit le MR. On attend la réponse du parti Humaniste.
La présidente du CDH, Joëlle Milquet a refusé ce mardi soir de commenter cette information. Au MR, on restait très peu disert.
Le président du PS, Elio Di Rupo, a commenté les dernières évolutions lors du Bureau de son parti.
"Il faut voir, si Mme Milquet accepte et formule ses propres exigences, on peut imaginer qu'un gouvernement puisse être mis sur pied en fonction de la note de politique générale", a indiqué Elio Di Rupo.
"Si c'est non, le Bureau demandera que tous les partis francophones se voient", a encore dit le président du PS. Elio Di Rupo, qui n'a pas souhaité éventer le contenu de la nouvelle proposition de compromis a salué l'effort réalisé par tout le monde, "en ce compris le MR".
La présidente du CDH, Joëlle Milquet a indiqué que "ce gouvernement doit avoir lieu". Mais, a-t-elle répété, "il n'y a aucun problème à ce que ce soit sans nous". Le Bureau du CDH est réuni ce mardi soir, a-t-on appris.
Si la réponse des centristes est positive, le premier ministre pourrait présenter un nouveau gouvernement avant la fin de la semaine et un vote pourrait intervenir au début de la semaine prochaine, de manière à sortir de la crise avant la Noël. Des réunions de groupes techniques ont d'ailleurs déjà eu lieu et sont encore prévues.
Le président du MR Didier Reynders a indiqué n'avoir pas pour habitude de commenter les propositions déposées par le formateur. "Le VLD et le MR sont d'accord depuis longtemps. Nous avons pris note mardi de la position commune du PS et du CDH", a-t-il indiqué.
On se met à leur place, qu’ils se mettent à la nôtre
Mettons-nous à la place du MR. Il a gagné le scrutin. Il a gagné le Lotto. Et on lui a volé son billet. Premier parti francophone ! C’est historique. Et on le prie d’oublier ça. D’oublier un effectif ministériel à la hauteur de l’exploit. D’oublier ses projets (fiscaux) qui doivent lui faire gagner les régionales de 2009. Dans une tripartite francophone (voire une Union nationale) : où est le MR ? qui a vu le MR ? que fait le MR ?… Le calcul du MR est logique : il faut une bipartite.
Mettons-nous à la place du CDH.
Après un court travail de deuil (Milquet rêvait du PS), il dit oui à l’Orange bleue. La mort dans l’âme. Et la peur au ventre : MR et CDH vont donc engager une réforme de l’Etat avec la Flandre. Et dans l’opposition, PS et Ecolo se feront paisiblement du ventre en dénonçant leurs lâchages. Le MR a la santé pour encaisser ça. Le CDH, non. Aujourd’hui, son calcul est : si l’on noue une majorité sans lui, tant mieux – il aura la paix pour préparer 2009. On l’appelle au fédéral ? Il ira, tant pis, ce sera de toute façon dans une formule plus large que la dangereuse bipartite (le PS conditionne sa montée au fédéral à la présence de Milquet…).
Mettons-nous à la place du PS.
Il perd le scrutin. Et se fait à l’idée de filer dans l’opposition. Un moyen, se dit-il, de retrouver du jus pour 2009. L’échec de l’Orange bleue modifie la donne. On l’invite au gouvernement. Il pense non. Il dit oui – on l’accuserait d’abandonner le pays à la crise. La condition : tout le monde y va. A quatre partis francophones, on dira mieux non à la Flandre. Et (surtout), s’il faut dire oui ci et là, il n’y aura personne dans l’opposition pour vous le reprocher.
Mettons-nous à la place d’Ecolo.
Il gagne le scrutin. Mais monter dans une majorité qui va s’enliser dans l’institutionnel, non. L’échec de l’Orange bleue change la donne. Il pense non. Il dit oui. Si tout le monde se mouille.
Voilà. Pour des raisons compréhensibles (2009, c’est si proche…), ici, on veut une formule large. Pour des raisons compréhensibles (2009, c’est demain…), là, on n’en veut pas.
Irréductible, ce conflit ? Non si chaque parti, un instant, se mettait à notre place. A la place de ces Belges qui saisissent mal que la crise perdure pour d’aussi transparents calculs électoraux.
Verhofstadt III en piste ?
191 jours sans nouveau gouvernement. Qui sera du gouvernement intérimaire ? La réponse peut-être ce soir après une journée riche en rebondissements. Il se pourrait que le MR lève son veto à la présence du parti de Joëlle Milquet dans la coalition. Et, du coup, ouvre la piste à la formation de Verhofstadt III.
Verrait-on naître un gouvernement ce soir ? La question mainte fois posée depuis 191 jours pourrait trouver une réponse au terme d’une journée folle où les déclarations fracassantes se sont succédé. Ce soir à 20 heures, le PS est en réunion de parti... qui pourrait déboucher sur un accord en vue de la formation de Verhofstadt III. Et d’après nos informations ce mardi soir, le MR serait sur le point de lever son veto à la participation du CDH au gouvernement provisoire.
Le CDH décroche
Tout a commencé ce matin avec le CDH quand ce parti annonçait qu’il n’était pas disposé à entrer dans le gouvernement intérimaire que Guy Verhofstadt tente de former.
Le CDH estimait qu’il est plus « sain » que le gouvernement se fasse sans lui vu la « persistance » du « blocage » engendré selon lui par le MR qui refuse de voir les centristes intégrer une large coalition.
Le CDH est néanmoins prêt à soutenir, le cas échéant et au cas par cas, les projets que déposera le gouvernement intérimaire s’il voit le jour.
Les centristes restent par ailleurs à disposition pour la constitution du gouvernement définitif. « Si nous sommes invités (ensuite) à participer à un gouvernement définitif, nous pourrions dire oui », a indiqué Joëlle Milquet.
La présidente du CDH a répété que sa formation s’est toujours montrée constructive depuis quelque six mois et qu’elle continuera de l’être.
Mais à l’impossible nul n’est tenu. « Nous regrettons que Guy Verhofstadt malgré tous les efforts déployés en vue d’arriver à un gouvernement à cinq et la volonté affichée des autres partenaires n’ait pas pu convaincre son partenaire libéral francophone de lever son exclusive à notre égard », souligne le CDH.
Le PS menace
Ensuite, en réponse au désistement du CDH, le PS a mis la pression maximale sur Guy Verhofstadt. Dans un communiqué diffusé en tout début d’après-midi, le président du PS, Elio Di Rupo, a appelé le formateur Guy Verhofstadt à mener une "ultime tentative" pour ramener chacun à la raison et trouver une solution qui permette au CDH de siéger dans le gouvernement intérimaire. "Avec le maintien d'exclusives vis-à-vis de certains partis francophones, le PS ne pourra pas accorder sa confiance à un gouvernement intérimaire" . Il rappelle que « depuis le 10 juin, le PS n’a jamais été demandeur d’une participation gouvernementale malgré la force qu’il représente toujours au Parlement avec ses 20 sièges.
En réponse , le MR prend note
En fin de journée Le MR a pris note dans un communiqué de la position émise par le CDH et le PS. Dans le même communiqué, les libéraux confirment leur disponibilité pour un gouvernement de transition, soulignant que depuis six mois ils tentent de mettre sur pied un gouvernement tenant compte du choix des électeurs.
« Depuis six mois, le MR tente de mettre sur pied un gouvernement tenant compte du choix des électeurs. Le Mouvement Réformateur confirme sa disponibilité pour participer à un gouvernement de transition comme le propose le formateur Guy Verhofstadt depuis une semaine », souligne le communiqué.
Le Mouvement Réformateur « prend note » de « la position commune » du PS et du CDH.
Le communiqué conclut que « dans le contexte actuel, le MR continue à travailler aux côtés de Guy Verhofstadt pour mettre en place le plus rapidement possible un gouvernement que les citoyens appellent de leurs voeux ».
Le CD&V solidaire avec le CDH
Le CD&V est d’avis, à l’instar du PS, que le CDH doit faire partie du gouvernement, a indiqué mardi soir Yves Leterme à l’issue d’un entretien qu’il a eu avec Guy Verhofstadt. Yves Leterme et le président du CD&V, Jo Vandeurzen, ont transmis au formateur de nouvelles propositions pour sortir de l’impasse. « J’ai pris acte du fait que le formateur va formuler de nouvelles initiatives dans les prochaines heures », a indiqué Yves Leterme.
Ecolo reste disponible pour Noël ou pour Pâques
Ecolo n’a pas refusé de participer à un quelconque gouvernement, a précisé mardi matin à l’agence Belga le co-président du parti, Jean-Michel Javaux. Il réfute ainsi que son alliance avec le parti frère flamand Groen ! l’empêche de facto de toute participation, mais la formation verte attend toujours une invitation qui pourrait peut-être ne venir qu’au printemps pour le gouvernement de Pâques.
« S’il est vrai que nous formons un groupe commun avec Groen !, la moindre des choses serait que ce groupe commun soit invité. Mais nous n’avons pas encore reçu d’invitation à participer à un gouvernement qu’il soit de type 4 + 2 ou autre », a expliqué Jean-Michel Javaux. Son parti reste, depuis le lendemain des élections législatives du 10 juin, disponible pour toute solution qui pourrait débloquer la crise et apporter des réponses et du contenu aux demandes du citoyen.